Impuissante Europe ?

L’agression en Italie d’une jeune nigériane illustre la montée des agressions racistes dans la péninsule mais aussi l’incapacité de l’Union européenne à éradiquer les mouvements populistes et leur cortège d’ignominies.

Pendant que nos parlementaires débattent allègrement des deux motions de censure déposées par l’opposition suite aux révélations portant sur les agissements d’Alexandre Benalla le 1er mai dernier, voilà qu’à deux heures d’avion de Paris, en Italie précisément, se multiplient, et de manière inquiétante, les agressions racistes. (Lire l’article sur lemonde.fr : En Italie, l’inquiétante multiplication des attaques racistes) Certes, et malheureusement, la péninsule a déjà largement fait parler d’elle en ce domaine, mais il semble désormais qu’un seuil dans l’inacceptable ait été franchi le 29 juillet. L’agression d’une jeune nigériane à Turin, agression suivie d’une indignation et d’une condamnation unanime d’une grande partie de la patrie de Dante et du Tasse, révèle néanmoins combien l’Union européenne est à ce jour incapable de maîtriser la montée des mouvements populistes que ce soit en Italie, voire en Grande-Bretagne, le Brexit n’en étant qu’une conséquence.

Pères fondateurs

Il n’est pas utile ici de revenir sur les causes de ce phénomène, causes déjà maintes fois évoquées, mais d’essayer, plutôt, de dresser une liste de solutions. Parmi les premières, il devient désormais impératif de rendre aux politiques européennes leur lisibilité, ou plus précisément en imposer une réelle afin que ces dernières soient comprises de tous les citoyens de l’Union. Le cas britannique illustre à lui seul cette nécessité. Ensuite, et toujours dans une logique de lisibilité, aider concrètement les pays de l’Union confrontés à de vraies crises, qu’elles soient économiques, sociales ou sanitaires. Indépendamment du choix des électeurs italiens qui a porté une coalition populiste au pouvoir, il n’est pas non plus erroné d’affirmer que l’Italie a longtemps été seule à gérer la question des migrants franchissant dans des conditions extrêmes la Méditerranée. Et que cette situation d’abandon a, parmi d’autres facteurs, motivé la victoire des populistes. En un mot, il faut absolument, et Angela Merkel comme Emmanuel macron en sont conscients, repenser au plus tôt l’Union européenne afin que celle-ci renoue avec l’esprit des pères fondateurs : une union au service des peuples et non l’inverse. Pourtant, c’est ce non sens qui s’est imposé au fil des années nourrissant le sentiment d’un pouvoir européen déconnecté des réalités sociales ou économiques.

Désenchantement et sourdes polémiques

La montée des populismes, que nombre déplorent et à raison, n’est peut-être finalement que le mauvais génie d’une Union européenne par trop égotiste et pas assez altruiste. Les phénomènes autarciques, aussi prônés par Donald Trump, et développés par les discours populistes illustrent le désenchantement, voire le dégoût, que l’Union européenne peut inspirer à ce jour. Des hommes comme Matteo Salvini, ministre de l’Intérieur italien, prompt à nourrir de sourdes polémiques dignes des plus crasseux des caniveaux, trouvent dans l’inertie de l’Union européenne un terreau favorable où prospère le populisme. Ne nous y trompons pas ! Un Etat faible, quel qu’il soit, national ou supra-national comme l’Union européenne, incapable de répondre aux questions essentielles que peut se poser un peuple, est un Etat ou une structure qui prête le flanc aux populismes les plus vils et les plus lâches. (Lire l’article sur repubblica.it : Aggressioni razziste: l’estate del nostro disonore ).

Sur ce bonnes vacances !

Une affaire de pain béni

Si l’affaire Benalla est l’opportunité pour l’opposition de reprendre la main face à un président omnipotent, elle révèle aussi son incapacité à contrarier l’action présidentielle sur le champ strictement politique.

Aucun n’en demandait autant. D’ailleurs aucun, au sein de l’opposition multiple et diffuse, parfois floue et souvent désorganisée, n’en espérait autant et n’imaginait même pas que le Président de la République fusse un jour embarrassé par une telle affaire. Car il s’agit bien de l’affaire Benalla, celle qui fait trembler Jupiter dans son Olympe élyséen depuis que les faits ont été révélés par Le Monde, dont se repaissent à loisir et avec un plaisir gourmand les opposants au Président de République. N’hésitons pas à le dire, l’opposition qui n’avait rien de bien probant à se mettre sous la dent se voit servie ici son pain béni ! Pourtant, il est fort probable qu’une fois la réponse de l’Elysée présentée, (Lire l’article sur lemonde.fr : Affaire Benalla : après des jours de silence, Macron organise la riposte ) le scandale tournera court et que l’été en pente douce sur lequel glisse avec délice Emmanuel Macron se poursuivre paisiblement.

