Emmanuel Macron a-t-il eu raison du front républicain ?

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Le discours d’Emmanuel Macron, en rupture avec l’offre politique actuelle, est-il assez convainquant pour s’affranchir de l’alliance trans-partis du front républicain ? 

Si le front républicain a toujours été invoqué pour entraver l’accès du Front national au pouvoir, il apparaît aussi que le discours d’Emmanuel Macron a su régénérer une offre politique sclérosée qui a aussi fait les beaux jours du parti d’extrême droite.

A peine les résultats du premier tour de l’élection présidentielle étaient-ils annoncés que déjà résonnait dans les différents partis défaits et opposés aux thèses du Front national l’expression de front républicain. Devant la présence d’un candidat d’extrême droite au second tour de scrutin, beaucoup, à raison d’ailleurs et quelque soit leurs convictions politiques, déclaraient vouloir voter pour Emmanuel Macron avec l’espoir de faire barrage à Marine Le Pen. Agité comme l’ultime rempart à la présence au second tour d’une candidate portant un discours identitaire et exclusif, raciste et xénophobe, ce front républicain, est certes tout à la fois un moyen d’entraver l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite mais est aussi, étonnamment, un moyen pour cette dernière de se justifier aux yeux de l’opinion. Comment ? En cherchant à s’allier contre le mouvement extrémiste, les partis classiques parviennent évidemment et heureusement à doucher les ambitions de l’extrême droite mais travaillent aussi à nourrir le discours victimaire de celle-ci, discours par lequel elle se présente comme exclue du débat républicain, ostracisée par des formations qui ne voudraient pas partager le pouvoir.

Entrave et prospérité

Ainsi, l’extrême droite peut-elle à loisir continuer de dénoncer les prétendues alliances entre partis et se rallier le soutien d’un électorat qui se juge lui-même exclu du jeu politique. A tort ou à raison, le front républicain, aussi utile soit-il, travaille aussi à la popularité de l’extrême droite en jetant les bases d’une logorrhée politique prompte à accabler le système si souvent dénoncé comme générateur et porteur des maux de la démocratie. Or, force est de constater que si le front républicain a toujours empêché, avec bonheur, le Front national d’accéder aux plus hautes fonctions de la République, il n’a pas empêché celui-ci de prospérer au point de voir Marine Le Pen installée au second tour de l’élection présidentielle. Car si la vocation du front républicain est d’appeler à un sursaut de la raison face à l’intolérance de l’extrême droite, ce sursaut ne reste que superficiel et de simple façade, les réflexes clivants ayant tôt fait de reprendre le dessus sur l’instant d’unité nationale. Reste à savoir cependant, si en l’absence d’appel au front républicain, les électeurs français se tourneraient naturellement vers le candidat opposé à celui d’extrême droite ? La question mérite d’être posée. Pour l’heure, il semble acquis qu’Emmanuel Macron sera le prochain Président de la République, après avoir porté un discours sur lequel l’extrême droite n’a finalement eu aucune prise tant l’ancien ministre de l’Economie tranchait avec les us et coutumes qui prévalaient jusqu’alors et dont le Front national s’est aussi pétri au fil de son histoire. Le front républicain était-il et est-il encore nécessaire tant Emmanuel Macron a su, ou essayé en tous cas, régénérer une offre politique sclérosée qui a fait les beaux jours du Front national. En résumé, Emmanuel Macron a-t-il réellement besoin d’un front républicain pour battre Marine Le Pen lors du second tour de l’élection présidentielle ? Il sera impossible de répondre à cette question tant le score au soir du second tour sera, vraisemblablement, écrasant et en faveur d’Emmanuel Macron. La probable victoire de l’ancien ministre de l’Economie pourrait plus être le fruit d’une campagne bien menée et d’un discours au contenu pertinent (à défaut d’être jugé comme possiblement efficace) que d’une alliance trans-partis de circonstances. Mais cela, il sera encore une fois impossible de le déterminer.

L’équation chinoise de Donald Trump

Equation chinoise
Faire intervenir la Chine dans le jeu diplomatique pour jouer le rôle de médiateur sans donner l’impression de reculer devant la Corée du Nord, telle est l’équation de Donald Trump

Le bellicisme de Donald Trump et de Kim Jung-Un n’en finit pas de mettre à vif les nerfs de la planète mais cherche surtout à confirmer, pour le premier, le soutien de Pékin à Washington. Pourtant, la Chine pourrait utiliser cette crise passagère pour renforcer son rôle diplomatique et son influence sur les Etats-Unis.

