D’opposition en instrumentalisation

Si la multiplication des oppositions à l’obligation vaccinale ne faiblit pas, celle-ci interroge sur l’origine des contestataires et leur capacité à instrumentaliser la crise sanitaire. Essai d’explication.

Alors que se poursuivent de manière perlée ou ouverte les manifestations à l’obligation vaccinale, et ce en dépit de l’examen par le Parlement de la loi sur le Passe Sanitaire devant en préciser les contours et l’application, il n’est pas inintéressant de s’attarder sur la sociologie et l’origine de ces opposants. (lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/planete/articlel) Venus d’horizon différents, qu’ils soient Gilets Jaunes remobilisés, sympathisants d’extrême droite, salariés ballottés par les effets de la pandémie, tous ont un point commun qui se résume en une opposition farouche au Président de la République. Et ceux qui pensaient, visiblement à tort, que l’épidémie de coronavirus, avait éteint les rancoeurs que l’on jugeait déjà anciennes, d’en être pour leurs frais. A commencer par un Président de la République obligé de revêtir à nouveau le bleu de chauffe en déplacement à Papeete (Tahiti) en fustigeant l’irresponsabilité et l’égoïsme de celles et ceux qui refusent de se faire vacciner.

Démocratie et débat

Car si désormais plus de 40 millions de Français ont reçu une ou deux injections et que la supplique du locataire de l’Elysée, le 12 juillet dernier, qui appelait chacun de nous à se faire vacciner dans les meilleurs délais, à porté ses fruits, il persiste dans le pays, preuve s’il en était besoin que la démocratie fonctionne encore à plein, des individus non seulement opposés à la vaccination mais aussi au Président de la République et à sa gestion passée et actuelle de la pandémie. (Lepoint.fr : https://www.lepoint.fr/societe) L’occasion faisant le larron, ces opposants en viennent donc à instrumentaliser la crise sanitaire afin de faire valoir leur opposition. La tactique n’est pas nouvelle et relève du marronnier politique tant de fois celle-ci a été utilisée mais au moins a-t-elle le mérite de prouver que passées trois vagues de contamination, et en attente de la quatrième, la vie démocratique, faite de contradictions et d’oppositions, de désaccords et de débats, a repris le dessus. D’aucuns s’en réjouiront mais là où émerge une question d’essence cornélienne est de savoir si l’on peut transiger, débattre et s’opposer sur des questions d’ordre sanitaire qui relèvent de la santé publique ? N’y a-t-il pas chez ces opposants une forme de négation de la réalité pandémique au profit d’une opposition totale qui les autoriserait à se dédouaner d’imaginer les conséquences de leurs actes. Il n’est pas ici question d’avancer une réponse tranchée qui tiendrait de vérité mais de laisser une place raisonnable au doute en se demandant s’il est toujours pertinent de s’opposer aux décisions exprimées par le premier représentant de la nation, élu, au regard des circonstances ?

Sophisme et fractures

Arguer d’une atteinte aux libertés individuelles ou d’une décision à caractère autoritaire, voire dictatorial, est un postulat ambitieux, qui demande à être solidement étayé par des éléments concrets d’ordre historique et sociologique, mais qui se révèle aussi précaire et dangereux car, baigné de sophisme, il peut être accusé de travestir à dessein une réalité tout autre. Les cortèges d’opposants qui se sont ainsi formés depuis quelques jours ne posent finalement pas la question intrinsèque d’une adhésion ou d’un refus au principe de la vaccination mais mettent en évidence des fractures sociales et politiques que la pandémie avait masqué sans les réduire. Ces mêmes fracture sociales qui émergent à quelques mois de l’élection présidentielle, sont évidemment des plus contrariantes pour la majorité tout comme pour l’opposition car ni l’une ni l’autre ne sait, ou ne saurait réellement comment les réduire et donner satisfaction à ceux qui les portent. Une réalité s’impose cependant : derrière les anti-vax réémerge une frange de la population déconnectée du discours républicain unificateur jugé trop péremptoire sans pour autant en proposer un autre car les revendications, floues et déstructurées, masquent leurs faiblesses derrière un refus de la vaccination de masse, pour le coup présentée comme une revendication commune bienvenue.

