Une pandémie si politique

A un an de l’élection présidentielle, le Président de la République Emmanuel Macron prend le pari de politiser la pandémie de coronavirus en dépassant son statut sanitaire. L’intégrer dans son bilan pourrait ainsi être une clef de voûte de son programme. Explications.

Plus qu’un problème sanitaire, la question de la vaccination de masse, et plus largement de la gestion de pandémie de coronavirus, est aujourd’hui devenue un enjeu politique sur lequel nombre de gouvernants seront probablement jugés. La capacité pour un pays et le gouvernement qui lui est associé, quels qu’ils soient, à organiser une campagne de vaccination met de fait en évidence plusieurs éléments qui relèvent tant de sa puissance que son degrés d’évolution. En France, les atermoiements qui ont précédé la situation actuelle ont été très mal appréhendés par l’opinion publique qui ne comprenait pas, et à raison, les retards accusés au regard de la gravité de la situation. La question qui se pose ainsi est donc de savoir si cette même opinion en tiendra grief au Président de la République qui avant l’arrivée du vaccin avait fait le pari que le pays apprendrait à vivre avec le virus.

Critiques et dysfonctionnements

Parallèlement, en décidant de ne pas reconfiner de manière dure (lesechos.fr : https://www.lesechos.fr/politique-societe/) à l’image de ce qui avait été entrepris en mars-avril 2020, l’Elysée fait du covid-19 non plus un problème sanitaire mais bel et bien un enjeu politique. A quelques mois de l’élection présidentielle d’aucuns reconnaîtront que le pari est risqué mais a au moins l’avantage de poser le Président de la République, du moins est-ce son intention, en véritable décideur de la nation, coupant et tranchant dans le vif sans se soucier des commentaires ou des oppositions. Partant du principe que le coronavirus ne rythmera éternellement pas l’existence des Français et que sa gestion figurera au rang des critiques qui lui seront adressées, Emmanuel Macron a pris le parti d’intégrer la gestion de la crise sanitaire comme un élément constitutif de son bilan. Et le Président de la République de le présenter non comme une fatalité qui s’est abattue sur le pays mais comme un révélateur des dysfonctionnements de notre système de santé, des difficultés rencontrées par les étudiants et mises en évidence par la pandémie, du malaise des soignants,….Autant de réalités que le chef de l’État, candidat à sa succession a passé au prisme de la politisation pour ne plus en faire des faiblesses de son mandat actuel mais des forces d’un potentiel mandat futur.

Rebond et urnes

Il serait alors peu crédible de l’accuser ne pas avoir su tirer un enseignement d’une crise à l’envergure internationale dans laquelle la France est plongée. Pour autant, avancer que la nation sera en mesure de se reconstruire sur les effets de la pandémie ne répond pas nécessairement à la situation actuelle notamment au regard d’un possible rebond sévère de l’épidémie qui étoufferait un système hospitalier au bord de l’asphyxie, des établissements scolaires amenés à jongler avec des formules d’enseignement entre distanciel et présenciel, des entreprises poussées au télétravail et une économie éreintée par près d’un an de yo-yo entre reprise d’activité et reconfinement (la-croix.com : https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique) Il s’avère donc à l’aune de ce constat que le pari est des plus risqués car le Président de la République sera le seul à être jugé dans les urnes pour la gestion. Pourtant si ses opposants ne pourront que l’accabler de reproches, lui pourra avancer un ensemble d’actes. Et à treize mois du premier tour de l’élection présidentielle, cet ensemble d’acte constituera une partie du bilan du quinquennat. Car après la crise sanitaire, la politique reprend le dessus…

Débat à haut risque sur l’islamo-gauchisme

Le débat suscité par les propos du Ministre délégué à l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, sur la réalité de l’islamo-gauchisme à l’Université expose l’exécutif à une polémique porteuse de risques politiques élevés. Explications.

Voilà un débat aux accents polémiques, dont Emmanuel Macron se serait volontiers passé à quatorze mois du premier tour de l’élection présidentielle prévue en avril 2022. Non que celui-ci ne soit pas en mesure de l’affronter et de l’éteindre sans délais, mais le débat sur la diffusion supposée de l’islamo-gauchisme dans les rangs de la communauté universitaire revêt tous les ingrédients du piège politique. (lire le parisien.fr : https://www.leparisien.fr/politique) Pour autant, avant d’aborder les différentes facettes du piège en question, une définition de l’islamo-gauchisme, notion clivante, active et réelle pour certains, notamment dans les milieux d’extrême-droite, brillant par sa vacuité pour d’autres qui n’hésitent pas à dénoncer un abus de langage, s’impose. Textuellement donc l’islamo-gauchisme est un néologisme désignant une proximité supposée entre idéologies et partis de gauche et milieux islamiques ou islamistes. Composé des termes islam et gauchisme, le terme est également utilisé pour symboliser une ligne de fracture politique sur les causes du djihadisme.

