Tenter le diable

L’élection de Javier Milei à la présidence argentine confirme la montée en puissance du populisme comme alternative politique. Dans un pays déclassé, les Argentins ont fait le choix de l’expérience populiste alors que nombre de tentatives se sont soldées, en Amérique ou en Europe par des échecs cuisants.

Ainsi, les Argentins ont-ils élu à hauteur de 55,7 % des voix Javier Milei, candidat anti-système, se définissant lui-même comme un anarcho-libéral, désireux de pourfendre l’héritage justicialiste du peronisme. Plus clairement, l’homme, ouvertement populiste, entend effectuer des coupe-sombres dans la dépense sociale argentine, remplacer le peso argentin par le dollar et redonner à l’Argentine l’espoir qui l’avait abandonnée rongée par une inflation de 140 %. Au lendemain d’une victoire saluée par Jair Bolsonaro, ancien président brésilien et Donald Trump, ancien président des Etats-Unis, les questions ne cessent portant d’émerger. Entre volonté démocratique des Argentins de porter au pouvoir un homme qualifié de neuf et la nécessité d’extraire l’un des plus grands pays d’Amérique du Sud du marasme qui l’étreint depuis plusieurs années, pourquoi s’engager sur une voie déjà empruntée par d’autres nations au cours des dernières années, et dont les résultats ne sont plus à démontrer ?

Liste de déçus

En 2016, le Royaume-Uni portait à sa tête le bouillonnant Boris Johnson pour sortir de l’Union Européenne, pour aujourd’hui regretter un choix qui pousse Rishi Sunak, Premier Ministre britannique à réfléchir à de nouvelles formes d’alliances avec l’Europe politique. Aux Etats-Unis, l’aventure trumpienne s’est achevée par une impressionnante et pathétique prise d’assaut du Capitole le 6 janvier 2021 par les partisans de l’ancien président refusant la victoire de Joe Biden. La liste des déçus du populisme est longue et pourrait encore s’allonger tout comme elle trouverait des partisans arguant de la pertinence de tels discours et de tels régimes que ce soit en Turquie, en Hongrie ou en Russie. Pour autant, la victoire de Javier Milei traduit, à l’échelle argentine et sud-américaine, le malaise et le mécontentement social d’un pays éloigné des grands flux de la mondialisation et de ses fruits. Mais a contrario, nombreux sont aussi les pays baignés par les produits de la globalisation qui ont poutant cédé aux sirènes du populisme. La réponse est donc à chercher ailleurs, et peut-être tout simplement dans l’échec des politiques menées précédemment au sein de pays forts de disparités sociales lourdes et souvent visibles. Car il s’agit bien là d’un point commun à ces nations ayant basculé dans le populisme : les disparités sociales. Des pans entiers de populations se sentent ainsi, à tort ou à raison, marginalisées ou écartées des flux socio-économiques amenant à une reconnaissance sociale et une certaine aisance économique.

Idée et circuit mondialisé

Souvent acculturées, ces mêmes franges de population cèdent à des discours peu étayés qui prétendent résoudre simplement des équations sociales et économiques pourtant des plus complexes. Avancer, comme le prétend Javier Milei, remplacer le peso argentin par le dollar, laisse à penser que l’Argentine se dotera par là même de la puissance de la première monnaie mondiale et des avantages qu’elle véhicule. L’idée est séduisante mais renvoie à des mécanismes financiers complexes qui s’appuie sur la solvabilité d’une nation et non pas sur un argument de campagne tapageur. La montée en puissance des populismes, finalement mondiale, n’est plus réservée à un lot de nations aux réalités sociales violentes issues des affres d’un libéralisme débridé, habitées de populations incapables, pour de multiples raisons, de s’insérer dans le circuit de la mondialisation. Cette dernière serait d’ailleurs à interroger quant à sa capacité à générer une forme de bonheur universel tant vanté par ses partisans. Il appartiendra aux historiens et sociologues de présenter dans plusieurs années quels ont été les résultats apportés par la mondialisation. Mais pour l’heure, c’est au tour de l’Argentine de faire l’expérience populiste. Avec les résultats que l’on connaît dans les autres pays ayant tenté la même aventure…

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