Instinct de guerre

L’augmentation des dépenses militaires mondiale ne serait-elle pas l’expression d’une peur sous-jacente portée par les bouleversements de la mondialisation ? A moins que l’humanité n’en reviennent à des réflexes de défense instinctifs qui renvoient aux heures sombres de l’Histoire.

Faut-il réellement s’en inquiéter ou simplement l’accepter comme un aléa géopolitique : le montant global des dépenses militaires a bondi de 2,6% en 2018 par rapport à 2017 pour s’établir à 1.822 milliards de dollars. Au premier rang des pays à avoir relancé l’économie de la défense, les Etats-Unis, la Chine, l’Inde, l’Arabie Saoudite et la France. (Lire lesechos.fr : http:// https://www.lesechos.fr/industrie-services/air-defense/les-depenses-militaires-mondiales-ont-bondi-en-2018-1014700) Reste à savoir désormais quelles sont les raisons fondamentales qui poussent certaines nations en particulier à s’armer de la sorte. Certes, le monde n’a jamais manqué de conflits qui puissent justifier l’achat de tels équipements à quoi s’ajoute la dimension économique de l’industrie de la défense qui demeure un domaine extrêmement lucratif. D’autres, et à raison, argueront du fait que les tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis, l’Inde et le Pakistan ou la volonté de l’Arabie Saoudite de figurer comme l’Etat fort du Moyen-Orient sont autant d’explications à cette tendance qui pourrait perdurer dans les années à venir.

Dogme et peur

Pour autant, d’autres motifs seraient à même de traduire cette augmentation des dépenses, augmentation liée au sentiment diffus qu’une forme d’incertitude planétaire s’est emparée des populations mondiales. La montée des populismes, l’imprévisibilité du Président Trump associée au flegme chinois tout aussi inquiétant, l’impasse dans laquelle l’Union européenne semble se diriger suite à un Brexit qui n’en finit pas et des pays membres réticents au dogme européen apparaissent aujourd’hui comme des prétextes sinon valables du moins présentés comme tels par les pays concernés pour ainsi s’armer. Pour le résumer de manière simple, il semble bien que le monde ait basculé dans la peur, sous-jacente et indicible, peu ou prou identique à celle qui prévalait durant la Guerre Froide lorsque blocs de l’Est et de l’Ouest se jaugeaient et se provoquaient à coup d’armements nucléaires tous plus destructeurs les uns que les autres. La Guerre Froide passée, et avec l’avènement d’un monde multi-polaire, synonyme de multiplications à l’envi de conflits locaux, les nations du monde, du moins celles qui possèdent les moyens économiques pour, n’hésitent plus à franchir le pas de la militarisation au nom de la défense à laquelle chaque pays peut prétendre. Mais combien la notion a-t-elle bon dos ! Une réalité s’impose : il y a dans le recours à l’armement massif l’idée que ces mêmes armes feront office de rempart dissuasif ou actif à une quelconque violation potentielle de la souveraineté ou de la puissance des pays engagés dans le processus d’armement. (Lire lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/04/29/le-monde-se-remilitarise-a-un-rythme-inconnu-depuis-la-fin-de-la-guerre-froide_5456232_3234.html )

Mondialisation et identités

Car cette course à l’armement n’est finalement que le symptôme ultime d’une humanité en proie au doute et au questionnement qui ne peuvent l’un et l’autre cependant excuser ce surarmement. Est-ce à dire alors que des menaces, visibles ou non, traversent le monde ? Que certains dirigeants seraient prêts à franchir le pas de la violence armée pour faire valoir leur point de vue et plus largement défendre leur modèle de société ? Là encore, il appartient à chacun d’apporter sa réponse à l’aune de ses convictions. Mais, en parallèle, pourquoi ne pas voir dans cette tendance un des volets les plus sombres de ce que l’on nomme la mondialisation ? Cette lame de fond qui traverse sociétés et économies, cultures et populations depuis bientôt plus de trente ans a profondément bouleversé un monde longtemps statique et arrêté et qui s’effraie aujourd’hui des changements survenus qu’il a lui même nourri et voulu. Cette crainte en l’avenir, qui passe par le réflexe instinctif et primal propre à l’Homme de s’armer en cas de peur subite ou supposée, pousse un peu plus encore l’humanité vers l’inéluctable. Le pire est-il à craindre ? La question reste entière car si les identitarismes nationaux continuent à s’affirmer comme à l’heure actuelle et qu’aucun discours pondéré et raisonné ne vient réguler ou apaiser les tensions nées de la confrontation de ces identités exacerbées alors il est à redouter une conflagration lourde dans les décennies à venir.