Socle et espace d’expression

Définition posée, pourquoi le débat ouvert par Frédérique Vidal, Ministre déléguée à l’enseignement supérieur, suscite-t-il tant d’inquiétudes dans la majorité et la ire des milieux universitaires ? La réponse réside d’abord dans la situation globale à laquelle l’exécutif doit aujourd’hui faire face qui n’a aucune envie de devoir affronter d’une part la communauté scientifique, en partie socle de son électorat, et, d’autre part, encore moins l’envie de devoir se lancer dans une analyse sur le poids et l’influence de l’islamisme en France. Sujet sensible, la question de l’islamisme associé à une potentielle complicité tacite des milieux universitaires à son endroit au regard de certaines thèses avancées par celui-ci, n’est en rien au programme du candidat Macron. Alors que l’exécutif cherche à tout prix à s’extraire de la crise sanitaire sans recourir à un nouveau confinement tout en contenant les dégâts économiques occasionnés par les mesures de restrictions liées à la pandémie, un débat, ne serait-ce que superficiel sur la question de l’islamo-gauchisme serait une perche tendue aux milieux d’extrême-droite et notamment à sa principale rivale, présentée comme telle en tous cas, Marine Le Pen qui trouverait là un espace d’expression presque béni.

Probabilité et institutionnel

Faible et mal informée sur les questions d’ordre économique, la président du Rassemblement National pourrait facilement user dans ce débat des thèses complotistes qui nourrissent le discours d’extrême-droite, discours sur lequel Emmanuel Macron n’a aucune prise car infondé. Mais le risque de devoir se lancer dans une séance d’explication collective visant à dédouaner la communauté scientifique de toute manipulation subie sans désavouer un ministre devenu très encombrant s’avère de plus en plus probable si le feu de la polémique n’est pas immédiatement éteint. Peu de solutions s’offrent finalement au Président de la République. Si le renvoi, par ailleurs probable, de la Ministre en question en est une (lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/societe/article), elle ne fera que satisfaire la communauté universitaire sans pour autant clore définitivement la discussion. Et si la polémique devait enfler, une intervention du Président ou du Premier Ministre s’avérerait nécessaire au risque de donner au débat une tournure institutionnelle aux conséquences lourdes. In fine, le débat ouvert par Frédérique Vidal, pertinent ou pas, pose l’exécutif face à la fronde des universitaires et à une question qui appelle une réponse rapide au risque de rester accroché au semelles du Président.

Ambiguïtés africaines

Alors que se pose la question du retrait des forces françaises de l’opération Barkhane au Sahel, les ambiguïtés de la France au regard de ces anciennes colonies émergent aussi. Explications.

Ancienne puissance coloniale, la France a souvent eu, depuis l’indépendance de celles qui furent ces possessions africaines, une attitude des plus ambiguës. Entre volonté d’émancipation et coopération dissimulée sous une forme d’ingérence qui ne voulait pas dire son nom, Paris a vu, et voit encore, dans les pays d’Afrique de l’Ouest en particulier, tout à la fois un ensemble de partenaires économiques et un espace-tampon sensé protéger la France contre la mouvance islamiste ayant pris place dans le Sahel. (lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/afrique/article) L’opération militaire Barkhane, initiée par l’ancien président de la République François Hollande en 2013 en vue de sécuriser la zone au regard de la présence de milices islamistes radicales à même de menacer le territoire national, est ainsi aujourd’hui source d’interrogations de la part de l’Etat-Major français mais aussi des pays concernés, à savoir le G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad).

Partir ou rester

En redessinant les lignes de forces géostratégiques du Sahel, l’action de la force française qui s’est progressivement étendue au-delà des frontières fixées par la mission initiale qu’était le Nord Mali, a mis en exergue toute la complexité du règlement de la question du terrorisme islamiste. Et les questions sur l’utilité de la présence française de se poser avec acuité. Financièrement et humainement coûteuse, dépassée géographiquement, l’opération Barkhane porte en elle toutes les ambiguïtés de la politique africaine de la France : Laisser les puissances du G5 gérer la sécurité de la zone concernée en acceptant de fait de perdre la maîtrise des opérations et de ses objectifs ; maintenir la présence des forces françaises au risque de voir émerger une sorte de néocolonialisme. L’ambiguïté initiale se transforme alors en problème cornélien attisé par une opinion publique hexagonale de moins en moins encline à accepter une opération militaire coûtant près d’un milliard d’euros par an indépendamment des pertes humaines de l’ordre de 50 soldats tués à ce jour. (vingtminutes.fr : https://www.20minutes.fr/monde) Car la multiplication des pertes humaines dans un contexte de lutte contre le djihadisme au sein d’un espace sahélien éloigné de la France, interroge aussi une opinion publique prompte à questionner la pertinence d’une telle opération. Lancée sur le postulat d’une lutte contre les mouvances islamistes sur leur propre territoire, l’opération Barkhane s’est alors vite transformée en une guerre décentralisée menée par la France sur un continent sensible, exposant l’Hexagone a un conflit long et complexe, sans véritable porte de sortie si ce n’est confier au G5 la gestion des opérations sans garantie, aujourd’hui ou demain, que la menace terroriste s’éteigne.