A tous mes lecteurs, assidus ou occasionnels, à ceux à venir et qui seront les bienvenus, cette chronique était la dernière de la saison. Je vous donne rendez-vous début septembre. Bel été à vous et bonnes lectures !

Le vaccin, le droit et la liberté

Les anti-vaccins avancent l’idée d’une entrave à la liberté individuelle devant la possible obligation. Mais l’obligation est-elle réellement la première entrave ?

La possible obligation vaccinale avancée par le président de la République a déchaîné les anti-vaccins qui dénoncent une atteinte aux libertés individuelles. Mais cette réaction interroge aussi sur le sens donné à ces derniers aux notions de libertés et de biens communs.

Contenue jusqu’alors, la véhémence des anti-vaccins, communément appelés antivax, est montée d’un cran au lendemain de l’intervention du président de la République, le 12 juillet dernier, quand celui-ci ouvrait la voie à une possible obligation vaccinale à l’endroit de certaines branches professionnelles. Dès lors, nombreuses furent, et sont, les manifestations de contestation à l’égard de la décision présidentielle, manifestants et opposants arguant du fait que cette obligation entravait la liberté individuelle et plus largement les libertés fondamentales. (Franceinfo.fr : https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus) Or, les arguments avancés par ces groupes d’opposants, globalement minoritaires dans la population, mettent en évidence deux lignes de forces que le développement de la pandémie, et les conséquences qui l’accompagnent, ont révélé. La première est la crainte, que l’on croyait dans l’ensemble apaisée, voire éradiquée, nourrie à l’endroit de la vaccination. Ainsi, il apparaît que le principe d’une protection immunitaire, via l’injection d’une souche virale à la virulence atténuée pour combattre cette dernière par la production d’anti-corps, n’est pas partagée par tous et que la pédagogie mais aussi l’information sur les bienfaits de cette pratique sont encore à travailler.

Rapport à la démocratie et la liberté

Entre ignorance, préjugés, idées reçues et relents conspirationnistes, le principe de la vaccination s’est trouvée, à l’occasion de cet épisode pandémique de farouches opposants prêts à en découdre avec les autorités, des menaces de mort ayant été proférées à l’endroit de députés ou des symboles à la pertinence des plus douteuses et contestées utilisés. (youtube.fr : https://www.youtube.com/watch?v=063wFqeoDTA). Si cette opposition restera anecdotique au regard de l’Histoire, le second point que relève l’agitation des antivax est plus inquiétante et interroge sur le rapport de ces individus à la notion de démocratie et plus précisément de liberté. D’aucuns ont ainsi avancé le principe qu’une possible obligation vaccinale entravait leur liberté individuelle. L’argument est valable mais d’essence tautologique donc à la portée limitée et dénuée de toute réflexion à caractère civique, voire philosophique : toute obligation est d’évidence une forme de restriction ou d’entrave. Mais en développant plus avant la contre-argumentation, il n’est pas interdit de soulever deux éléments corollaires. Tout d’abord, il appartient à chacun de se laisser vacciner ou non, les conséquences sanitaires et juridiques qui en découlent relèvent de la responsabilité personnelle qu’il conviendra alors d’assumer. C’est un des premiers pans de la liberté individuelle. La seconde renvoie à la conception de la liberté dans la sphère publique.

Entraves et droit individuel

A ce jour et factuellement, ce qui entrave la liberté de chacun ce n’est pas l’obligation de se faire vacciner, c’est le virus lui-même qui oblige à des restrictions en série vécues comme autant d’entraves. Or le refus de se laisser vacciner peut être assimilé à une forme d’égoïsme qui se moque du bien collectif exposant la majorité à la décision arbitraire d’une minorité. (lefigaro.fr : https://www.lefigaro.fr/actualite-france/) Et le phénomène alors de s’inverser : les non-vaccinés demandent aux vaccinés d’assumer un choix qui est étranger à ces derniers car dicté par des convictions qui s’extraient de la norme sociétale qui veut que chacun apporte sa part au bien-être de la collectivité. Cette montée en puissance des anti-vaccins révèle aussi une tendance devenue désormais récurrente dans les sociétés occidentales et qui met en exergue la suprématie du droit individuel au détriment de celui de la collectivité et de ses intérêts. In fine, il n’est pas interdit de penser que si refuser de se laisser vacciner est un droit inaliénable en démocratie, droit qu’il appartient de respecter, arguer du fait que la possible obligation de s’y soumettre relève d’une entrave aux libertés individuelles renvoie à une méconnaissance des enjeux sanitaires mais aussi, et surtout, des liens qui unissent collectivité, démocratie et liberté.

