Une France acclimatée ?

La canicule qui sévit actuellement en France interroge aussi sur les capacités d’adaptation d’un pays moderne face au changement climatique. La France, et les pays du monde, devront nécessairement affronter et gérer un changement précipité.

Voilà que depuis plusieurs jours, la France suffoque et transpire ! Ecrasée par une vague de chaleur qui devait paralyser le pays, tétaniser l’économie de la cinquième puissance mondiale et provoquer un vent de panique sans précédent ! Et pris dans l’emballement général, le Ministère de l’Education Nationale a même décalé les épreuves du Diplôme National du Brevet (DNB) pour éviter tout incident malheureux. C’est dire ! Que la planète se rassure ! Aucun cataclysme ne s’est produit ou ne se produira. Pourtant, si toutes les précautions prises en amont relèvent de l’anecdote aussi vite oubliée qu’annoncée, reste cependant la question de l’adaptation aux contraintes climatiques dans les années à venir. La France ne sera pas la seule touchée par ces changements. Et si les Etats modernes sont globalement capables de faire face à ces épisodes météorologiques extrêmes, rien ne prouve en revanche qu’ils seront capables d’affronter les dérèglement climatiques qui s’annoncent car climat et météorologie sont deux choses différentes.

Bataille culturelle et air conditionné

Une explication s’impose. Au cœur de la vague de chaleur, c’est bien la problématique de l’adaptation qui s’avère la plus complexe. Comment faire face alors que notre quotidien est rythmé par un confort qui se moque des gaz à effet de serre ou du réchauffement désormais amorcé. Certes, écologistes et environnementalistes ont gagné la bataille culturelle qui pousse à dire que le climat qui prévalait jusqu’alors change à la vitesse grand V. Mais sans accord mondial, la prise de conscience n’aura guère d’effet. (Lire lesechos.fr : https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/climat-de-tres-gros-investisseurs-reclament-des-mesures-durgence-1032637 ) Et quand bien même, l’augmentation programmée des températures, le changement désormais visible des modèles climatiques sont-ils assez forts et puissants pour nous pousser à radicalement modifier nos habitudes ? Qui acceptera de céder son automobile connectée et équipée d’air conditionné contre un véhicule tout aussi connecté mais dénué de système de climatisation car le dit système génère de l’air chaud contribuant au réchauffement climatique ? Et les exemples ne manquent pas. Parallèlement, ne serait-il pas temps de aussi s’interroger aussi sur l’aspect immature et puéril de nos sociétés occidentales qui s’émeuvent de températures certes inhabituelles mais qui ne sont que des épisodes alors que d’autres pays, notamment d’Afrique subsaharienne, les subissent de manière quasi-quotidienne.

Réalité et responsabilités

Arguer de l’expérience que ces populations possèdent face à ces températures extrêmes est une fausse réponse qui n’a que pour objectif d’occulter la réalité et surtout de nous éviter d’affronter nos propres responsabilités et nos propres erreurs en matière de réchauffement. (Lire lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/06/26/les-vagues-de-chaleur-sont-au-moins-quatre-voire-dix-fois-plus-probables-en-raison-du-changement-climatique_5481450_3244.html ) Il est désormais inutile de multiplier les excuses fallacieuses pour repousser l’échéance : le climat change et il nous faudra changer avec lui ou nous préparer à des lendemains cruels. Car in fine, l’augmentation programmée des températures, y compris dans les excès que nous connaissons aujourd’hui, n’a rien d’inéluctable non pas dans sa progression mais dans la capacité à s’en protéger. La crainte que nous nourrissons à son endroit est liée à notre incapacité supposée ou réelle à y faire face sereinement plus qu’aux risques sanitaires auxquels elle nous expose. Imagination et créativité seront certainement les maîtres mots des prochaines années afin de nous protéger au mieux d’un monde dont nous avons précipité le changement.

Une arène désertée

La vacuité des discours politiques des grands partis français, incapables d’appréhender les mutations contemporaines, a laissé le champ libre à deux adversaires, LREM et Rassemblement National, enfermés dans un débat manichéen dangereux pour la République.

