Une conférence ! Et après ?

Emmanuel Macron '
La conférence voulue par Emmanuel Macron apparaît comme inspirée par le bon sens et la nécessité. Mais sera-t-elle suffisante pour endiguer la menace terroriste ?

L’annonce par le Président Macron de la tenue d’une conférence internationale dédiée à la lutte contre le financement du terrorisme islamiste se veut méritoire. Mais endiguera-t-elle la menace qui pèse sur les sociétés contemporaines ? Sauf aussi à engager une lutte intérieure contre le fanatisme.

La volonté affichée par le Président Macron de lutter contre le financement du terrorisme via une conférence internationale organisée à Paris en début d’année prochaine est certes louable et objectivement bienvenue (Lire l’article sur lesechos.fr : La lutte contre le terrorisme, priorité diplomatique d’Emmanuel Macron ) . A tous le moins permettra-t-elle, on peut l’espérer en tous cas, d’identifier officiellement les pays et les organisations amenées à financer les groupes terroristes islamistes. Dans un second temps, elle sera l’opportunité pour le président Macron de confirmer, d’essayer au moins, sa stature internationale. La tentative est risquée car le défi est grand, d’ampleur mondiale en réalité. Pour autant, aussi louable que soit cette intention, accompagnée en France par la présence concrète des forces de l’ordre et des forces armées sur le terrain, cette conférence ne permettra pas, ni dans l’intervalle de sa tenue, ni au lendemain de sa clôture d’immédiatement endiguer la menace qui pèse sur nombre de nations exposées aux coups de folies d’une organisation, Daesh, aujourd’hui agonisante.

Cynisme et paradoxe

Car là est le paradoxe. Alors que l’Etat islamique recule jour après jour sous les coups de boutoir des forces de la coalition en Irak et en Syrie ainsi qu’au Liban (lire l’article sur slate.fr : La victoire du Liban signe-t-elle le début de la fin pour Daech? ), que son existence même et son futur proche s’écrivent en pointillés, jamais les attentats n’auront été si violents, en tous cas aussi nombreux dans un espace temps très court et rapproché. Barcelone, Londres, Levallois,…Pour ne citer que les dernières attaques mettent en évidence une organisation désormais aux abois, mais qui par tous les moyens possibles, tente de survivre en propageant la mort et la terreur. Pourtant, ce chant du cygne d’un cynisme et d’une cruauté sans égal renvoie aussi nos sociétés contemporaines à des réalités qu’il convient et conviendra d’assumer, à savoir qu’il existe ici ou là une ou plusieurs minorités d’individus susceptibles d’être encore fascinés par les thèses de l’Etat islamique. Le débat est ancien. La fragilité économique et intellectuelle, toutes deux associées, de certaines franges de la population, en France ou ailleurs, figurent au rang des premiers terreaux sociaux à même de générer des comportements dangereux pour la collectivité.

Obscurantisme et ignorance

Aussi, s’il convient de lutter contre le financement international du terrorisme, il est tout aussi impératif de lutter contre les facteurs sociaux et économiques à même de pousser parmi les plus faibles dans les bras de la propagande de Daesh. Mais ce combat s’avérera certainement plus long que celui qui sera engagé au lendemain de la conférence voulue par le président Macron. Ainsi, les attaques à la voiture bélier, les agressions au couteau ou tout autre type d’attentats continueront très certainement – bien que nous souhaitons tous ici comme ailleurs que cela ne soit pas le cas – à se multiplier tant que les racines du mal terroriste n’auront pas été éradiquées. Voeux pieux ? Pas réellement car il appartient aussi aux sociétés contemporaines de combattre l’obscurantisme et l’ignorance par l’éducation et la culture, de travailler au bien être de tous par le développement de sociétés altruistes et non individualistes. « Compliqué et difficilement réalisable ! » argueront certains. « Vraiment ? » répondront d’autres. La réponse est entre les deux mais la nécessité d’y travailler impérative car une fois Daesh mort et enterré, à défaut d’avoir éradiqué les racines du mal, celles-ci germeront à nouveau pour encore contaminer ceux qui se sentiront exclus de la collectivité.

Le sens des priorités

Priorité
Se pâmer devant 220 millions d’euros est-il plus important que s’interroger sur les faiblesses de nos sociétés contemporaines ?

Entre indifférence et décadence, nos sociétés contemporaines occidentales semblent avoir perdu le sens des priorités. En témoignent l’engouement et les commentaires liés au transfert du brésilien Neymar au Paris-Saint-Germain quand le Yémen meurt, terrassé par la guerre civile et le choléra.

Nous aurions pu, via ces quelques lignes, préambules au coma estival qui s’installe à chaque mois d’août, évoquer le transfert rocambolesque de Neymar au Paris-Saint-Germain, le énième rebondissement de l’Affaire Grégory, la chute du président Macron dans les sondages ou encore la vague de chaleur caniculaire qui écrase une partie du pays. Nous aurions pu. Mais, étrangement et paradoxalement, sans évoquer chacun d’eux à proprement parler nous finirons par les utiliser comme exemples dans une forme de démonstration que d’aucuns jugeraient cynique. Ainsi, beaucoup l’ignorent, mais le Yémen est en proie, non seulement à la guerre civile, mais aussi à une épidémie de choléra telle qu’elle pourrait éradiquer purement et simplement la moitié de la population (lire l’article sur lemonde.fr : Le Yémen, un pays prisonnier du choléra ) « Terrible ! » crieraient certains et à raison d’ailleurs. Mais ils le crieraient dans le silence de l’indifférence car soyons honnêtes qui s’en soucie ? Hormis les Yéménites eux-mêmes, quelques ONG présentes sur place et l’Organisation des Nations Unies…

Mort programmée

Il est clair que dans l’ordre des priorités le transfert d’un gamin de 25 ans pour 220 millions d’euros, devenu bête de foire, semble peser plus lourd que la mort programmée de toute une population. Ne serait-ce pas là le signe inquiétant et dramatique que nos sociétés contemporaines occidentales se sont vendues à une forme de lâcheté qui se cacherait derrière…Mais derrière quoi finalement ? Derrière rien. Osons le dire et l’écrire les paillettes supposées du transfert de Neymar occultent notre incapacité chronique à nous pencher sur les vraies questions qui interrogent l’humanité. Certains appellent cela la décadence…Ont-ils réellement tort ? Comment peut-on laisser mourir un peuple et se pâmer devant 220 millions d’euros qu’aucuns d’entre nous ne touchera d’ailleurs ? Certes, beaucoup argueront du fait que nous ne pouvons rien à cette guerre civile et à cette épidémie. C’est vrai. Mais rien en revanche ne nous empêche de faire preuve de modestie et de pondération en évitant de nous vautrer dans des comportements qui frôlent l’indécence et la vulgarité comme ceux qui fleurissent sur les réseaux sociaux. Il est naturel d’être heureux, lorsque l’on est supporteur du PSG en l’occurrence, du transfert de ce joueur mais de là a en oublier que le Monde continue de vivre et mourir,…Quant au énième avatar de l’Affaire Grégory, à la chute d’Emmanuel Macron dans les sondages ou la chaleur estivale, avouons qu’ils ne sont là que pour nous donner bonne conscience car là encore personne ne sera fondamentalement traumatisé (sauf à être concerné directement) par ces saillies dont le quotidien regorge. Alors à l’heure où châteaux de sable, siestes interminables et commentaires sur le positionnement tactique de Neymar (!) se multiplient, il n’est pas inopportun ni inutile de se demander ce que nous sommes devenus ou en train de devenir. Sur ce Bonnes Vacances…