
Si la polémique concernant le port burkini a animé l’été, elle a aussi porté au nu la question de la tolérance et de l’acceptation de la différence, notions battues en brèche par un discours identitaire instrumentalisant une pratique marginale et dénuée de toute portée politique.
Les vacances son finies. Il est désormais temps de ranger serviettes et lunettes de soleil et accessoirement bikini et…burkini. Ah le burkini ! La polémique de l’été autour de laquelle se sont écharpés maires et députés, jusqu’au plus haut sommet de l’Etat, où contradictions et recadrages, parfois secs, ont animé la période estivale. Pour beaucoup néanmoins, et ils sont nombreux, cette polémique s’est vite avérée aussi vaine que stérile, inutile que sans intérêt. A tort ou à raison, les Français se sont plus ou moins détournés de ce qui n’apparaissait pas comme une priorité. Et au regard de la situation économique du pays, on peut penser qu’ils n’avaient pas fondamentalement tord. Pour autant, le burkini a posé (ou reposé) les bases d’un débat articulé autour d’un des principes cardinaux de toute démocratie qui est celui de la tolérance et du droit que chacun a de disposer de son corps à sa guise. Les deux notions sont ici intrinsèquement liées et l’oublier reviendrait à sombrer dans une forme de dogmatisme, par essence aveugle et amnésique. Prenons pour illustrer le propos un exemple opposé.
Délit et exhibitionnisme
Le burkini est donc un maillot de bain permettant à une femme de confession musulmane de profiter des joies des bains de mers sans exposer son corps à la vue de tous. C’est sont choix et son droit, il est dicté par ses convictions, religieuses ou pas, et que l’on soit choqué ou non, il relève d’un libre arbitre dont chacun peut jouir à sa convenance et qui ne porte, en l’espèce, aucune atteinte physique particulière à ceux qui l’entourent. Qui irait reprocher, à l’inverse, à une femme de profiter des joies de la plage en ne portant pas de haut de maillot de bain ? Rares sont ceux qui jusqu’alors ont crié au scandale, à l’atteinte aux bonnes mœurs ou autre délit d’exhibitionnisme ? Quel maire de commune littorale oserait prendre un arrêté municipal pour verbaliser toute femme profitant de la plage la poitrine dénudée ou portant un string ? Pourtant la loi (article 222.32 du Code pénal) punit toute exhibition sexuelle (voir article sur madame.lefigaro.fr : A-t-on le droit de se balader seins nus ?) mais reste finalement assez floue en ne désignant pas les parties du corps susceptibles d’être concernées. A l’arrivée, il n’y a rien d’illégal. Pousser des cris d’orfraies horrifiées parce qu’une femme se baigne en burkini relève de l’intolérance bornée sous couvert d’une prétendue islamisation de la société ou de certaines de ses composantes. A l’inverse toujours, les femmes musulmanes qui fréquentent, vêtues d’un burkini, les plages françaises, crient-elles à leur tour au crime de bonne mœurs devants des femmes vêtues de bikinis ou pratiquant le mono-kini ? Peut-être que ces pratiques les choquent ou pas d’ailleurs. Mais celles qui en sont choquées gardent pour elles leurs positions au nom d’un principe simple : toute femme en démocratie dispose de son corps comme bon lui semble. Lorsqu’au fin XIXème et début XXème, les bains de mer commencèrent à se multiplier et que se jetaient à l’eau des baigneurs habillés de la tête au pied, qui criait à l’intégrisme ou se révélait choqué de telle pratique ? Et aujourd’hui nous regardons ces images d’antan avec un sourire amusé.
L’Islam, un problème pour certains
Etre heurté par le port du burkini ne peut être le terreau, le moteur ou même le principe d’une loi anti-burkini. Cela reviendrait à nier le principe de liberté individuelle au nom d’une bien-pensance facile pétrie d’ordre moral et de dérives identitaires qui cache en vérité un problème plus profond de tolérance et d’acceptation de la différence. Une démocratie comme celle qui prévaut en France, où se disputent au sein du débat citoyen et politique, des idées diverses sur la notion de liberté individuelle et d’atteintes aux libertés au sens large ne peut et n’a pas à perdre de temps dans des querelles de cet ordre. Islamiser le burkini, au sens politique du terme, n’a aucun sens si ce n’est celui ne pas avouer ouvertement que certains d’entre nous ont un problème avec l’Islam. Soyons honnête un instant. Qu’est ce qui pose problème : L’Islam ou ceux qui par calcul politique ou électoral ou plus simplement par ignorance et bêtise instrumentalisent la parole et le message du Coran ? La réponse est peut-être dans la question. Dire que le port du burkini est une atteinte à la laïcité et donc incompatible avec les lois de la République témoigne surtout d’une vraie méconnaissance du concept de laïcité en tant que tel. Un léger rappel s’impose : la laïcité est une conception et une organisation de la société fondée sur la séparation de l’Église et de l’État et qui exclut les Églises de l’exercice de tout pouvoir politique ou administratif, et, en particulier, de l’organisation de l’enseignement. Mais si désormais la polémique s’éteint comme se vident les plages, polémique étouffée par l’arrêt du Conseil d’Etat, la question de la tolérance et de l’acceptation de la différence, même si cette dernière est motivée par des raisons d’essence religieuse, reste entière. Et l’instrumentaliser dans un quelconque débat sur l’identité revient à se tromper de débat et de priorité. Mais l’été s’achève. Espérons que l’automne soit plus ouvert.