L’abstention, un goût amer de faillite citoyenne

Les taux d’abstention interrogent sur les notions de citoyenneté partagée ou non par les électeurs.

L’abstention record qui a marqué le rendez-vous électoral régional et départemental interroge sur les raisons qui poussent les citoyens à fuir les urnes. Désormais s’imposent l’identification des causes et les solutions à proposer.

D’aucuns, et à raison, se sont émus du taux d’abstention qui a marqué les deux tous des élections régionales et départementales tenus lors des deux derniers dimanches du mois de juin. D’aucuns, souvent les mêmes, ont crié à la crise de la démocratie, au rejet par l’électorat de la classe politique dans son ensemble, alors que ce scrutin a été l’espace d’une forme de résurrection des partis politiques anciens tels que le Parti Socialiste et Les Républicains (lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/06/27/) et de la politique en général. Le constat dressé au lendemain de cette échéance électorale que beaucoup ont vu comme un galop d’essai, voire un échauffement, en vu de l’élection présidentielle, interroge cependant non pas sur la valeur du personnel politique frappé d’une médiocrité qui se traduit elle aussi dans les urnes mais par une perte croissante du sens de la notion de citoyenneté. Le confort politique que confère la démocratie à chacun de nous, le cadre juridique stable de la République, loin d’être aujourd’hui en danger comme elle put l’être à la fin du XIXème siècle ou au début du XXème siècle, tend ainsi en enfermer les citoyens dans une bulle qui se détache doucement, élections après élections, de la réalité sociale et citoyenne du pays.

Sens, ambitions personnelles et intérêt général

Concrètement et pratiquement, l’ignorance des principes élémentaires qui sous-tendent la République et la démocratie est devenue le principal moteur de l’abstention. Accuser les électeurs de fuir les différents scrutins n’auraient de sens que si ces derniers avaient conscience du poids de leur vote, du devoir civique que celui-ci revêt et de la valeur démocratique qu’il endosse. La méconnaissance de l’histoire de la démocratie, des combats qui l’ont accompagnée pour que celle-ci s’impose, des principes égalitaires et libertaires qu’elle appelle ne sont en rien aujourd’hui entendus par un corps électoral désabusé et engoncé dans le confort de régimes libres que beaucoup croient aboutis. Or, il n’est en rien car le combat masqué mené contre la démocratie et la République que représente l’abstention travaille à chaque rendez-vous électoral manqué à sa perte. Reste donc à savoir comment renvoyer l’électorat dans les urnes ? Plusieurs solutions pourraient humblement être avancées à commencer par une amélioration intellectuelle du personnel politique trop souvent habité par des ambitions personnelles que par l’intérêt général. Le second tour du scrutin régional ayant mis en évidence cette réalité. (lesechos.fr : https://www.lesechos.fr/politique-societe/politique/exclusif-xavier-bertrand-maintenant-la-presidentielle-est-un-match-a-trois-1327322) Travailler à une société de l’intelligence et non de la superficialité peut aussi être un vecteur de responsabilisation de l’électorat. Cette notion de responsabilité défaillante qui nourrit ces taux d’abstention records apparaît certainement comme le nœud gordien de cette situation qui plus qu’une crise de la démocratie se révèle être une crise sociétale profonde et ouverte.

Paradoxe et libertés fondamentales

La scission consommée entre électeurs imprégnés, minoritaires, des principes démocratiques et républicains et ceux, aujourd’hui majoritaires, détachés de la vie politique, est telle que les solutions avancées ici ou ailleurs risquent d’apparaître comme dérisoires afin de résorber le problème constaté. Paradoxe grotesque ou ironie du sort, dans une société qui revendique tous les jours plus de droits à des fins de satisfaction et de protection individuelles, le droit fondamental de s’exprimer par le vote, est aujourd’hui bafoué et méprisé. Est-ce à dire que les combats qui ont prévalu afin d’établir le droit de vote n’ont plus de prise sur une part grandissante de la société ? Est-ce à dire finalement que l’histoire de la démocratie n’a plus de sens ? Il appartiendra à chacun d’apporter une réponse à l’une et l’autre réponse mais le taux d’abstention du scrutin désormais passé laisse à penser que nombre d’électeurs ont tourné le dos à nombre de libertés fondamentales certes acquises mais à défendre au quotidien. Si la République n’est pas en danger, loin s’en faut, le déni des principes fondamentaux qui la soutiennent participe de manière sous-jacente à sa dévalorisation et sa décrédibilisation alors que se profile une élection présidentielle plus ouverte que jamais. (lefigaro.fr : https://www.lefigaro.fr/politique/benjamin-morel-la-presidentielle-de-2022-est-plus-que-jamais-imprevisible-20210627)

Vintage diplomatique ?