Notre-Dame tentée par le privé ?

L’incendie de Notre-Dame de Paris pose en filigrane la question du financement des travaux d’entretien des édifices religieux placés sous le contrôle d’un Etat endetté et tenté par l’appel au privé pour sauver un patrimoine au temps compté.

Passées les polémiques sur les dons consacrés au financement des travaux de rénovation de Notre Dame de Paris, polémiques typiquement françaises et qui n’ont pas fini de ponctuer les commentaires à venir sur la rénovation future, se pose aussi et avant tout une question essentielle : Qu’en est-il de l’état du patrimoine culturel national et par là même comment dans les années à venir l’Etat pourra-t-il contribuer à son entretien ? D’emblée, évacuons certains préjugés, à savoir qu’une grande partie du patrimoine est d’essence privée et que en sont responsables leurs propriétaires. Mais pour ce qui est du patrimoine dit public (sauf exception), notamment les édifices religieux (église, cathédrale, temple, mosquée et synagogue), la problématique est tout autre. Un rappel juridique et historique s’impose. En France, depuis la promulgation de loi sur la Séparation des Eglises et de l’Etat en 1905, les bâtiments religieux sont sous la responsabilité de l’Etat qui assure l’entretien et les risques inhérents (l’incendie de Notre Dame en est l’exemple type). En ce cas là, l’Etat est son propre assureur.

Epreuve du temps et finances publiques

Or, cet héritage est devenu aujourd’hui d’autant plus lourd que, les années passant, le patrimoine en question est soumis à l’épreuve du temps et les finances publiques, censées assurer les fonds nécessaires à leur entretien, sont soumises elles à l’épreuve du déficit… D’aucuns argueraient de la nécessité économique de privatiser tout ou partie de ce patrimoine dans des mesures propres à chaque bâtiment, mesures qu’il conviendrait de fixer. « Horreur ! » s’écrieraient les défenseurs acharnés d’un patrimoine placé sous la férule de la collectivité. L’argument de la dépossession au profit du privé est audible, compréhensible et légitime et il appartient à chacun de savoir s’il est bienvenu ou non. A titre d’exemple, rappelons que la Tour Eiffel, édifice non religieux mais privé a affiché un montant de recettes de cent millions d’euros en 2018 quand Notre Dame de Paris a présenté un bilan s’élevant à dix millions, les fidèles se refusant à privatiser l’entrée de la cathédrale du XIIème siècle. Cette décision tout à l’honneur de ceux qui l’ont prise n’empêche que la question du recours au secteur privé va nécessairement se poser avec de plus en plus d’acuité dans les années à venir pour financer les travaux de rénovation. (Lire l’article sur francetvinfo.fr : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/04/19/en-trois-jours-notre-dame-a-recu-plus-de-dons-que-les-dix-plus-grandes-uvres-caritatives-en-un-an_5452697_4355770.html ) Car si les souscriptions lancées ses derniers jours pour la rénovation de la cathédrale sont d’initiatives publiques, les fonds collectés sont d’essence privés.

Dette et doxa

Plusieurs raisons poussent à la réflexion. A commencer par le coût généré par l’entretien et la rénovation des édifices. Si le Ministère de la Culture est généreux, le Ministère de l’Economie ne l’est pas obligatoirement au regard des contraintes budgétaires actuelles et à venir. Et si le coût reste à ce jour négligeable au regard du budget de l’Etat (près de 2.500 milliards d’euros par dont près de 98% absorbés par le remboursement de la dette publique), ce coût pourrait connaître une forte inflation au regard de l’usure du patrimoine accéléré par le réchauffement climatique. Autre raison, qui fait fi de la doxa collective qui veut que le patrimoine reste dans le giron étatique (confirmant par là même le lien existant entre les Français et les vestiges physiques de leur Histoire), la relative facilité avec laquelle il est possible de mobiliser des fonds privés. (Lire l’article sur lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/04/19/en-trois-jours-notre-dame-a-recu-plus-de-dons-que-les-dix-plus-grandes-uvres-caritatives-en-un-an_5452697_4355770.html ) Relative car tous les bâtiments religieux ne valent pas Notre Dame et qu’il sera plus difficile de mobiliser des millions d’euros pour une chapelle inconnue du grand public que pour Notre Dame….Véritable révolution culturelle qui s’annonce et que soulève la rénovation de Notre-Dame dont la grandeur a traversé les âges mais dont les vicissitudes renvoie un pays à des réalités économiques que l’incendie a fait émerger. Et si pour l’heure, s’écharpent partisans et détracteurs de financements privés ou publics, viendra immanquablement le temps de la décision pour Notre-Dame et pour d’autres édifices : Privé ou public ?