Au lendemain des élections européennes, riches de précieux enseignements, voilà qu’en France, des piliers du parti présidentiel, La République En Marche (LREM) s’inquiètent de la bi-polarisation de la vie politique, mettant face à face le Rassemblement National et LREM. (Lire lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/06/15 ). Or, il apparaît que la crainte nourrie par le parti présidentiel est légitime tant les adversaires de substitution, Parti Socialiste, Les Républicains, France Insoumise ou Europe Ecologie les Verts, en dépit de leur score lors du dernier scrutin, semblent désormais trop faibles pour proposer une alternative crédible aux deux partis dominants l’échiquier politique français.

Par défaut ou par adhésion ?

Plusieurs raisons pourraient expliquer cette situation qui n’a rien d’hexagonale in fine car nombre de pays dans le monde (Grande-Bretagne, Italie, Etats-Unis, Hongrie,…) sont confrontés à la montée en puissance des populismes, mais le cas français est particulièrement atypique car nul n’aurait jamais imaginé que l’extrême droite puisse représenter une telle force politique, un tel contrepoids aux portes du pouvoir. Mais, et c’est là que la question se pose, l’est-elle vraiment ? S’il est clair que certaines franges de la population sont attirées sans retenue ni complexe par le discours radical et xénophobe de l’extrême droite, une grande majorité d’entre elles préfèrent encore le silence et l’abstention. Plus simplement, Rassemblement National et LREM sont devenus des partis majoritaires par défaut et non par adhésion totale et absolue au discours proposé, au moins pour le second. La vacuité et la pauvreté des programmes proposés tant par Les Républicains, tiraillés entre conservatisme social et libéralisme asynchrone, que par le Parti Socialiste, converti à la social-démocratie sans en trouver l’essence sociale et progressiste, (Lire lesechos.fr : https://www.lesechos.fr/politique-societe/politique/olivier-faure-le-discours-de-philippe-des-mots-de-gauche-et-des-mesures-de-droite-1028621 ) contribuent à la désertion d’un électorat souvent désabusé ou lassé d’oppositions stériles et dépassées que le XXIème a renvoyé aux archives de la Vème République. Et en se penchant dans les discours proposés par LREM, amené à se convertir avec prudence à l’écologie, ou ceux du Rassemblement National pathologiquement gangrené par la peur de l’autre et du déclin qu’il est le seul à percevoir, l’on peut aussi constater la faiblesse et la sécheresse intellectuelle des idéologues de ces deux partis.

Vision et combattants

Seul un drame s’impose : Nulle vision solaire et ambitieuse ne vient aujourd’hui animer le débat politique national, laissant à la médiocrité tout le loisir d’imprégner des discours souvent éloignés des réalités factuelles. Pour autant, le constat est là : LREM et RN s’affrontent seuls dans une arène politique désertée faute de combattants valables ou capable de relever le niveau des débats. Le Général De Gaulle, qui avait conçu la Vème République comme l’espace de la bipolarisation de la vie politique, entre droite et gauche, imaginait alors un univers politique tiré vers le haut par des débats qui participaient à la construction sociale, économique et politique de la France. Certes, l’esprit de la Constitution de 1958 est respectée et de bipolarisation il est toujours question mais le constat est là : aucun débat actuel ne tire la République vers le haut. Pis ! Ces derniers auraient même tendance à ternir l’esprit républicain en syphonnant toute forme de débats, en escamotant toute forme d’échanges non pas volontairement mais par l’occupation d’abord opportune ensuite entretenue du vide politique laissé par des concurrents incapables. Mais une fois le constat posé, que convient-il de faire ? Les solutions sont multiples et il appartient à chacun d’avancer les siennes. Avis aux amateurs…

Emmanuel Macron et….les autres

En l’absence d’opposition politique crédible, le macronisme, toujours indéfini, s’impose comme l’idéologie dominante car seule en lice. Et si cette domination n’est pas substance politique, elle suffit à répondre partiellement aux attentes des Français. Pour l’instant.

