Covid-19, nouveau compagnon de route ?

La gestion de crise sanitaire par le Président de la République et le Gouvernement suscite polémiques et critiques dont la pertinence interroge au regard du drame humain généré. Une réalité s’impose cependant : le covid-19 est entré dans notre paysage quotidien. Pour longtemps ?

Il y a d’abord eu l’inadaptation des structures de santé, puis les effets économiques du confinement, puis les modalités entourant la sortie du dit confinement, puis sur le retour des enfants dans les établissements scolaires et voilà qu’à présent une nouvelle polémique se dessine autour des masques et des tests à diligenter. Si la préoccupation est somme toute légitime vue l’ampleur de la crise sanitaire, celle-ci traduit aussi une forme d’habitude franco-française facilement assimilable à une forme d’inertie coupable. La question qui se pose alors est la suivante : est-il besoin de polémiquer sur le port du masque et leurs qualités respectives tout comme sur les tests ou sur les Agences régionales de Santé  ? (Lire lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/planete) Il appartiendra à chacun d’apporter sa ou son lot de réponses mais il apparaît simplement évident que l’un et l’autre deviendront dans les mois à venir indissociables et certainement, dans des situations bien définies, obligatoires.

Grippe et donne sanitaire

Pourquoi ? Et bien car, que ce soit en France ou ailleurs dans le monde, il faudra désormais apprendre à vivre avec le covid-19 comme nous vivons avec la menace saisonnière de la grippe. Ce virus, jusqu’alors inconnu, devenu en l’espace de quelques semaines l’objet de toutes les discussions, fait maintenant partie de notre paysage sanitaire, social et économique tant son apparition et ses conséquences vont bouleverser nos univers respectifs. Pour autant, accepter le fait que le coronavirus est dès à présent un élément à part entière de nos vies sera difficile à intégrer. Il suffit pour s’en convaincre de voir comment certains se moquent des conséquences ou des mesures de précaution à prendre pour s’en prémunir quand d’autres préfèrent confectionner leurs propres masques. Cette nouvelle donne sanitaire est dictée par au moins deux réalités : la jeunesse du virus au regard de l’ensemble de la sphère virale existant à ce jour ; sa dangerosité due à sa vitesse de contagion sachant qu’une personne infectée est potentiellement à même d’en infecter trois autres…

Antériorité et critique

Cette jeunesse, qui n’existe d’ailleurs pas, par définition, pour les autres virus connus pour lesquels nous disposons d’une antériorité à même de nous orienter vers les solutions sanitaires adéquates, guide à ce jour les recherches engagées afin de proposer rapidement un vaccin. Celui-ci, espéré par tous en 2021 ou 2022, revêt les aspects de la panacée face à la dangerosité du coronavirus : La recherche doit avancer à pas de géants en raison de sa dangerosité. Est-ce une réalité acquise pour l’Humanité ? Il faudra qu’elle le devienne car, répétons-le, le covid-19 fait désormais partie de nos vies quotidiennes et toutes polémiques sur les masques ou les tests apparaissent vaines au regard de l’urgence sanitaire mais conçues à dessein dans une optique de critique de l’action gouvernementale qui s’inscrit désormais dans une logique de déconfinement. (Lire lesechos.fr : https://www.lesechos.fr/monde). In fine, une seule réalité s’impose, alors que seule 5,7 % de la population française (soit 3,7 millions d’habitants) a été infectée par le coronavirus : le covid-19 s’est invité à la table de notre quotidien.

Penser l’improbable pour expliquer le pire

Les théories du complot qui pullulent sur l’origine du virus ne cesseront pas après la résorption de la crise actuelle. Entre fantasmes et manipulation secrète de l’Humanité, ces discours irrationnels révèlent l’ignorance et la faiblesse culturelle de certains individus à l’endroit des mutations et des maux contemporains.