Un sacrifice afghan 

Le risque d’une prise de contrôle de l’Afghanistan par les forces talibanes remet au centre du jeu diplomatique la menace terroriste islamiste qui s’était atténuée depuis plusieurs mois. Et la question d’une position commune face à une situation en évolution constante de se poser pour nombre de pays occidentaux.

L’Afghanistan risque d’être livrée à elle-même une fois les troupes des Etats-Unis parties. Et le risque de voir à nouveau émerger la menace terroriste de refaire surface.

L’avancée des Talibans en Afghanistan, désormais aux portes de Kaboul, la capitale d’un pays en proie à des troubles quasi-chroniques depuis plus de quarante ans, ne manque pas d’inquiéter la communauté internationale. Alors que les Etats-Unis ont annoncé le retrait de leurs troupes, puisque celui-ci sera effectif le 31 août, les chancelleries s’agitent et scrutent au quotidien la situation afghane pour des raisons qui renvoient à une crainte : la résurgence d’une menace terroriste qui avait été sinon éradiquée du moins écartée depuis quelques temps à travers le monde en dépit de foyers encore virulents en Afrique subsaharienne notamment au Mali et au Burkina-Fasso. (lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/international/article). La potentielle chute de Kaboul et de l’Afghanistan aux mains des talibans représentent donc pour nombre de nations occidentales, y compris pour la Russie, un risque qui pourrait dans une échéance encore inconnue se matérialiser sous la forme d’attentats divers et variés qui prendraient pour épicentre l’Afghanistan.

Désengagement et maturité étatique

Tout comme le fut la Syrie avec l’État islamique, l’Afghanistan pourrait ainsi redevenir un espace incontrôlé assimilable à une base arrière du terrorisme islamique international où entreraient et sortiraient des individus aux intentions malveillantes. Aujourd’hui soutenu par les Etats-Unis, qui cherchent depuis l’arrivée de Joe Biden au pouvoir à se désengager de plusieurs théâtres d’opération coûteux à tous points de vue, l’Afghanistan et son président Ashraf Ghani, sait que ce soutien ne sera en rien éternel et qu’il faudra à terme affronter plus qu’une menace talibane. (vingtminutes.fr : https://www.20minutes.fr/monde/) Epreuve politique qui attend ce pays d’Asie du Sud car repousser et vaincre la menace talibane suppose une maturité étatique qui pour l’heure fait défaut à l’Afghanistan. A l’extérieur, et pour l’ensemble de la communauté internationale, la tentation d’isoler l’Afghanistan est grande, ou pourrait le devenir, mais comporte aussi un risque majeur. Isoler une nation fragile et exposée comme l’est l’Afghanistan reviendrait à laisser un blanc-seing aux Talibans qui pourraient dés lors agir en toute impunité dans un pays à leur merci. Mais dans le même temps, l’idée de sacrifier l’Afghanistan, l’abandonner aux Talibans serait aussi une solution visant à circonscrire la menace islamiste dans un unique territoire autour duquel serait dressé une sorte de cordon sanitaire. Cordon toutefois très relatif et tentation des plus dangereuses car, situé entre la Pakistan et l’Iran, l’Afghanistan est encerclé par des voisins des plus bouillonnants. Pour l’heure, les conjectures, certainement posées de part et d’autres des chancelleries internationales, ne répondent en rien à la situation actuelle : comment endiguer la progression des Talibans ? Peu de réponses viennent contrarier le discours d’une réalité considérée tacitement comme actée, à savoir que les Talibans vont certainement prendre le contrôle du pays. Pour beaucoup désormais, il ne convient plus de gérer l’instant mais d’anticiper demain.

