Les racines du mal

Rigueur comptable
L’origine du mal se trouve peut-être dans le tournant de la rigueur pris en 1983 par François Mitterrand et Pierre Mauroy.

Au lendemain de la déconfiture électorale du Parti socialiste, nombreux s’interrogent sur les raisons de cette humiliation. Les coupables ne manquent pas mais l’Histoire politique ne montrerait-elle pas que les origines du mal sont anciennes. Explications.

Beaucoup s’étonnent encore, alors que s’annonce une déferlante En Marche au sein de l’Assemblée Nationale, de la déconfiture que droite et gauche ont subi tant lors de l’élection présidentielle que lors du premier tour des élections législatives. Si l’étonnement se comprend, il trouve cependant des raisons qui tendraient à le pondérer même s’il reste légitime au regard de l’Histoire politique française où jamais telle déculottée n’avait été enregistrée. Et des deux partis historiques à avoir subi le plus lourd et le plus cuisant revers reste encore le Parti socialiste, impuissant à endiguer la vague Macron, incapable de proposer une nouvelle alternative progressiste crédible face à un homme qui a fait de l’explosion des clivages politiques son credo, écartant sans ménagement Adam Smith et Karl Marx, tout en imaginant un syncrétisme inédit des deux idéologies. L’avenir dira si l’expérience est efficace car en cas d’échec, la chute de l’enfant prodige de la politique risque d’être aussi lourde que put être fulgurante son ascension.

Rigueur et real politik

Pour autant, c’est bien le Parti socialiste qui aujourd’hui traîne sa gueule de bois sans parvenir à évacuer les relents d’une soirée où le macronisme a coulé à flot. Qu’es-ce qui a bien pu clocher ? Certains, tels Pascal Lamy, préfèrent stigmatiser la politique de François Hollande et Manuel Valls (à laquelle Emmanuel Macron a largement contribué aussi…), d’autres se rabattent sur le programme de Benoît Hamon, d’autres sur tout et n’importe quoi, ne sachant plus où chercher les raisons de la débâcle. Et si finalement aucun des hommes cités, et avec eux leurs homologues politiques, n’étaient en réalité responsables ? « Facile ! » s’écrieront certains. Peut-être. Mais est-ce que la défaite du Parti socialiste enregistrée lors de la présidentielle et des législatives à venir ne remonte pas à l’orée des années quatre-vingt. Disons-le tout de go ! La gauche française, charnelle et passionnelle, combative et progressiste, dévorée par l’envie de bousculer l’ordre établi est morte en 1983 lorsque François Mitterrand et Pierre Mauroy ont opté pour la politique de rigueur. Cette real politik, imposée diront certains par les conditions économiques nationales et internationales d’alors (inflation galopante, franc attaqué,…), a crucifié la gauche française, paralysée son action pour les décennies qui ont suivi renvoyant son action qualifiée de progressiste à une forme de gestion de l’Etat providence. Choquant ? Excessif ? Il appartiendra à chacun de juger à l’aune de ses convictions si la gauche française s’est corrompue avec le marché mais dire que celle-ci a tourné le dos, en 1983, à ses pères et ses principes fondateurs n’est pas erroné non plus.

« Moderne pas socialiste »

D’adaptations du discours social au marché et de concessions, parfois grossières et mal assumées, à celui-ci, la gauche française a fini par perdre son âme dans une politique prétendument moderne épousant les contraintes économiques alors qu’elle n’a fait qu’accompagner ce dernier en reniant parfois son histoire. Nombreux ont encore à l’esprit les mots de Lionel Jospin qui, présentant son programme présidentiel avant le scrutin de 2002, lançait : «Mon projet est moderne, pas socialiste » (lire l’article sur liberation.fr : « Mon projet est moderne, pas socialiste »). Aveu de collusion ? Et que dire de François Hollande qui au Bourget en janvier 2012 déclarait être l’ennemi de la finance et qui avec le CICE a flatté le monde de l’entreprise en échange de créations d’emplois qui relèvent de l’arlésienne ? Les exemples ne manquent pas et mettent tous évidence cette capitulation, d’aucuns diraient trahison, de la gauche devant le capital et qui au fil du temps a dissous le clivage, devenu artificiel, entre conservateurs et progressistes. Faut-il pour cela jeter la pierre à François Mitterrand et Pierre Mauroy, figures tutélaires de la gauche ? Ni oui, ni non. Les hommes en question ont agi en fonction de leurs convictions fatalement influencées par les circonstances de l’Histoire. Mais plus de trente ans après, les faits sont là : cruels et sans pitié. Il fallait bien que l’addition se paye un jour ! Mais combien est-elle chère payée !

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