N’est pas sauveur qui veut

A la tête de la coalition militaire qui a libéré la Lybie en 2011, la France peine aujourd’hui à résoudre le conflit qui y sévit. Ne pouvant que constater ses maladresses, Paris démontre aussi les limites de son influence diplomatique et confirme son statut de puissance mondiale moyenne.

Lorsque Nicolas Sarkozy, alors président de la République, et David Cameron, Premier ministre anglais, décidaient et engageaient en 2011 une intervention militaire commune en Libye pour libérer le pays de l’emprise du Colonel Kadhafi (pourtant reçu avec tous les honneurs républicains à Paris en 2007), rares étaient ceux qui imaginaient l’état de déliquescence dans lequel le pays basculerait une fois l’intervention achevée et le Colonel Kadhafi disparu. Par cette intervention à peu de frais, l’armée libyenne étant alors aussi mal équipée que préparée, la France et son président en perte de vitesse dans l’opinion à un an du scrutin électoral de 2012, voyait là l’opportunité de se poser en figures incontournables de la diplomatie méditerranéenne.

Paix et crédibilité
Pourtant, force est de constater que huit ans plus tard, après moult sommets devant sceller la paix entre les deux principales factions libyennes (ndlr : L’Armée Nationale libyenne du Maréchal Haftar et l’Armée du Gouvernement d’union nationale actuellement à la tête du pays), dont l’une a opéré le 11 avril une foudroyante avancée sur Tripoli, à savoir celle du Maréchal Haftar, que rien ne semble orienter le pays vers la paix, au grand dam des populations civiles, prises dans l’étau de la guerre. (Lire l’article sur rfi.fr : http://www.rfi.fr/afrique/20190411-libye-civils-pris-etau-combats-tripoli ) Et que dire de l’image diplomatique de la France, qui a perdu via cette crise, un peu plus de crédibilité à l’échelle internationale en dépit des efforts de médiation que celle-ci a déployé et qu’elle continue à déployer. Proche du Général Haftar qu’elle soutient sans le dire et dont l’offensive sur Tripoli compromet le processus de paix, Paris voit sa position controversée, incapable de présenter officiellement une ligne claire au regard du conflit entre les deux factions, ravivant aussi les tensions sur le dossier avec son partenaire italien. (Lire l’article sur lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/04/12/la-france-critiquee-pour-son-role-ambigu-dans-le-dossier-libyen_5449212_3212.html) Car il convient de ne pas s’y tromper, c’est bien la France qui est l’un des premiers responsable du chaos qui prévaut aujourd’hui en Lybie.

Chute et désarroi

Certes l’emprise qu’opérait le Colonel Kadhafi sur le pays a motivé sa chute et il était devenu nécessaire que cet homme, aussi cruel que cynique, disparaisse de la scène politique libyenne mais devant le désarroi des populations, la faiblesse structurelle du pays et la guerre civile qui ravage la Cyrénaïque, il apparaît combien l’opération militaire a été menée avec une forme de désinvolture dénuée de toute anticipation susceptible imaginer l’ère post-Kadhafi. La France, toujours prompte à dispenser des leçons d’humanité et d’humanisme aux autres nations a ainsi péché par orgueil avec l’idée que l’intervention menée lui permettrait de redorer son blason de puissance mondiale tout en imaginant, comme le pensa au début des années deux mille Georges W. Bush, l’ancien président des Etats-Unis, que l’on pouvait sans mal exporter la démocratie. Au final, et dans l’indifférence presque totale, la Lybie continue à se déchirer, et continuera jusqu’à ce que l’une des deux factions écrase sa rivale, Paris ayant quant à elle misé sur le Général Haftar. Or cette dernière a prouvé via cet imbroglio diplomatique dans laquelle elle apparaît en première ligne, qu’elle restait une puissance moyenne, aux capacités diplomatiques limitées et incapables de gérer les conséquences de ces actions y compris dans son périmètre direct d’intervention diplomatique.

