Un si fragile gilet

Sans préjuger de son avenir, le mouvement des Gilets Jaunes traduit aussi l’existence d’une conscience écologique à deux vitesses. L’une supposée prête à consentir aux efforts nécessaires, la seconde effrayée et ancrée dans un quotidien qu’elle imaginait figé. Explications.

Après les incidents survenus samedi 24 novembre à Paris dans le cadre de la manifestation des Gilets Jaunes, se pose désormais la question du souvenir que laissera le mouvement sensé à l’origine contester la hausse du prix du carburant ? Echaudés par une politique macronienne aux accents jupitériens et à la verticalité assumée, les Gilets Jaunes ont fait valoir avec force agitation leurs arguments dans une capitale ébahie. (Lire lefigaro.fr : Jean-Pierre Le Goff : «Les gilets jaunes, la revanche de ceux que l’on a traités de “beaufs” et de “ringards”» ) Pour autant, loin des dégradations générées, il n’est pas inopportun de s’interroger sur l’identité de celles et ceux qui depuis le 17 novembre multiplient les opérations escargots,occupent les péages ou ralentissent le trafic automobile dans les différentes agglomérations du pays.

Silence et contrainte

Beaucoup ont évoqué cette France périphérique, noyée dans un concept géographique contesté sans être nécessairement totalement invalidé, cette France composée de rurbains, contrainte d’utiliser son véhicule pour tous les jours se rendre sur son lieu de travail ou se déplacer pour diverses raisons, silencieuse et besogneuse, loin de l’agitation médiatique et qui se sent comme oubliée ou délaissée par l’Etat ou la collectivité. Il appartiendra à chacun de juger de la pertinence de ce concept et des réalités qu’il essaie d’englober mais il n’est cependant pas erroné d’affirmer qu’il existe en France aujourd’hui une frange de la population pour laquelle la contrainte environnementale (celle qui justifie pour le Gouvernement la hausse de la Taxe intérieure de consommation de produits pétroliers –TICPE) reste encore floue et absconse, sans effet concret ou visible,donc au pire injustifiée ou mieux prématurée. Sans nier ou contester le réchauffement climatique, cette frange de la population ne semble pas avoir intégré la nécessité de désormais changer de mode de vie afin de ne pas hypothéquer l’avenir. Enfermée dans des certitudes où seules prévalent pouvoir d’achat et difficultés du quotidien, cette France dite silencieuse vit la hausse des carburants et plus globalement la politique menée par le Gouvernement comme une forme agression à son mode de vie, une atteinte à son confort chèrement acquis et pour lequel certains sacrifieraient beaucoup. Il apparaît ainsi que la conscience environnementale propre à chacun et que chacun nourrit à l’aune de ses convictions et de ses actes prend l’aspect d’une logique à deux vitesses :une prête à consentir à l’effort, l’autre préoccupée, et il serait difficile de la blâmer, par le pragmatisme du quotidien.

Effroi et puissance naturelle

Il serait inutile et méprisant de vouloir opposer une élite éclairée consciente des enjeux environnementaux et une masse protéiforme, inculte et ignare de ces propres enjeux qui s’arc-bouterait sur un univers pétri de réalité accablante (Lire lemonde.fr : Gilets jaunes » : « Les élites parlent de fin du monde, quand nous, on parle de fin du mois »). L’analyse sociologique qui en découle est plus fine et complexe qu’une simple opposition frontale et manichéenne, source d’incompréhensions de part et d’autre. In fine, le mouvement des Gilets Jaunes révèle l’existence d’une population effrayée par la puissance de la Nature et mais surtout par les efforts que celle-ci nous impose à court terme quand cette même population pensait le temps et l’espace figés, seulement rythmés par des décisions étatiques qui amélioraient ou assombrissaient leur quotidien. Et les raisons de ces réflexes de défense sont multiples et pas seulement dictées par un quotidien laborieux : isolement spatial et culturel, sentiment d’abandon et de déclassement figurent aussi au rang des raisons susceptibles d’expliquer un mouvement trop hétérogène pour pouvoir survivre dans le temps. Car à terme, submergés par la volonté de la majorité de mener une vie sinon paisible du moins exempte de débordements, les Gilets Jaunes s’en retourneront eux-aussi à leur quotidien.