D’origine animale, créé de toutes pièces, manipulé, perdu par hasard ou égaré par accident, depuis sont apparition, et avec elle les conséquences que nous connaissons, les thèses sur l’origine du coronavirus ont fait l’objet de nombreux fantasmes. Mais pour l’heure, force est de constater que derrière les discussions sans fin qui entourent cette origine, rares, s’ils existent, sont ceux qui pourraient préciser avec exactitude, où et comment, en Chine, le covid-19 est apparu. D’ailleurs, comme le relevait récemment l’essayiste Caroline Fourest, « peut-être ne le saurons-nous jamais« . Cette probabilité, qui n’est pas à exclure, devra potentiellement servir de seule explication dans les années à venir. Mais à vrai dire, l’urgence actuelle est-elle de savoir d’où provient le coronavirus ? A l’évidence non et la question se posera un jour.

Réseaux sociaux et victimisation

Car cette crise sanitaire sans précédent est aussi révélatrice de nombre de défauts dont notre société est porteuse. Parmi les premiers d’entre eux, la pléthore de théories qui pullulent tant sur les réseaux sociaux que dans les discussions (à distance !) entre amis, voire au sein de familles quelconques, sur les origines de ce virus. Or, la question qui se pose ainsi aujourd’hui n’est pas tant de savoir de quelle nature ces théories, souvent appelées théories du complot, sont et ce qu’elles avancent comme thèses mais plutôt de savoir pourquoi ces dernières se multiplient à l’envi. Définissons déjà ce qu’est une théorie du complot. L’idée, souvent étayée d’informations incomprises, décontextualisées et détournées, que un ou plusieurs évènements, ici la crise du Covid-19, serait le fruit d’une volonté secrètement voulue par un groupe d’individus qui tireraient un profit obscur du désordre causé. Ces théories, facilement attaquables et démontables, sont pourtant extrêmement populaires auprès de franges de populations fragiles économiquement, isolées ou mal informées culturellement et globalement effrayées par l’évolution d’un environnement direct ou indirect, proche ou globalisé, qui leur échappe ou qui échappe à leur entendement. La théorie du complot devient donc une réponse évidente, dangereusement malléable et aisée pour justifier une attitude victimaire et une inquiétude liée à une incompréhension, générale ou partielle, des mutations contemporaines. Pourtant, nul n’est besoin, (et c’est aussi en ça que le phénomène demande une attention réelle visant à sa limitation) de vivre des périodes de crise pour voir pulluler ces théories. Même en période qualifiées de calme, elles fleurissent. Pourquoi ?

Fantasme et prise de conscience

Car il apparaît finalement assez aisé et confortable intellectuellement d’imputer telle ou telle situation à telle ou telle organisation ou groupuscule secret car par définition, l’ignorance et le secret nourrissent le fantasme, y compris les plus noirs. Que faire donc pour limiter ces théories ? A vrai dire il n’existe pas de grands remparts à cela si ce n’est l’intelligence, la culture et l’ouverture de chacun à la possibilité d’un autre monde différent. Est-ce à dire que les théories du complot sont inhérentes à toutes sociétés humaines ? Les procès en sorcellerie qui ont marqué l’Histoire en témoignent, les fantasmes qui abondent sur les sociétés secrètes (qui ne le sont plus tant que cela in fine) révèlent cette tendance humaine à se vivre en victime déresponsabilisée et non en acteur, pour s’en référer à un monde occulte, invisible et décharné qui expliquerait tout sans jamais en apporter la preuve car cette dernière discréditerait, de fait, le fantasme originel. Les théories du complot renvoient plus à l’ignorance et la faiblesse culturelle de populations apeurées et acculturées qu’à la pertinence de la recherche scientifique et rationnelle de la vérité. Le stoïcisme, presque le cynisme, de l’analyse cartésienne des faits, ennemi de toute théorie du complot, impose dès lors une forme de prise de conscience de la réalité factuelle et non d’une pseudo-réalité, fruit d’un imaginaire dévoyé. La crise du covid-19 que nous subissons à l’échelle mondiale, a été, et sera encore longtemps, un terreau fertile à ces théories, amplifiées dans leur diffusion et leur interprétation, par les réseaux sociaux. Aussi, conviendra-t-il d’en tirer les leçons. En espérant que tous veuillent les entendre…

Une Chine et deux visages

Pour avoir caché l’apparition et la dangerosité du coronavirus aux première heures de sa propagation, le régime chinois a confirmé qu’il était bien une dictature dont les apparences modernes masquaient les bases du régime : autorité, méfiance et culte du secret.