Affaire improbable

Mais le mal est fait et l’image du président écornée…pour longtemps. Car si le Président de la République semblait marcher sur l’eau depuis quelques temps, après avoir choisi notamment de ralentir les réformes sociales, en invitant le patronat à encourager l’emploi, en se flattant d’une augmentation du nombre de créations d’emploi, en constatant la vitalité de l’économie française ou en présentant une réforme constitutionnelle somme toute assez consensuelle devant le parlement, rien ne semblait annoncer l’orage qui s’abat sur l’Elysée. L’affaire Benalla, imprévisible et improbable, est venue enrayer la machine macronienne aussi implacable que bien huilée. Et l’opposition, nue et inaudible depuis des mois, de retrouver ici une forme de vitalité que beaucoup lui croyait perdue. Et au diable les principes ! Pour l’occasion Nouvelle Gauche, Républicains et France Insoumise se sentent pousser des ailes au point de ferrailler de concert contre le président de la République. L’occasion est trop belle et l’occasion faisant le larron…

Vitesse et vacuité

Mais la vitesse avec laquelle l’opposition s’est jetée sur cette affaire en dit aussi très long sur la faiblesse de son discours, sur la vacuité de son action et son incapacité à contrarier la dynamique macronienne au point d’exploiter, d’aucuns diront surexploiter, la situation. (Lire l’article sur lefigaro.fr : «On n’a aucune réponse» : l’opposition frustrée après l’audition de Collomb sur l’affaire Benalla ) C’est donc par une affaire de gros bras, d’adjoint de cabinet à l’ego outrageusement gonflé par ses fonctions très largement dépassées et usurpées (Voir video.lefigaro.fr : Affaire Benalla : les images choquantes de son agression sur une jeune femme), qu’Emmanuel Macron voit son ciel d’été, orné de deux nouvelles étoiles chères à l’Equipe de France de football (Champions du Monde !  Bref ! On s’égare !) terni par la vulgarité grossière d’une affaire qui ne tiendrait même pas sa place dans la dernière des rubriques de faits divers du plus obscur des journaux, tant sa bassesse la dispute à son manque essentiel d’intérêt. Mais prudence, car combien d’affaires négligées ont parfois poussé au cataclysme…! Pour l’heure, l’opposition qui, répétons-le n’en demandait pas tant, se délecte des mésaventures de Jupiter qui fourbit ses armes en vue d’une réponse que l’on imagine cinglante, pour ne pas dire divine….

De l’OTAN à une défense européenne

Les négociations engagées au sein de l’OTAN et menées par Donald Trump soucieux de rééquilibrer les contributions des pays membres est l’opportunité pour les Européens de s’affranchir du traité pour accéder à une vraie indépendance militaire et diplomatique.

Et si le sommet de l’Organisation de l’Atlantique Nord (OTAN) était l’opportunité pour les Européens d’enfin saisir l’occasion de poser les fonds baptismaux d’une défense commune ? Une rapide explication sous forme de rappel historique s’impose. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), en pleine Guerre Froide (1947-1989), les Etats-Unis et nombre de pays de l’Europe de l’Ouest, créent le 4 avril 1949 une alliance militaire défensive permettant à chacun de ses membres de jouir d’une défense coordonnée ratifiée par le traité en vue d’une potentielle agression venue de l’URSS ou du bloc de l’Est, son affidé. Voilà pour les origines historiques de l’OTAN et sa vocation première qui prévaut encore. Mais vingt-neuf ans après la chute du Mur de Berlin la disparition de l’URSS en 1991, la question se pose : à quoi sert encore l’OTAN si ce n’est, preuve en est donnée par le sommet actuel, à des discussions interminables sur la participation financière des états membres.

Equilibres financiers

Aussi, pour revenir à la question liminaire, pourquoi l’Europe ne décide-t-elle pas de faire preuve de maturité et de responsabilité en établissant, dans un premier temps de nouveaux rapports avec l’Alliance actuelle, et, dans un second temps, commencer à dessiner les contours d’une défense commune dans laquelle France et Allemagne prendraient une place clef, secondées par des pays tels que l’Italie, l’Espagne ou les pays du Benelux ? Car Donald Trump, désireux de rétablir les équilibres financiers au sein de l’Alliance prétextant, une contribution américaine trop élevée (ndlr : En 2018, les Etats-Unis contribuent au budget de l’OTAN à hauteur de 706 milliards de dollars pour une enveloppe globale de 1013 milliards de dollars) au regard de celles concédées par les autres pays membres, chercher ainsi par le biais financier à décharger son pays d’une Alliance devenue coûteuse et à la pertinence désormais discutable (Lire l’article lejdd.fr : Pourquoi Donald Trump en veut-il à l’Otan? ). Pain béni pour les Européens qui devant les réticences américaines de continuer à financer l’OTAN pourraient dès lors, solder l’ardoise qui leur revient, pour en définitive quitter l’Alliance et créer leur propre organisation de défense. L’idée n’est pas neuve car déjà en 1950, la Communauté européenne de Défense (placée sous le commandement de l’OTAN), soutenue par Jean Monnet, avait agité les milieux politiques européens d’alors mais sans succès.

