
Si électeurs et citoyens placent aujourd’hui l’exemplarité comme principe fondateur de la vie politique, il convient de ne pas oublier que cette même exemplarité, souvent à géométrie variable, concerne autant les élus que les simples quidams. Explications.
S’il est un piège dont le personnel politique français ne se méfie pas, c’est bien celui de l’exemplarité. Piège sans pitié et qui ne pardonne pas, l’exemplarité cloue au pilori celui ou celle qui, malheur à lui, a dévié du chemin de la candeur et de la probité. Le nouveau Président de la République, qui a eu tôt fait de se débarrasser de ministres englués dans de basses affaires ou sur le point d’avoir à répondre devant la justice de leurs actes passés, avait en préambule précisé les contours de son action : moraliser la vie politique française. L’Histoire dira si le locataire de l’Elysée ira jusqu’au bout de son action mais pour l’instant, force est de constater qu’il tient l’engagement pris. (lire l’article sur lemonde.fr : Coup de semonce pour Emmanuel Macron) Et les premières victimes, exfiltrées ou démissionnaires, ont dû accepter les règles de l’exécutif tout en ayant feint, visiblement, de les occulter lors de la campagne présidentielle peut-être par manque d’attention volontaire, soucieux qu’ils étaient de flatter un ego en mal de reconnaissance en héritant d’un poste ministériel. Ce que semble, à l’évidence avoir omis Richard Ferrand, Sylvie Goulard, Marielle de Sarnez et a fortiori François Bayrou, c’est qu’il est difficile de promouvoir l’exemplarité au profit de l’intérêt général tout en usant de manœuvres pour certaines illégales ou à même de satisfaire un intérêt particulier d’essence financière. Les attentes et les exigences de la collectivité et de la société ne l’autorisent plus.
Tribunal politique
Pourquoi est-ce donc si difficile ? La réponse réside dans deux mots de la langue française, traduisible dans toutes les autres : crédibilité et confiance. Comment en effet être crédible auprès de l’électorat qui vous a porté au pouvoir si votre passé et votre présent présente des zones d’ombres qui attenteraient à l’intérêt général ? L’exercice du pouvoir, quel qu’il soit, exige aujourd’hui une vie personnelle aussi claire que cristalline, notamment à l’heure où les réseaux sociaux, animés d’une soif de transparence redoutable, revêtissent les habits de tribunal populaire, et se révèlent parfois pire que l’institution judiciaire elle-même. Quant au deuxième mot, confiance, il résonne comme une sentence implacable. Car là encore, comment s’en prévaloir si plane l’ombre d’une possible faute, d’un écart où qui plus est, les deniers publics auraient été engagés. Pourtant, étonnamment, un bémol s’impose. De Ferrand à Bayrou, tous crient leur innocence ou invoquent l’acharnement, souvent médiatique, pour endosser le rôle, facile, de victime expiatoire. Banal, classique et éculé faute d’autres arguments immédiats pour que cesse la curée. Et nombreux de vouloir au plus vite être entendu par la justice afin de prouver leur bonne foi. Classique là encore. Pourtant une question se pose. Tous n’entretiendraient-ils pas un rapport différent à la notion d’exemplarité ? Concrètement, où en placent-ils le curseur ? Une explication sous forme d’exemple s’impose. Faire intervenir un proche travaillant au sein des services de police pour faire sauter un procès-verbal est aussi le moyen de s’affranchir des conséquences de la faute commise, en l’état un excès de vitesse, un mauvais stationnement ou autre.
Une faute reste une faute
Qui d’entre nous ne l’a pas fait ou essayé de le faire… ? Nous considérons-nous, une fois la procès verbal effacé (même si la tentative a avorté), comme coupable ? Certes non. « Incomparable ! » crieraient certains. Admettons. Mais un acte qui consiste à contourner la loi reste une faute, pénalise la collectivité et atteint de fait notre prétendue exemplarité et ce même si nous n’exerçons aucun mandat public. Naturellement, les conséquences restent limitées et n’engagent pas le sort de la nation. Pour autant, est-ce moins grave pour autant ? Notre personnel politique, qui est aussi le reflet de la société que nous défendons et que nous promouvons, s’adonne parfois à des pratiques discutables et contestables au regard de leurs responsabilités publiques. Mais le simple quidam est-il tout aussi exemplaire que son indignation, légitime, veut le laisser croire ? Et la France, pays aussi réputé pour son art consommé des arrangements et des magouilles aussi diverses que variées n’a pas spécialement de leçons à donner… Finalement, l’exemplarité ne résiderait-elle pas plus dans le rapport que nous entretenons avec la faute commise (et celui qui la commet) que dans l’exigence de se présenter exempt de tous reproches devant la collectivité ? La question reste entière et il appartient à la morale de chacun d’y répondre.