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D’hommages et dommage ?

La fin des célébrations du centenaire de la Première Guerre mondiale ne laisse pas sans interroger sur les rapports des Français à l’Histoire. Et si ces derniers avaient tout simplement changé ?

Alors que se sont achevés, avec la commémoration de l’Armistice de 1918, les quatre ans de célébration de la Première Guerre mondiale, il convient peut-être de s’interroger sur la trace historique et sociale que laissera cet épisode commémoratif. Certes les livres d’Histoire continueront à évoquer le Premier Conflit mondial, et note sera faite des célébrations du centenaire, mais globalement que restera-t-il de l’épisode 2014-2018 avec comme point d’orgue le 11 novembre 2018 ? D’aucuns l’affirment : Les Français aiment l’Histoire et leur Histoire en particulier. L’affirmation qui peut valoir de réponse est peut-être péremptoire car rien aujourd’hui ne vient totalement la confirmer. Et s’appuyer sur le succès remporté par les documentaires télévisés ou les émissions dédiées à la matière ne suffit pas à en faire une règle absolue. Autant le dire sans fard, les jeunes générations, celles qui écriront les livres d’Histoire demain semblent n’avoir cure des obsessions mémorielles ou de la nécessité d’entretenir une trace historique qui leur paraît des plus lointaines.

Trace et poids

Certains crieraient au scandale voire au blasphème pédagogique mais c’est un fait : les quatre ans de commémorations passés ont certainement plus été marqués par les événements nationaux et internationaux (Attentats terroristes, tensions diplomatiques…) que par le poids et la trace de la succession des célébrations sensées redonner vie à un conflit centenaire. Erreur de programmation ou surestimation du poids de l’Histoire dans notre société ? Certainement les deux et ce dans un monde contemporain où la valeur de la culture et du savoir a pris la forme de l’appartenance à une élite sociale qu’Internet cherche, parfois à raison et avec succès, à combattre. Quant à la trace laissée par ces quatre années, elle sera certainement moins profonde que le conflit en lui-même, se fut-il achevé il y a cent ans. Triste constat que celui de voir un pays ancien, revendiquant une histoire passionnante, parfois noire et indigne, se désintéresser de ce qui pourrait le rattacher à son passé. Est-ce à dire que la parole est à l’avenir ? Certes ! Mais elle l’a toujours été ! Y compris et a fortiori au lendemain de 1918 ! Alors qu’est-ce qui a pu changer ? Peut-être est-ce finalement le rapport que nous entretenons au passé qui a modifié notre appréhension des actes célébratifs. Naturellement, il convient de définir la nation de rapport au passé. Est-il perçu comme oppressant, lointain, inutile,…Chacun nourrira ce rapport à l’aune de ses besoins en la matière. Mais, comme affirmé plus haut, le rapport que les jeunes générations entretiennent à l’Histoire est aujourd’hui totalement, irrémédiablement différent, de celui qui prévalait jusqu’alors. L’Histoire, grave et solennelle est devenue accessoire et ludique, les manuels d’Histoire se vident pour ne prendre l’apparence que de glossaires remplis de notions et d’événements perçus comme poussiéreux et rébarbatifs.  Dès lors comment s’étonner que après quatre ans de célébrations et d’hommages divers, le centenaire de la Grande Guerre soit à bout de souffle ? Lui qui appartient déjà à l’Histoire tout comme l’événement qu’il était sensé commémorer n’a pas su insuffler le renouveau républicain et communautaire espéré, de ceux qui unissent et soudent un peuple. C’est certes dommage. Peut-être. Mais c’est ainsi, l’Histoire de l’Histoire passe, elle aussi.