La rencontre entre Joe Biden et Vladimir Poutine révèle la volonté de contenir les tensions existantes entre les deux pays tout en posant les jalons diplomatiques qui s’imposent afin de se concentrer sur un autre objectif : la Chine.

En choisissant de se rencontrer à Genève, en Suisse, par essence espace des plus neutres qui soit, Joe Biden, le président des Etats-Unis et Vladimir Poutine, son homologue russe, donnent à ce rendez-vous diplomatique scruté de toutes parts des airs de Guerre Froide. Tout y concours : des relations diplomatiques des plus fraîches, des désaccords multiples, des ambitions divergentes et même un lieu de discussion en terrain neutre. Alors qu’attendre de ce sommet ? Pour de nombreux observateurs, il est peu probable que cette halte helvétique accouche de quelques décisions fondamentales à même de bouleverser l’équilibre actuel. (Lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/international/article) Tant Joe Biden que Vladimir Poutine n’ont ni envie, ni intérêt à céder quoi que ce soit et ce pour plusieurs raisons qui tiennent avant tout de la géopolitique. Les Etats-Unis qui viennent, par la voix de leur président, de réaffirmer leur attachement à l’Union Européenne, savent pertinemment que ce type de déclaration marginalise une Russie qui peine à se réhabiliter sur le plan international. Du côté russe, l’idée d’endosser le rôle de nation-victime de l’alliance Etats-Unis / Europe n’est pas totalement écartée car elle serait un moyen de légitimer les actions futures du régime de Vladimir Poutine, notamment en terme de politique extérieure.

Multi-polarité et alliances

Pour autant, le jeu de la bi-polarité avancé par Joe Biden et tacitement accepté par Vladimir Poutine, peut-être, avec du recul, un avantage pour les deux géants russe et nord-américain. En renouant avec une opposition de la sorte, Etats-Unis et Russie tendent à étouffer la multi-polarité puis l’a-polarité que les relations internationales avaient mises en évidence au lendemain de la chute du Mur de Berlin. Ensuite, d’un point purement diplomatique, cette bi-polarité fixe, par définition, deux blocs autour desquels gravitent des puissances moyennes (Angleterre, Allemagne, France,…) ou clairement affidées à une puissance définie (Bielorussie, Ukraine russophone,…). Cette fixation permet ainsi aux deux grands de s’affirmer comme puissances globales non pas ouvertement mais de manière indirecte, commandées qu’elles sont, ou seraient, par les intentions de l’un ou l’autre camps. De la Guerre Froide dans le texte. Désireux de ne pas s’immiscer dans les relations internationales mondiales plus qu’ils ne le sont déjà, les Etats-Unis ont ainsi le moyen de bâtir un ensemble d’alliances qui servent leurs intérêts au sens large du terme : diplomatique, économique et financier. Pour la Russie, la volonté de se poser en puissance unique en Europe de l’Est et caucasienne, se trouve satisfaite par la carte du monde diplomatique telle que dessinée à ce jour.