Sphères culturelles et pandémie

Politiquement risquée, au regard des enjeux humains ou financiers qu’elle révèle, l’opération Barkhane a tout du cadeau empoisonné. Car derrière la volonté d’éradiquer le terrorisme islamiste dans ses bases initiales, un autre élément est venu ternir la pertinence de cette opération. Les récents attentats perpétrés sur le sol français non par des individus fanatisés issus du Sahel mais par des hommes occidentalisés ou proches des sphères culturelles occidentales ont remis en question la nécessité de mener un conflit loin de ses bases. En outre, dans un contexte de pandémie liée au covid-19, d’autres priorités semblent se dégager au sein de l’opinion et de l’exécutif. Est-ce à dire que la force Barkhane va cesser ses opérations pour un retour imminent ou programmé ? Les thèses avancées ne plaident pas en faveur de cette solution. Mais une possible redéfinition de la mission, un recentrage de son action géographique et une plus grande latitude accordée au G5 Sahel pourraient vraisemblablement être envisagés afin de limiter les effets d’une opération à la popularité décroissante et à l’efficacité sinon contestée du moins entourée d’un halo de doutes jusqu’à présent tus. Mais pour combien de temps ?

Les casseroles de Birmanie

La lutte pacifique du peuple birman pour le retour de la démocratie invite à s’interroger sur la confrontation de deux cultures, occidentales et asiatiques, face à l’oppression et la violence.

Entre lutte pour la démocratie et combat contre l’épidémie de coronavirus, le peuple birman a choisi la première option. Alors que la planète entière se débat dans une course effrénée pour obtenir dans les meilleurs délais les vaccins salvateurs, la Birmanie, fait face à la junte militaire qui s’est emparée du pouvoir via un coup d’État fomenté depuis plusieurs mois. Poussant le chef de l’État de cette nation du sud-est asiatique de 53,7 millions d’habitants, Aung San Suu Kyi en résidence surveillée, les nouveaux maîtres de la Birmanie entendent ainsi rétablir l’ordre et la discipline dans un pays qui, selon eux, en manquait. L’avenir dira si ce coup d’État, pour l’heure des plus contestés tant au sein du pays qu’à l’échelle internationale, se concrétisera définitivement par la mise en place d’un régime militaire.

Force et violence

Mais au-delà des réactions internationales suscitées par l’évènement, c’est surtout l’enthousiasme et la ferveur du peuple birman qui a surpris et surprend encore. En organisant une résistance civile pacifique, où la violence est bannie à des fins de crédibilité du mouvement, les Birmans donnent une leçon au monde entier en démontrant qu’à la force ne peut répondre la force. (lesechos.fr : https://www.lesechos.fr/monde/) Par les manifestations organisées dans les rues de Rangoon, capitale économique du pays, et partout sur l’ensemble du territoire, les Birmans défendent un idéal démocratique devant la junte est impuissante car dans l’incapacité de s’appuyer sur une quelconque forme de violence. Masques sur le visage afin de respecter les consignes sanitaires et éviter la propagation du virus, les Birmans, solidaires et déterminés, réinventent le principe de la contestation en opposant à la brutalité un pacifisme que nombre de pays ont oublié. Convaincu de la justesse de sa cause, le peuple birman, nourri par des principes démocratiques auxquels il est viscéralement attaché, défile en frappant des casseroles, épousant ainsi la mystique populaire qui prétend que battre le métal de ces ustensiles éloignent les esprits. D’aucuns souriraient de cette pratique, la jugeant puérile et infantile et totalement déconnectée de ce qu’appelle une telle situation.