Elections ou référendum ?

Si la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne semble hautement probable, la demande d’un report long pourrait transformer les élections européennes en Grande Bretagne en référendum déguisé et propice au pro-européens.

A quel jeu Theresa May, premier ministre britannique, joue-t-elle ? Alors que la date butoir du 12 avril approche à grands pas, celle à laquelle Union Européenne et Royaume-uni doivent se séparer, en bon ou mauvais termes, voilà que la locataire du 10, Downing Street se trouve dans la possibilité, afin d’éviter tout chaos politique, de demander un report long du Brexit. Celui-ci pourrait alors trouver son terme en 2020 avec l’accord de l’Union Européenne et l’obligation pour le Royaume-Uni d’organiser un nouveau référendum sur le maintien des Britanniques dans l’Union et de nouvelles élections générales. (Lire l’article sur lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/international/article/2019/04/03/les-cinq-scenarios-du-brexit_5445171_3210.html) L’idée n’est pas sans conséquences et Theresa May sait que cette alternative pourrait éviter bien des maux à l’Albion au premier rang desquels une sortie calamiteuse de l’Union, synonyme d’avatars divers et variés (droits de douanes, contrôles aux frontières, coopération,…).

Participation et référendum

Mais dans l’immédiat, une telle décision verrait surtout les Britanniques participer aux prochaines élections européennes à venir en mai prochain ce qui pour un pays officiellement sur le point de quitter l’Union relèverait du paradoxe et non des moindres. Ce qui se traduirait par l’envoi de députés britanniques au parlement, par la nomination de commissaires britanniques au sein de la Commission,…. ! Pour autant cette participation pourrait ô combien servir les partisans pro-européens et, par le jeu de circonstances heureuses, le Premier ministre britannique car en cas de forte participation, le taux de participation en question se transformerait en référendum pro-européen déguisé qui révélerait l’attachement d’une catégorie de Britanniques à l’Union dont certains manifestent bruyamment leur amour au drapeau européen depuis plusieurs semaines désormais. En cas de faible participation, et les scrutins européens ne sont pas à même de mobiliser les corps électoraux, Theresa May aborderait les mois à venir, si celle-ci devait rester aux affaires, dans une position des plus délicates et des plus inconfortables, car le Brexit deviendrait alors inévitable quand il apparaît aujourd’hui encore comme un horizon fort probable mais non absolument certain. Situation des plus complexes qui à elle seule témoigne de toutes les ambiguïtés sur lesquelles se sont construites les relations entre l’Union Européenne et le Royaume-Uni, une sorte de « je t’aime moi non plus » tout à la fois pervers et malsain qu’il s’avère peut-être désormais urgent de solder et ce à plusieurs titres.

Contraintes et acceptations

Ainsi, en cas de maintien dans l’Union Européenne, le Royaume-Uni se trouverait dans l’obligation d’accepter nombre de règles européennes (Euro compris) perçues jusqu’alors comme des contraintes ayant motivé la volonté d’une partie de la population de sortir du giron de Bruxelles et du Parlement. Et que dire des autres pays composant l’Union ? Sont-ils ou seront-ils d’accord pour accepter un nouveau report, a fortiori jusqu’en 2020 ? (Lire lesechos.fr : https://www.lesechos.fr/monde/europe/brexit-les-europeens-maintiennent-la-pression-1006393) Il apparaît aussi évident qu’un ensemble tel que l’Union européenne ne peut au regard de la situation internationale, animée de concurrences féroces, continuer à avancer avec la question du Brexit en suspend, quand bien même un nouveau référendum viendrait-il consacrer ou confirmer la sortie du Royaume-Uni du l’Union Européenne. Et à ce jour une chose semble sûre : le Royaume-Uni sortira de l’Union européenne….ou pas… !