Nations assistées

Mais devant les vitupérations nord-américaines, certes mesurées, (Lire l’article sur lesechos.fr : OTAN : Donald Trump change finalement de ton ) et la volonté affichée de Donald Trump d’écarter les États-Unis des secousses diplomatiques du Monde (Sauf lorsque celles-ci sont au bénéfice des États-Unis…), pourquoi l’Europe ne saisit-elle pas l’opportunité de prendre en main son destin et de quitter les habits de nations puériles assistées par le grand frère américain ? L’Europe de l’Ouest et l’Union européenne en particulier en ressortiraient grandis et se poseraient alors comme des interlocuteurs crédibles face aux Américains toujours prompts à infantiliser l’Europe en dépit de la relation, d’apparence, privilégiée entre Donald Trump et Emmanuel Macron. Pour accéder à cette défense commune plusieurs obstacles devraient être franchis. Et à commencer par les rivalités sourdes qui peuvent encore animer certains pays européens les uns vis à vis des autres ; ensuite établir la liste de ceux qui souhaiteraient passer dans le giron européen ou rester dans celui des Américains, liste qui serait par ailleurs très instructive sur les intentions ou les velléités de certaines nations européennes ; enfin, définir les modes de commandements militaires (partagés, uniques, tournants,…) Bref ! Autant de questions qui pourraient se poser si et seulement si l’Europe acceptait de rompre avec l’OTAN qui reste pour les Etats-Unis encore un moyen de régulièrement administrer au vieux continent ses leçons.

Le bâton de pèlerin

Si journalisme et journalistes sont aujourd’hui décriés au nom de motifs parfois acceptables, ces derniers doivent opérer et poursuivre leur mue. Objectif : faire taire des critiques violentes et revenir aux bases fondamentales qui constituent son essence : le journalisme de terrain. Explications.

Quelle ne fut pas la surprise de nombre d’auditeurs de Radio France d’apprendre que Bernard Guetta, Prix Albert Londres en 1981, géopoliticien reconnu par ses pairs et auteur d’une chronique éponyme (Géopolitique) sur France Inter depuis vingt-sept ans avait décidé d’arrêter cette même chronique au motif de se lancer dans une série de reportages qui prendraient leurs sources dans un tour du monde à venir pour le journaliste. Les plus nostalgiques regretteront sa voix si spéciale qui donnait sens et corps à la politique internationale, parvenant à la décrypter avec une simplicité que nombre d’experts, ou prétendus comme tels, enviaient. Pour autant, il n’est pas inintéressant de se pencher sur les raisons avancées par Bernard Guetta qui a précisé vouloir renouer avec ses premières amours, à savoir celles du reportage de terrain (Lire l’article sur lemonde.fr : Bernard Guetta arrête sa chronique « Géopolitique » sur France Inter). Décision qui, de prime abord, respire le bon sens et devrait ouvrir la voie à ses homologues journalistes ou plus exactement directeurs de chaînes (télévisées ou radio) trop souvent tentés par la facilité d’analyses proposées en plateau et dispensées par des figures trop souvent vues pour finalement être crédibles.

Réalité fantasmée

Car oui le journalisme contemporain a besoin de se ressourcer, voire de se renouveler au contact du terrain, au contact de ce qui le nourrit, à savoir le quotidien et non pas une réalité fantasmée dans un cénacle de prétendus experts. On ne louera jamais assez le travail de Cash Investigation ou d’Envoyé spécial (France2), de Grand Reportage (TF1), d’Interception (France Inter) ou de Médiapart mais combien paraissent-ils, eux et tant d’autres ignorés, oubliés ou vilipendés, seuls et isolés dans un univers médiatique outrageusement dominé par l’immédiateté qui aime à s’affranchir de toute réflexion et de tout recul au profit d’expertises brillantes, pour certaines, de vacuité. Certes le grand reportage a un coût mais la vocation des journalistes et du journalisme n’est-il pas, finalement, affublés, l’un et l’autre, d’une pointe de romantisme et d’insouciance, de se moquer des idées reçues ou des contraintes économiques pour assurer sa mission première : montrer le monde tel qu’il est. La question est ici purement rhétorique et la réponse induite. Car face la crise de confiance à laquelle le journalisme est aujourd’hui confronté, un retour aux sources, sain et salvateur, s’impose. La concurrence lourde et dangereuse, car prompte à déformer l’information, des réseaux sociaux devrait suffire à motiver une profession souvent à tort, mais aussi parfois à raison, décriée. Mais l’autre motif qui doit impérativement renvoyer les journalistes dans la rue et non pas les cantonner derrière leur prompteur ou leur ordinateur est la déliquescence des temps présents. La montée des extrêmes et des populismes, fruit d’une ignorance crasse et profonde des ressorts contemporains, l’abandon progressif de la culture au profit d’une information prédigérée sont à eux seuls des motifs suffisants pour redonner foi à des journalistes parfois désabusés, souvent malmenés et mal considérés. Pourquoi ? Parce que ces derniers offrent au public le reflet d’un monde contemporain que peu souhaitent affronter par manque de courage et de responsabilité. Alors oui Bernard Guetta a très certainement raison de reprendre son bâton de pèlerin. Et s’il ne pouvait pas être seul…!