Courtisée par les grandes puissances occidentales pour l’immensité des opportunités économiques qu’elle recèle, devenue l’un des premiers importateurs et exportateurs mondiaux, pilier de la mondialisation, la Chine, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, aurait presque fait oublier qu’elle était, encore, une dictature. Certes, convertie à l’économie de marché mais une dictature que la crise du coronavirus vient cruellement rappeler. Comment ? Les plus cyniques auraient évoqué la raison d’État, celle théorisée par Machiavel et mise en pratique par Richelieu pour expliquer le silence qui a entouré la découverte et la propagation du virus. Ne nous y trompons pas. Taire un tel accident sanitaire n’en relève pas mais plutôt de manipulations froides et calculées que l’on ne retrouve que dans des dictatures aguerries, aussi apaisées et séduisantes qu’elles puissent paraître ou veulent vouloir apparaître aux yeux du monde.

Secret, image et réussite

Car derrière le socialisme de marché se cache un pays pris dans l’étau d’un régime autoritaire d’où rien ne filtre. Ainsi, quelle démocratie digne de ce nom, respectueuse de ces citoyens et des pays qui l’entourent ou échangent avec elle aurait tu un tel secret ? Il appartient à chacun de répondre à cette question à l’aune de ces propres convictions mais la réponse semble toute trouvée. Certes, il n’y a rien d’exceptionnel à affirmer qu’en dépit d’un confort matériel comparable, pour près de 400 millions de Chinois, à celui prévalant dans l’ensemble des pays occidentaux, la Chine reste une dictature prête à enfermer, voire à exécuter ses opposants politiques, en bafouant sans vergogne les Droits de l’Homme et bercée par l’hypocrisie occidentale. (Selon Amnesty international, 1.032 personnes ont été exécutées en Chine en 2016 – lire Leparisien.fr : http://www.leparisien.fr/international). La question qui se pose aujourd’hui est de savoir pourquoi la Chine a cherché, dans un premier temps en tous cas, à étouffer l’apparition et la dissémination de ce virus. Les réponses sont multiples et pour certaines aussi mystérieuses que peut l’être l’Empire du Milieu mais la première d’entre elle pourrait être celle liée à l’image que le régime de Pékin veut donner de son pays. La réussite économique de la Chine née de la conversion à l’économie de marché ne pouvait être entachée par un tel problème relevant probablement de pratiques alimentaires pour beaucoup désuètes, à savoir la consommation de chair de pangolin, animal sauvage dont serait très friande une partie de la population chinoise. Trébucher sur un virus d’origine animale à la vitesse de propagation inédite n’était en rien concevable pour Pékin et pour un régime qui se veut exemplaire en dépit d’une corruption galopante…

Raisons et réalisme

La seconde raison est d’essence purement économique, pays-usine du monde, la Chine ne peut priver son économie des relations commerciales et industrielles qu’elle a noué avec la planète entière. Et avouer qu’un virus retors, inconnu, hautement contagieux et mortel pouvait potentiellement souiller Hommes et marchandises issus de ces terres ou de ces usines relevait de l’inimaginable. Autant de raisons qui ont poussé la Chine a se taire et à perdre un temps précieux. La troisième relève potentiellement des limites du système de santé chinois, souvent dénoncé comme défaillant, la Chine ayant alors choisi l’option de la divulgation à des fins de coopération mettant en évidence ses propres carences en matière sanitaire. Nombreux soulignerons alors combien la Chine a coopéré et transmis la carte génétique du virus au plus tôt afin que celle-ci ouvre la voie à un traitement. Mais si les raisons qui l’expliquent sont certes sanitaires et humanistes, elles sont aussi sous-tendues d’une vocation économique : agir vite pour que le cycle industrialo-économique, vital pour la Chine, reprenne au plus tôt. Cynisme ? Réalisme à la chinoise plus exactement. Et d’ailleurs comme toute dictature qui se respecte, la propagande chinoise se glose déjà des efforts accomplis en faveur des pays contaminés en leur envoyant des tonnes de masques de protection, en annonçant que ses usines sont sur le point, quand ce n’est déjà fait, de reprendre leur activité. Car ne l’oublions pas : La Chine dictature d’abord féroce aux premières heures de sa création en 1949, a su s’adapter au Monde, le socialisme de marché en est une preuve, mais n’a jamais vacillé, les étudiants révoltés de la place Tian’anmen en 1989 peuvent en témoigner.