L’OPEP, entre puissance et faiblesse

Le pétrole connaît une flambée de ses cours qui inquiète les pays consommateurs. Mais l’OPEP est-elle réellement gagnante dans cette phase haussière?

L’augmentation continue des cours du pétrole préoccupe les pays industrialisés soucieux de voir ralentir la croissance mondiale post-covid annoncée soutenue. Mais cette flambée des cours met aussi en exergue le rôle de l’OPEP, acteur et victime de la puissance de l’or noir.

D’un point de vue géopolitique et géostratégique, les dissensions qui déchirent l’Organisation des pays producteurs de pétrole (OPEP) sont riches d’enseignement sur l’état des relations entre les membres du cartel pétrolier mais aussi sur les attentes nourries par les pays consommateurs et non producteurs d’or noir. A ce jour, une seule préoccupation hante ces derniers : qu’une flambée des cours ne viennent compromettre la reprise économique mondiale attendue. (lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/economie/article) Car une augmentation du prix du baril (Brent ou WTI) pourrait mobiliser, plus que de raison ou plus qu’attendu, le pouvoir d’achat des consommateurs via les carburants carbonés encore massivement utilisés. Et voir émerger de nouvelles tensions entre pays producteurs et pays consommateurs n’est pas exclus tant la dépendance à l’or noir reste encore très forte de par le monde, ce qui n’est pas d’ailleurs sans interroger sur l’avancement des politiques environnementales et la transition énergétique à l’échelle globale. Pour autant, ces tensions sur le pétrole qui s’étaient atténuées depuis de début de la pandémie, voire auparavant, remettent au goût du jour les divergences existants entre les pays producteurs, certains plaidant pour une hausse de la production, d’autres pour le statu quo de prix élevés liés à une restriction ou à un maintien de la production actuelle. Les deux orientations présentent des avantages opposés que les partisans de l’une ou l’autre ont bien saisi.

Profits et acteur

La première génère des profits à long terme, le prix du baril affichant un tarif jugé acceptable (50 à 60 dollars), les pays industrialisés étant ainsi assurés de pouvoir maintenir leur croissance économique sans être handicapé par une facture pétrolière trop lourde. La seconde, jugée plus retorse, entraîne des profits élevés et rapides pour les pays producteurs, séduits par l’idée de se financer sur le marché de l’énergie, mais présente le risque d’entraver la croissance mondiale en raison d’une facture énergétique trop lourde ce qui au final pourrait se retourner contre les pays producteurs, la demande s’affaiblissant du fait des tarifs pratiqués. Voilà un constat dont pourrait aussi tirer parti les pays consommateurs car ces dissensions, anciennes et profondes, au sein du cartel pétrolier ont longtemps empêché, et empêchent encore, l’OPEP d’être l’acteur énergétique tout-puissant qu’il aurait pu devenir, même s’il en présente déjà de nombreux atours. Dépendante de la demande et de la croissance mondiales, concurrencée par la production de pétrole de schiste aux Etats-Unis, l’exploitation de sables bitumineux au Canada (Province de l’Alberta), ou par des carences en terme d’investissement qui pénalisent sa rentabilité, la production de pétrole est peut-être aujourd’hui plus que jamais otage des économies industrialisées. (tradingstat.com : https://www.tradingsat.com/petrole-brent-MP0000000BRN/actualites)

Effet répulsif et transition

De la Chine aux Etats-Unis en passant par l’Europe, un baril affichant un prix trop élevé aurait dans un premier temps un effet répulsif puis politiquement dévastateur car l’OPEP serait accusée de saper les prémices de la croissance dont elle serait à terme victime. Si la pandémie a renforcé le poids stratégique de l’Organisation, elle a aussi mis en évidence ces faiblesses elles-mêmes nourries par les carences de pays producteurs largement dépendants de la manne pétrolière. Constat qui pourrait amener l’OPEP a réfléchir sur son rôle et sa place dans l’économie mondiale post-covid et de plus en plus séduite par les énergies renouvelables. Repenser le modèle de fonctionnement de l’OPEP, en la faisant passer d’un statut d’association de pays producteurs à celui d’acteur susceptible d’accompagner la transition énergétique mondiale via le financement d’initiative durable n’est pas à exclure.