Cultures occidentales et rohingyas

Pourtant, elle met en évidence toute la culture pacifique asiatique, celle où prévalent sagesse et réflexion, a contrario des cultures occidentales promptes à l’affrontement souvent brutal et facteur d’inertie. Si rien ne permet d’avancer que la tactique des manifestants finira par aboutir à un retour de la démocratie et à la libération de Aung San Suu Kyi, le combat mené par ces derniers ne peut qu’inspirer un respect qui dépasse celui dû à tous les peuples défendant la démocratie et les libertés fondamentales. Dans une nation pourtant longtemps martyrisée par la dictature, récemment sous les feux de l’actualité en raison des violences commises par l’armée birmane à l’endroit des rohingyas (voir ci-dessous) dans l’Est du pays depuis 2016, la Birmanie semblait évoluer sur le fil du rasoir. Exposant sa démocratie aux agissements nationalistes et xénophobes de l’armée, mis au banc des accusés des nations après avoir enfreint les droits de l’Homme au regard de la question rohingya, la Birmanie a cédé à ses vieux démons. Mais les casseroles sont là ! Qu’elles continuent à raisonner.

Les Rohingyas, un groupe apatride

Les Rohingya ou Rohingyas constituent un groupe ethnique indo-aryen apatride de langue indo-européenne, majoritairement musulman, mais comprenant une minorité de chrétiens et d’hindous. Les Rohingya vivent principalement dans le nord de l’Etat d’Arakan, dans l’ouest de la Birmanie.

Ça pique ou ça casse

La stratégie de vaccination de masse engagée par l’Union européenne expose Bruxelles à des conséquences tout aussi glorieuses que catastrophiques. Dans un contexte de fébrilité et de fragilité économique extrêmes, la Commission européenne sait que tout échec pourrait remettre en cause le principe d’une gouvernance commune.

Critiquée et vilipendée pour son manque de réactivité dans la mise en place d’une stratégie vaccinale, l’Union Européenne subit depuis le début de la campagne de de vaccination un feu de critiques que la présidente de la Commission européenne, Ursula van der Leyen a tenté d’éteindre (lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/international). L’avenir dira si sa prise de position stoppera les attaques mais il est apparaît aussi que seuls les résultats de la dite campagne serviront de preuves à sa réussite, ou à son échec. Pour autant, loin des commentaires d’essence politique, ou voulus comme tels, il est tout aussi clair que l’Union européenne a tout à la fois beaucoup à perdre et beaucoup à gagner dans cette campagne de vaccination de masse. Beaucoup à perdre car si la propagation du virus n’est pas enrayée avant la fin de l’année civile, voire la période estivale, l’Union sera encore une l’objet de nombreuses critiques mettant en évidence son inertie, son incapacité à résoudre une problématique continentale tout en se voyant accusée d’une part d’avoir échouée dans sa politique d’autre part de rester un foyer viral actif.

Poumon et pertinence

C’est d’ailleurs cette seconde alternative qui pourrait gravement entacher sa réputation. Comptant parmi les trois pôles économiques majeurs mondiaux, avec l’Amérique du Nord et l’Asie, l’Union européenne est aussi, n’en déplaise à ses détracteurs, un poumon financier, industriel, économique et démographique mondial contrarié depuis bientôt un an par le coronavirus. Dire que la crédibilité continentale et internationale de l’Union est engagée est un doux euphémisme au regard du spectre de récession que fait peser un rebond du virus, même à l’échelle régionale. Parallèlement, tout échec de la campagne de vaccination interrogerait sur la pertinence d’une structure commune et de sa gouvernance quand commence à monter dans les rangs des pays européens fatigue, lassitude et colère des peuples devant les mesures toujours plus contraignantes sensées endiguer le fléau. Beaucoup à gagner aussi car dans l’hypothèse où la stratégie vaccinale serait sanctionnée de succès, l’Union européenne pourrait alors présenter ce dernier comme le résultat d’une politique commune sensée et réfléchie, portée par le sens de l’intérêt général.

Approximations et inquiétudes

Mais outre cela, elle serait légitime en affirmant que les choix industrialo-pharmaceutiques ont été les plus efficaces dans une situation pandémique où chaque jour apporte son lot d’approximations. Parallèlement, l’Union européenne, qui sort d’une âpre négociation avec le Royaume-Uni dans le cadre du Brexit, certes marquée par un compromis globalement favorable pour Bruxelles, pourrait aisément utiliser ce potentiel succès pour redorer son blason et reconquérir le coeur d’Européens parfois dubitatifs. (touteleurope.eu : https://www.touteleurope.eu/revue-de-presse/) Certes. Mais tout ces éléments s’inscrivent aussi dans un contexte global de profonde inquiétude de la part d’une Commission européenne et de pays membres tétanisés à l’idée de subir pendant encore de longs mois la menace d’un virus capable de déstabiliser, et pour longtemps, l’économie mondiale. (consilium.europe.eu : https://www.consilium.europa.eu/fr/) Et avancer que la campagne de vaccination de masse s’effectue dans la plus grande fébrilité n’est en rien une forme de spéculation, d’aucuns sur le vieux continent ayant compris qu’il s’agissait de la dernière chance avant un chaos qui ne veut pas dire son nom.