La crise coréenne va-t-elle déboucher sur un conflit ? Objectivement, il est peu probable que l’une ou l’autre des puissances nucléaires franchissent le pas, tant les conséquences qui en découleraient s’avéreraient monstrueuses et catastrophiques. Donc, comme ni les Etats-Unis, ni la Corée du Nord ne souhaitent endosser l’un ou l’autre la responsabilité d’un conflit conventionnel ou nucléaire, il est fort à parier que l’escalade cessera rapidement, certes après avoir atteint des sommets périlleux, mais cessera après que les partenaires historiques et politiques des deux pays auront été sollicités afin de ramener les deux parties autour de la table des négociations. Ces partenaires, ce partenaire à vrai dire, car il n’y en a qu’un ici qui compte réellement, c’est la Chine (voir l’article sur lemonde.fr: La Corée du Nord est prête à répondre « à toute attaque nucléaire par le nucléaire » ) . Et, tant la Corée du Nord que les Etats-Unis, attendent que celle-ci s’exprime au plus tôt en proposant un programme de négociation que l’on qualifierait de sortie de crise.

Confiance et diplomatie

Or, la Chine, partenaire politique et idéologique de la Corée du Nord, avec laquelle elle a cependant pris quelques distances, (voir l’article sur lemonde.fr : La Chine fait modérément pression sur la Corée du Nord ) l’est aussi des Etats-Unis, d’un point de vue économique, l’un et l’autre ayant tissé des échanges commerciaux fructueux qu’aucun des deux géants ne veulent voir rompus sur l’autel de la crise coréenne. Pourtant, cette même crise pourrait aussi permettre à la Chine, non seulement de faire valoir ses capacités diplomatiques, aspect secondaire de la question au demeurant, mais aussi renforcer son poids à l’échelle mondiale en se posant plus encore comme un acteur international incontournable. Comment ? En profitant de l’appel du pied des Etats-Unis qui exhorte, avec modération cependant, Pékin à raisonner Pyong-Yang. Clairement, si Pékin devait rester muet dans cette crise, nul ne sait quelles en seraient les conséquences. En revêtant le costume de médiateur, la Chine obtient non seulement la confiance des Etats-Unis et de la Corée du Nord, mais renforce par là même son aura et, quelque part aussi, sa domination discrète mais réelle sur les Etats-Unis. Car il ne faut pas s’y tromper, l’intervention de Pékin dans la crise actuelle ne sera pas gratuite. Donald Trump, président va-t-en guerre, comme le fût, Georges W. Bush en d’autres temps, sait que l’intervention de Pékin lui permettrait de mettre fin à son aventure coréenne sans perdre la face en prétextant que l’action diplomatique chinoise a su désamorcer une situation extrême et tendue.

Médiation et nécessités

Voilà pour le discours officiel, mais officieusement, Donald Trump, qui a longtemps sous-estimé la Chine doit, nécessairement, aujourd’hui composer avec l’Empire du Milieu pour assurer la stabilité de la région. Déclencher un conflit nucléaire déstabiliserait naturellement la planète entière et provoquerait une onde de choc qui ébranlerait, et pour de nombreuses années, les relations internationales au point de remettre en cause les traités et les alliances actuelles. Pékin, consciente de son poids global à l’échelle internationale, a donc tout intérêt à jouer le rôle de médiateur que lui confient les Etats-Unis et la Corée du Nord même si la crise actuelle peut aussi avoir valeur de test, Donald Trump voulant s’assurer que Pékin se rangera à ses côtés et ce pour deux raisons essentielles : Nécessités économiques et diplomatiques. Cette fidélité conforterait les Etats-Unis dans un sentiment de toute puissance mais un sentiment tout relatif puisque sans la Chine, Washington verrait son influence se déliter. Finalement, cette crise coréenne qui agite une des régions les plus sensibles du monde a aussi, comme souvent en matière diplomatique, une face cachée : la volonté de confirmer des alliances mises à l’épreuve.

Un si lourd héritage

La Liberté
L’Histoire de la France, omniprésente dans nos modes de pensées, ne doit-elle pas perdre une partie de son influence pour que nous puissions affronter le sereinement le siècle nouveau ?

Si le prochain Président de la République sera confronté à la gestion technique d’un Etat complexe, il sera surtout dans l’obligation d’amorcer les bases d’une nouvelle réflexion articulée autour de l’appréhension du XXIème siècle. Au risque de bousculer un héritage historique devenu trop lourd.