Il y a de cela quelques semaines, nous avions essayé, non sans peine, de définir le macronisme. Vaste entreprise qui avait conduit à une analyse mettant en évidence la capacité de la pensée présidentielle à opérer une sorte de symbiose des idéologies libérales et progressistes, toutes deux teintées après coup de pragmatisme. (Lire huffingtonpost.fr: https://www.huffingtonpost.fr/hadrien-bureau/le-macronisme-cette-ideologie-de-l-individualisme-beat-et-indigne-qui-ne-dit-pas-son-nom_a_23375283/ ) Les élections européennes récemment tenues ayant, sans le renforcer ni l’affaiblir, permis au macronisme de pouvoir continuer à s’exprimer sans trop d’opposition, la voie semble ouverte pour le Président en exercice. Et c’est bien là que la bât blesse. Non que le macronisme, s’il existe, soit néfaste pour le pays, seule l’Histoire le dira dans quelques décennies, mais l’absence d’opposition politique crédible à ce jour en France permet au président de la République et à sa majorité d’agir sans risque de contestation durable. Certes le mouvement des Gilets Jaunes a perturbé la mécanique macronnienne mais les jours passant celui-ci ressemble plus à un grain de sable dans les rouages qu’à un réel obstacle. Il faut donc bien le reconnaître il n’y a pas en France, ou il n’y a plus, reste à savoir pour combien de temps, d’opposition politique valable à même d’exercer le pouvoir. Du Parti socialiste aux Républicains en passant par la France insoumise aucun n’a su proposer de discours suffisamment séduisant, à savoir créatif, novateur, imaginatif, tout à la fois ancré dans la modernité que dans la nécessité de préserver les bases de notre modèle social.

Constat et pauvreté

Constat d’évidence qui s’impose, la pauvreté intellectuelle des propositions politiques a permis l’affirmation du macronisme et la montée en puissance du Mouvement national, emblème de la médiocrité idéologique dans laquelle une partie du pays a sombré. Est-ce à dire que la lumière viendra du macronisme ? Il appartient à chacun d’en juger mais à lire avec attention les intentions du Président de la République et de sa majorité, il n’y a ni lumière, ni génie, ni révolution. Juste une adaptation aux évolutions de la société (d’ailleurs la teinte écologiste que prendra le quinquennat, suite aux résultats des élections européennes obtenu par les Europe Ecologie Les Verts), le prouve (Lire lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/06/08/thomas-piketty-l-illusion-de-l-ecologie-centriste_5473422_823448.html ). Plus concrètement se dessinent depuis plusieurs années en France deux territoires : le premier, urbain, épris de modernité, cultivé et ouvert aux changements que le Monde connaît ; le second, rural, éloigné des centres urbains, de ses pôles de cultures, nourrissant un sentiment d’abandon et prêt à répondre aux sirènes populistes. Il serait pourtant excessif de reprocher cette situation aux partis agonisants même si leur part de responsabilité reste entière. Tout d’abord, car il apparaît que peuples et mentalités ont évolué plus vite que les discours politiques qui s’adressaient à eux. La révolution numérique a coupé l’herbe sous le pied de partis politiques qui s’interrogeaient encore sur les effets à venir de cette révolution quand celle-ci avait déjà bouleversé l’écosystème social. « Manque de réactivité, d’intelligence et d’anticipation ! » argueront certains. L’argument est valable mais partiel car la révolution numérique n’a pas submergé que les partis politiques français.

Modèle social et obsolescence

Toutes les formations du même ordre, dans n’importe quel pays du monde, ont dû faire face aux conséquences de cet afflux d’informations instantané, à cette immédiateté déstabilisante et aux bouleversements économiques engendrés par cette même révolution. L’autre raison est naturellement l’obsolescence des idéologies longtemps piliers de la vie politique française. Libéralisme et socialisme se disputaient tour à tour le primat idéologique, occupant les fonctions suprêmes ou exécutives sous le sceau de l’alternance comme le sous-entendait (et le sous-entend encore la Constitution de la Vème République). Mais aujourd’hui, effets de la mondialisation et de la révolution numérique bus et consommés quelles portées ces discours ont-il sur la société française ? Quelle est encore leur influence ? Le modèle social qui est le nôtre, l’Etat-providence érigé en culte républicain a-t-il encore besoin de se nourrir des modèles d’antan ? La question reste entière car à ce jour elle n’a pas trouvé de réponses et le macronisme, là encore l’Histoire le dira, est soit la porte d’entrée vers de nouveaux courants de pensées, soit, car la nature a horreur du vide, un substitut de circonstances capable de répondre aux aspirations actuelles. Pour l’instant…