Union Européenne et Chine

D’aucuns s’en étonneraient voire s’en étrangleraient d’indignation mais tant Joe Biden que Vladimir Poutine sont tous les deux des enfants de la Guerre Froide. Tous deux ont connu cette opposition toute à la fois terrifiante, car reposant sur l’équilibre de la terreur, deux arsenaux nucléaires de masse se faisant face (ce qui est d’ailleurs toujours le cas), et rassurante car figée dans la parfaite connaissance des conséquences dramatiques et irréversibles d’une opposition diplomatique amenée à dégénérer en affrontement militaire. Le nouvel équilibre mondial qui se dessine après les années de complaisance envers la Russie de Donald Trump et la volonté de ce dernier de s’extraire des relations internationales laissent pourtant deux acteurs, l’un poliment, sur la touche, l’Union Européenne (en dépit d’un soutien répété de la part de Joe Biden), l’autre volontairement marginalisé, la Chine, officiellement érigée en deuxième préoccupation nord-américaine via l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord). D’ailleurs, in fine, il n’est pas interdit de penser que derrière l’antagonisme américano-russe, maîtrisé et sous contrôle (La Russie ayant de nombreux avantages à ne pas s’agiter sur le plan diplomatique alors que remontent allègrement les cours du pétrole dont elle tire de substantiels profits), ne se cache pas une opposition bien plus profonde et plus inquiétante entre la Chine et les Etats-Unis…(courrierinternational.fr : https://www.courrierinternational.com/article)

Un président giflé, une démocratie humiliée

La gifle reçue par le Président de la République illustre la violence jusqu’alors contenue de certaines franges de la population ainsi que les défaillances de la culture de la démocratie qui a longtemps prévalu dans notre société.

Dire que la vie politique est, par essence et pour ceux qui la vivent, violente est un euphémisme. Et la gifle reçue par le Président de la République lors d’un déplacement dans la Drôme illustre à un point inédit la déliquescence dans laquelle sombre doucement notre société et plus largement les sociétés contemporaines. Car on peut naturellement, et c’est le principe fondamental de toute démocratie, ne pas être en accord avec les représentants de la Nation, on peut exprimer ces désaccords par voie de presse, par celle des urnes voire même oralement quand l’occasion s’en présente. Mais frapper le premier représentant de la Nation tout comme le dernier, qu’il soit maire, conseiller municipal au autre, témoigne de l’absence du plus élémentaire respect pour les règles démocratiques qui régissent nos sociétés. Ces agissements, forme de Loi du Talion, qui se veulent les réactions épidermiques de prétendues atteintes portées à l’on ne sait qui réellement, enfoncent un plus la démocratie dans l’obscurantisme et l’ignorance de régimes sombres et funestes que l’on pensait révolus. (lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/idees/article)

Espace et méfiance

Clairement, si la violence prend le pas sur l’échange et la discussion qu’appellent toutes démocraties, il n’y a plus d’espace pour ces dernières. D’aucuns argueraient qu’un vent mauvais souffle sur les démocraties modernes, tiraillées de toutes parts par des extrémismes de plus en plus virulents et revendicatifs, se présentant comme les porte-voix de peuples opprimés ou brimés dans leur expression. Si le populisme en est le premier aspect, le déchaînement de violence à laquelle nous assistons depuis peu, qu’elle soit verbale ou physique, invite à la réflexion. Qu’est-ce qui aujourd’hui peut générer de tels comportements ? La méfiance envers des élites, ou prétendues comme telles, politiques ou sociales ? Des inégalités, certes croissantes et par essence, injustes ? Un absence de culture du débat posé et respectueux ? Une avalanche de propos incendiaires, tapageurs polémiques via nombre de relais d’opinion telles que les chaînes d’information en continue ? Des carences éducatives ? Ou bien une forme de libération de la pensée suivie dans les faits par une libération des actes qui s’exprime par la violence ? Les questions sont multiples et se veulent rhétoriques car chacune d’elles correspondent à une réalité sociétale factuelle. (lefigaro.fr : https://www.lefigaro.fr/vox/societe)

Frustrations et réponse collective

Un constat s’impose : la violence est devenue consubstantielle à nos sociétés, elle les ronge et les déstructure. La gifle reçue par le Président Macron n’est peut-être que la première de nombreuses autres manifestations tout aussi violentes, voire plus, qui pourraient émailler les années à venir. Frustrations, déceptions, incompréhension, exclusions et pertes de repères sont des facteurs explicatifs de cette montée en puissance de la violence mais là encore, il convient aussi de s’attarder sur les causes qui génèrent ces frustrations et autres incompréhensions. La perte de la culture de la démocratie, à savoir que tout système politique et sociétal, ne progresse que par le dialogue concerté et la confiance accordée aux représentants élus de la Nation, semble avoir ainsi disparu. Il est inutile de chercher un ou plusieurs coupables : les boucs-émissaires des uns seront les victimes des autres. La réponse ne pourra être que collective ou ne sera pas.