C’est certain. Celui qui occupera pour les cinq prochaines années le palais de l’Elysée ne pourra se contenter de gérer les affaires courantes après avoir lancé pour la forme et l’image, ou les deux, quelques réformes présentées comme fondamentales pour ne pas dire révolutionnaires. Non. Celui qui entrera à l’Elysée aura la tâche de faire passer la France dans le XXIème siècle. Il n’est pas impossible d’ailleurs que ce passage s’accomplisse dans la douleur ou l’incompréhension d’un électorat qui dans l’ensemble appelle au changement mais sans réellement en mesurer les conséquences. Car, c’est aujourd’hui devenu une évidence, une lapalissade même, notre Etat providence, loué et admiré dans le monde entier, doit évoluer vers un autre mode de fonctionnement. Nous ne pouvons plus raisonner en 2017 comme nous le faisions en 1945. Certains crieront au scandale, voire à l’assassinat idéologique, modes pensées pour une grande partie issus des combats honorables et reconnus comme tels, de la Seconde Guerre mondiale et du Gouvernement provisoire.

Ridicule et dangeureux

Mais, là encore, pouvons nous nous satisfaire de systèmes dont le fonctionnement n’a guère évolué depuis leur création. Ceci ne signifie pas qu’il faille jeter le bébé avec l’eau du bain et passer sans transition à un autre mode dont nous n’avons pas encore tracé ne serait-ce que les contours. Mais pour employer une métaphore compréhensible par tous, disons que notre Etat providence est comme un enfant qui grandit et que l’on continue à habiller comme un nouveau né, juste pour conserver l’illusion de la fraîcheur et de la candeur infantile. Ridicule pour un enfant, dangereux pour un Etat comme le nôtre confronté à de lourdes mutations à venir et qui tiennent pour une large part à son incapacité à affronter la réalité en face. Et cette réalité, qu’elle est telle finalement ? Chacun a naturellement la sienne mais il est des lignes de force que chacun admettra quelle que soit son appartenance politique. Parmi celles qui sautent aux yeux, l’incapacité chronique à résoudre le chômage de masse, facteur de désespoir, d’ennui, d’isolement et de marginalisation sociale avec les conséquences que l’on peut connaître parfois. Inutile de se tourner vers le passé et les méthodes musclées et économiquement mortifères des tenants du libéralisme le plus dur, inutile non plus de s’arrêter sur celles des mouvements extrémistes pour qui l’étranger est une menace constante et inutile non plus de croire que l’Etat, déjà sollicité de toutes parts, et alourdit d’une dette qui frôle les 100% du PIB, pourra résoudre le mal français. Des solutions existent certes, jamais réellement appliquées car trop dérangeantes, non pas moralement mais matériellement. Parce que trop engoncés dans de confortables habitudes entretenues depuis des décennies, nous avons refusé jusqu’à aujourd’hui de briser ce carcan de prébendes et de privilèges, certes agréables pour ceux qui en jouissent mais pénibles pour ceux qui en souffrent. La liste est longue et les citer prendrait de nombreuses lignes.

Ruptures et utopie

Mais plus que de ruptures techniques ou administratives, nous devons apprendre à penser autrement, à générer de nouvelles formes de pensées, de nouvelles idéologies civilisatrices capables de renverser ou modifier en profondeur nos systèmes de réflexions considérés comme acquis et intangibles. Notre monde, notre pays, notre économie ressembleront à ceux que nous voulons en faire et non pas à ce que les décennies passées nous dictent de faire via une influence diffuse faite d’Histoire et d’héritages ancestraux souvent discutés mais au final révérés. Penser le XXIème siècle n’est pas une utopie sans lendemain ! C’est devenue une nécessité impérative, voire vitale, auxquels d’autres sont confrontés et à commencer par nos voisins européens. Penser l’Europe du XXIème siècle n’est pas ré-imaginer celle que les pères fondateurs avaient à l’esprit en 1957 en se gardant de toutes évolutions au prétexte que les traités fondateurs seraient trahis. A l’échelle nationale, pourquoi ne pas songer à rédiger une nouvelle Constitution défaite de la toute puissance gaullienne, pourquoi ne pas oser interroger nos institutions, voire notre République non pas en qualité de cadre législatif mais comme outil d’évolution vers demain ? Autant de questions qu’il n’est pas interdit de se poser et qui restent entières dans un monde qui n’a de cesse d’en poser à une humanité qui génère par elle-même ces mêmes questions toujours sans réponse. Alors oui, celui ou celle qui entrera à l’Elysée dans quelques jours sera dans l’obligation de gérer techniquement le pays mais aussi et surtout d’amorcer un immense courant de réflexion susceptible d’amener enfin le pays vers un vrai avenir. Sans cela prédomineront l’indécision et l’inertie, mère de biens des maux.