Si le rapprochement des deux Corée permettra d’apaiser les tensions qui paralysent la région, le renvoi de la dénucléarisation de la Corée du Nord à un avenir indéterminé offre à Kim Jung Un un moyen de pression à même d’influer sur les négociations à venir.
Le monde des affaires étrangères est en ébullition ! Et pour cause : les deux Corée, ennemies que l’on croyait irrémédiablement irréconciliables semblent avoir franchi le pas que tous les experts des relations internationales attendaient depuis 1953. Naturellement, la réunification n’est pas pour demain mais le semblant de détente qui traverse les deux pays après que la Corée du Nord a annoncé sa volonté de se rapprocher de Séoul et de réduire son arsenal nucléaire ouvre la voie à tous les espoirs. Voilà pour le constat dont beaucoup, et à raison, se réjouiront. Pour autant, Pyong-Yang, prudent par essence et par nature, a bien précisé que si la paix était une promesse des plus réalisables, la dénucléarisation en revanche, ne serait pas immédiate en dépit de l’intention nord-coréenne de fermer le centre d’essais nucléaires souterrains de Punggye-ri. (Lire l’article sur lemonde.fr : Corée du Nord : optimisme prudent après les précisions de Kim Jong-un sur la fermeture de son site d’essais nucléaires) Là encore, plusieurs raisons expliquent cette position.
Pressions diplomatiques
Kim Jung Un, conscient que les avancées diplomatiques actuelles ne doivent en rien affaiblir la Corée du Nord, sait aussi que celui-ci doit conserver un moyen de pression diplomatique. Kim Jung Un, loin d’ignorer les arcanes des relations internationales et les liens secrets ou officiels qui peuvent unir les différents acteurs engagés dans ce jeu d’échec international, a très bien assimilé le fait que proposer de dénucléariser son pays était une étape, un premier pas qui sera suivi dans les faits si les autres protagonistes en effectuent aussi. En d’autres termes, si Pyong-Yang donne le sentiment d’effectuer le premier pas vers des relations normalisées pour sortir de l’état de guerre officiel qui prévaut depuis 65 ans, il revient, aux yeux de Kim Jung Un, aux Etats-Unis, à la Corée du Sud, au Japon et aussi à la Chine de faire part de leur volonté de pacifier la région. Alors, peut-être, que la dénucléarisation annoncée se traduira dans les faits. Mais pour l’heure l’idée avancée reste sur la table. Parallèlement, la tactique nord-coréenne, plombée par les échecs passés des tentatives de rapprochement ou de dénucléarisation (Lire lesechos.fr : Comment la Corée du Nord a systématiquement berné la communauté internationale par le passé), est aussi le moyen de se donner des allures de partenaire affable et compréhensif après avoir été taxé de tous les maux possibles.
Machiavélisme ?
D’un point de vue diplomatique, Kim Jung Un joue in fine assez intelligemment cette partie d’échec car en cas d’échec à venir (que d’aucuns ne veulent envisager mais gardent cependant à l’esprit), Pyong-Yang pourra aisément se draper dans le linceul victimaire en précisant que l’initiative du rapprochement lui revenait. Machiavélique ? Certainement. Mais en renvoyant l’idée d’une dénucléarisation à un avenir encore flou, tout en travaillant à un rapprochement qui lui sera bénéfique économiquement (le rapprochement en question pourrait permettre une détente des relations sino-coréennes), Kim Jung Un effectue une avancée diplomatique à peu de frais qui contente les Etats-Unis. Et dans l’attente de la rencontre avec Donald Trump prévue dans le courant du mois de juin, Kim Jung Un s’offre une nouvelle virginité internationale.