L’adage et le Président

Si le Président de la République n’est pas officiellement en campagne électorale, les voyages en régions débutés en donnent le sentiment. Mais, à un an de l’échéance, ce sont les échos de ces déplacements qui influenceront les derniers mois du quinquennat. Explications.

L’adage populaire le confirme : On est jamais si bien servi que par soi-même ! C’est certainement ce que le Président Macron s’est dit avant de se lancer dans son tour de France afin d’officiellement entendre et écouter les territoires ; officieusement aller prendre le pouls des régions quelques semaines avant les élections régionales et départementales et à quelques mois de l’élection présidentielle. Le Président de la République, soucieux de son image mais plus encore de son bilan alors que débute la dernière année de son quinquennat, semble ainsi tourner le dos aux traditionnels sondages. (lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/idees/article) Ces derniers ne sont d’ailleurs ni accablants ni glorifiants pour le Chef de l’État. Ils sont une photo d’un échantillon de sondés interrogés via une question précise sensée refléter l’action de l’exécutif et la manière dont celle-ci est ressentie dans l’opinion. Ainsi, dans une tradition très gaullienne à laquelle tous ses prédécesseurs ont cédé, Emmanuel Macron s’en va battre la campagne. Certes. Mais quels résultats en attendre ?

Réformes, opportunisme et immobilisme

Si les échos de ces escapades régionales s’avèrent mauvais ou mitigés, il sera trop tard, au regard du temps restant avant l’élection de 2022, pour poser sur la table un lot de réformes susceptibles d’inverser le cours de la tendance avec, en plus, le risque quasi-certain, de se faire tancer par l’opposition et ses adversaires déclarés d’opportunisme. Si les échos s’avèrent en réalité plutôt positifs voire positifs, il conviendra alors de ne pas froisser une opinion versatile et susceptible. Voilà pourquoi aussi le très explosif dossier de réforme des retraites, promise en 2017, reste pour l’heure sur le bureau du Président, soigneusement rangée. Pour autant, n’est-il pas plus difficile, voire politiquement dangereux, pour le Président, dans le cas où son action recueillerait l’assentiment des Français, de céder à l’immobilisme pour à nouveau être la cible de l’opposition ? C’est un choix cornélien qui peut potentiellement se présenter devant le Président de la République, partagé entre une action limitée mais ciblée et un immobilisme sécurisant mais facteur de critiques que d’aucuns jugeraient justifiées. L’exercice auquel se livre finalement le Président de République, rempli et transi de ferveur républicaine, ouvre cependant la boîte de Pandore car nul ne sait ce qui en sortira même si lui en a une image assez claire. (liberation.fr : https://www.liberation.fr/politique)

Influence et euphémisme

Affirmer que le locataire de l’Elysée y risque aujourd’hui son élection est infondé et prématuré mais avancer que les échos de ce tour de France des régions auront une influence sur les onze mois à venir est incontestable. Pour le résumer très schématiquement, la campagne présidentielle qu’ouvre Emmanuel Macron par ces premiers voyages en régions expose politiquement l’individu, ce qui est par ailleurs et très classiquement, le principe de toute campagne électorale. Et affirmer que celle-ci a un goût particulier, entre souvenir des Gilets jaunes et relents de pandémie, est un euphémisme tant le candidat-président part chargé d’un passif, pour le premier grossièrement réglé, pour le second encore trop récent pour faire l’objet d’un passage au crible de l’histoire. De tous ces éléments et évènements, plus d’autres qui manquent ici à l’appel, Emmanuel Macron, en a produit une synthèse via laquelle il se présente comme le dénominateur commun, celui qui a su les résoudre, hier, comme aujourd’hui et évidemment, à ses yeux, comme demain. Car comme le dit l’adage populaire, encore un, qui veut voyager loin,…. (in Les Plaideurs, Jean Racine, 1668)