
Impressionnante, la victoire de François Fillon doit être pondérée au regard de la masse totale du corps électoral et par la capacité de mobilisation de la gauche face à un programme clivant et ultra-libéral.
A l’évidence, le score réalisé par François Fillon lors du second tour de la Primaire de la droite et du centre a tourné au plébiscite. On ne le dira jamais assez mais celui que les sondages et nombre d’entre nous avaient enterré au motif d’un manque de charisme ou d’enthousiasme naturel en ont été pour leur frais. François Fillon a balayé Nicolas Sarkozy et Alain Juppé comme des fétus de paille. Que dire des autres candidats ! Pourtant, au regard de ces résultats, une question se pose : Le pays a-t-il réellement envie d’une cure, voire d’une purge libérale, comme celle que promet le vainqueur de la Primaire de droite ? Car à y regarder de plus près qui a voté pour François Fillon ? D’ardents défenseurs du libéralisme économique, des franges de la population séduites pas le côté catholique bon teint de l’ancien Premier ministre et des retraités de plus de 65 ans en mal de nostalgie. L’analyse est un peu rapide certes mais elle épouse les contours de l’électorat de ceux qui ont porté aux nues l’ancien député de la Sarthe. (voir l’article sur lemonde.fr :Primaire de la droite : où chaque candidat a-t-il obtenu son meilleur résultat au second tour ? ) Impressionnant certes mais sera-ce suffisant pour l’emporter en mai 2017 ? Rien n’est moins sûr et ce pour plusieurs raisons, d’essence idéologique et politique d’abord, comptable ensuite.
Clivage et mobilisation
François Fillon a jusqu’alors défendu un programme qualifié de très droitier et conservateur s’appuyant sur des valeurs chères à la droite traditionnelle, autant de valeurs qui sont combattues par l’électorat de gauche et ce de manière très véhémente. Première opposition politique donc : Trop clivant, trop raide, trop droit, François Fillon, au contraire d’Alain Juppé, n’offre pas de saillies sociales prononcées qui pourraient, travaillées ou amendées, offrir, a minima, une forme de garantie auprès de ceux qui sont attachés à l’Etat providence, l’homme donnant plus le sentiment de vouloir le liquider que de le protéger. Certes nombreux argueront du fait qu’il devra pondérer sa position, la « socialiser » en quelque sorte, pour, une fois arrivé à la présidence (à condition d’y parvenir) devoir s’adapter à la réalité avant d’imposer son programme. Ce clivage réel sera donc à même de mobiliser un électorat de gauche et de centre gauche (peut-être même de centre-droit) qui se serait accommodé d’une présidence Juppé, au fond plus proche d’un radical-socialisme libéralisé du point de vue économique que de la droite franchement libérale revendiquée par François Fillon. Le second point est comptable. François Fillon a mobilisé 66,5% du corps électoral qui a voté (soit précisément 2.851.487 voix sur 4.287.154 votants) pour l’ancien Premier ministre. Répétons-le : le score est impressionnant car il ne représente qu’une partie de l’électorat de droite, celui qui a accepté de participer à la Primaire et quelques sympathisants de gauche au nombre faible, marginal et difficilement calculable. Mais si le résultat est impressionnant il est aussi incomplet car le corps électoral français compte 44,6 millions d’électeurs, ce qui laisse une marge considérable pour les autres candidats notamment pour les candidats de gauche, et a fortiori, au seul candidat de gauche si celui-ci devait arriver au second tour.
Tropisme
Que faut-il comprendre alors ? Simplement que François Fillon a été élu représentant d’un parti politique sur une base électorale extrêmement étroite, tout comme le sera celui de la gauche en janvier prochain. Sous le coup du tropisme liée à la victoire écrasante de l’ancien Premier ministre, beaucoup ont oublié que les 2,8 millions d’électeurs ayant choisi François Fillon ne représentait que 6,4% du corps électoral total, ce qui au premier tour de l’élection présidentielle ne qualifierait pas l’ancien Premier ministre pour le second tour, sauf à être en présence d’une vingtaine de candidats. On comprend mieux l’attachement soudain des partis actuels à demander des primaires : éviter une malheureuse dispersion des voix au premier tour de l’élection. La route est donc encore longue pour François Fillon, car tous les Français, y compris à droite, n’adhèrent pas nécessairement à son programme, que le corps électoral peut s’exprimer de manière diffuse, sans réelle logique, que la multiplication des candidats peut être un facteur à risque et que, une fois dans l’isoloir personne ne sait quel bulletin est glissé dans l’enveloppe. (voir l’article sur lefigaro.fr : « Il est probable que François Fillon sera le prochain président de la France ») Plus que sur le plan des idées, la prochaine élection présidentielle se jouera aussi sur le plan tactique et comptable avec en filigrane la capacité à agréger le plus grand nombre d’électeurs possibles autour de points de fixation politique compréhensibles, audibles et acceptables.