Le covid-19 diable de la démocratie

Confrontées à la nécessité de limiter les libertés individuelles et collectives pour lutter contre le covid-19, les démocraties contemporaines sont déchirées entre défense des acquis libertaires et impératifs sanitaires castrateurs. Lequel prendra à terme le pas sur l’autre ?

Voilà un des effets pervers de la crise sanitaire générée par l’apparition et la propagation du coronavirus à l’échelle mondiale : la suppression, certes temporaire, des libertés fondamentales de chacun. D’aucuns, pour des raisons évidentes de santé publique, y voient une nécessité et, globalement, les mesures de confinement et de restriction drastiques des déplacements privés (hors déplacements professionnels ou impérieux) sont pour l’heure toutes acceptées. Pour l’heure…! Car rien ne permet d’avancer que si la situation actuelle devait perdurer, au-delà des six semaines communément admises pour singulièrement réduire les risques de contagion et de saturation des hôpitaux, l’acceptation de ces mesures serait tout aussi aisée. Et le coronavirus de poser aujourd’hui un réel problème à nos démocraties contemporaines et à nos Etats de droit.

Volte-face et rapport

Ces dernières, basées sur des libertés individuelles qui font de chacun de nous des acteurs et citoyens souverains, sont désormais obligées de faire volte-face et d’appliquer des méthodes qui laissent parfois exhaler des relents de républiques bananières, voire plus comme l’exemple hongrois vient le démontrer (lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/international) Forces de l’ordre disséminées sur l’ensemble du territoire, contrôle des déplacements, verbalisation, fermeture des aéroports…Autant de mesures et de réalités qui éloignent les démocraties contemporaines des concepts qui les fondent. Alors oui ! Effectivement, le covid-19 défie les régimes démocratiques en les renvoyant à des extrémités que le virus impose tout en malmenant les bases de l’État de droit. L’irruption du covid-19 n’est pas sans interroger des démocraties peu habituées, voire pas du tout, à discuter leurs libertés avec un ennemi invisible et pourtant dévastateur. La question qui se pose alors est de savoir si nos démocraties seront capables d’accepter le bouleversement sociétal que génère ce virus ? Insupportable dilemme, impossible nœud gordien à trancher. Il faut désormais, sinon s’en convaincre, du moins commencer à s’y préparer, la potentielle multiplication d’épisodes pandémiques dans les années à venir va modifier notre rapport à la liberté en général et aux libertés collectives et individuelles en particulier. Nombre de nos régimes démocratiques actuels se sont créés et ont prospéré sur le postulat considéré comme intangible que la nature était au service de l’Homme. Longtemps, ce dernier a considéré sa place sur Terre comme une évidence que rien ne pouvait remettre en cause et ce dans une forme de darwinisme mal compris, appliqué à tort et sans discernement.

Insouciance et socialisation

Le covid-19, dernier épisode en date d’autres accidents viraux (Peste Noire 1347 – 1352 ; Grippe espagnole 1918 – 1919 ; SRAS 2002) a ceci de particulier qu’il a fait irruption dans un monde où la notion de liberté était fondamentalement acquise, consubstantielle de modes de vie qui se baignaient d’insouciance et que personne ne souhaitait remettre en question. A ceci s’ajoute une intégration économique paroxystique qui ne prévalait pas par le passé, y compris en 2002 où le principe de mondialisation, avancé certes, ne l’était pas autant qu’à ce jour, intégration qui démultiplie les effets du covid-19. Les interactions économiques du XIVème siècle, voire du XXème ou du début du XXIème n’égalent en rien celles qui prévalent à ce jour et expliquent aussi pourquoi aucune mesures de confinement et de restrictions des libertés n’avaient été alors appliquées. Est-ce à dire qu’il faudra vivre cloîtré et refuser toute socialisation ? Non naturellement, mais il faudra dans les années à venir peut-être admettre la réduction de certaines libertés individuelles, voire collectives, pour préserver notre mode de vie, à réinventer de surcroît. D’aucuns crieraient à des politiques liberticides ! Ils auraient raison mais force est de constater aussi que l’état du monde après le passage du covid-19 appellera certainement à une impérieuse et profonde remise en question.