Quand Donald Trump pense à la fin

Une défaite lors des élections de mi-mandat augurerait une seconde partie de mandat à négocier avec prudence et douceur pour Donald Trump et ce dans la perspective de 2020. Autant de vertus qui manquent au président actuel face à des prétendants ambitieux.

Alors qu’approchent les Mid-Terms, devant se tenir le 6 novembre prochain, scrutin devant essentiellement renouveler la Chambre des Représentants (lire l’article sur lesechos.fr : Etats-Unis : ce qu’il faut savoir avant les élections de mi-mandat), il est fort à parier que Donald Trump, président en exercice, en sera naturellement un spectateur assidu, l’issue du rendez-vous électoral étant potentiellement porteuse de changements à venir au cours des deux années de mandat restant. Les données sont claires. En cas de victoire, Donald Trump pourra interpréter les résultats comme une adhésion du peuple américain à la politique menée depuis deux ans, politique faite d’isolationnisme forcené et de protectionnisme débridé. Et dans le même temps, l’ancien homme d’affaires pourra aussi envisager l’élection de novembre 2020 sous les meilleurs auspices quel que soit l’adversaire que la convention démocrate aura désigné pour l’affronter. En cas de déconvenue en revanche, entendez une chambre qui basculerait dans le camps démocrate au lendemain du 6 novembre, Donald Trump serait alors dans une situation politique loin d’être inédite à Washington, (Bill Clinton, Georges W. Bush et Barack Obama ayant dû composer avec des majorités d’opposition durant leurs mandats respectifs) mais qui l’obligerait à bien plus de prudence et de retenue, forcé par les événements à adoucir son propos et sa politique pour éviter de froisser les franges sensibles de l’électorat républicain, voire plus.

Prétendants et ambitions

Entre prudence et douceur, l’actuel locataire du 1600 Pennsylvania Avenue devrait aussi regarder d’un œil bien plus attentif que jusqu’alors les manœuvres engagées par les Démocrates et notamment par les figures montantes du parti, Gavin Newsom (Lire l’article sur lesechos.fr : Californie : Gavin Newsom, la bête noire de Trump qui monte) et Andrew Gillum, aux ambitions pour l’instant locales bien affichées, en attendant plus si les circonstances politiques s’y prêtaient. Le premier, ancien maire de San Francisco, quasiment inconnu en Europe, a ainsi conquis le cœur des Californiens, grand Etat démocrate. Admirateur de Robert Kennedy, s’inscrivant d’ailleurs dans la légende kennedienne, Gavin Newsom, qui a entre autre ferraillé en 2008 aux côtés d’Hilary Clinton, occupe depuis 2011 le poste de Lieutenant-Gouverneur de Californie et est candidat au poste de Gouverneur du même Etat face à John H.Cox. Pour autant, l’homme est-il un rival sérieux pour Donald Trump ? Bien des étapes restent à franchir pour Gavin Newsom en particulier au sein de son propre parti où Andrew Gillum, (Lire l’article sur RFI.fr : Etats-Unis: Gillum, le Noir américain choisi par les démocrates pour la Floride) lui-aussi candidat au poste de Gouverneur en Floride, fait aujourd’hui figure d’épouvantail des plus crédibles. Issu de la communauté noire, soutenu par Bernie Sanders, l’homme, maire de Talahassee, jouit d’une popularité que peu lui auguraient et doit affronter, avec de sérieuses chances de l’emporter, le gouverneur sortant de Floride Ron DeSantis, fidèle de Donald Trump. Autant d’hommes que le Président américain devra surveiller en cas de défaite électorale le 6 novembre prochain et ce même si le Parti Démocrate, réputé pour ses atermoiements récurrents est encore loin d’avoir fait son choix. Ce qui peut-être, pour l’instant, le moyen de relativiser pour le président américain un potentiel revers.