La Nouvelle-Calédonie, jeu de grands dans le Pacifique

Comptant parmi les territoires les plus éloignés de la France d’outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et son maintien dans la République représentait un enjeu économique, stratégique et diplomatique majeur pour l’Hexagone engagé dans une mondialisation de plus en plus agressive.

En décidant de rester dans le giron de la République française et d’ainsi tourner le dos à l’indépendance, fruit d’un processus initié en 1988 par les Accords de Matignon, le peuple néo-calédonien a, quelque part, redonné à la France une bouffée d’oxygène et ce après l’annulation par le gouvernement australien de la commande de plusieurs sous-marins au profit d’une alliance avec les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Plusieurs raisons expliquent le sentiment de succès éprouvé par la Présidence de la République. Tout d’abord, la capacité pour la Métropole de conserver, fut-il un des espaces les plus éloignés de celle-ci, l’intégrité du territoire dans une zone, le pacifique sud, objet de multiples convoitises, à la fois stratégiques et économiques. Stratégiques car la Nouvelle-Calédonie, carrefour naturel entre le Pacifique sud et la façade Asie-Pacifique, portée par la Chine et le Japon, est depuis de nombreuses années une cible de l’Empire du Milieu toute proche, intéressée pour des raisons économiques, par les ressources en nickel de l’île.

Valeur ajoutée et intérêts défendus

Métal précieux et convoité, utilisé dans la fabrication de nombreux composants électroniques, le nickel représente à ce jour le coeur de l’économie néo-calédonienne (La Nouvelle-Calédonie est le cinquième producteur mondial de Nickel avec 220.000 tonnes en 2019) et son principal attrait loin devant le tourisme. Ainsi, conserver la Nouvelle-Calédonie comme partie du territoire national permet-il à la France d’occuper non seulement un espace économique à forte valeur ajoutée mais aussi stratégique face à l’ogre chinois qui n’attendait que l’indépendance de l’île pour commencer à y implanter ses réseaux. Usant de la faiblesse des Etats ciblés, la Chine ambitionnait, comme c’est le cas sur le continent africain, de déployer par le biais d’entreprises satellites, pour contrôler la production de nickel, forme land-grabing (cairn.info : http://Un land grab chinois en Afrique sub-saharienne ? ) industriel qui aurait permis à Pékin de ne plus dépendre de puissances annexes au regard de ses besoins en matière première. Autre facteur de satisfaction généré par ce non à l’indépendance, la capacité de la France à montrer à ses alliés mais néanmoins concurrents commerciaux que l’Hexagone sait faire valoir ses intérêts y compris dans des zones où, a priori, celle-ci ne nourrit pas d’ambitions particulières.

Ambitions diplomatiques et prise de guerre

Or, en réaffirmant sa présence régionale par la décision du peuple néo-calédonien, la France confirme ses ambitions diplomatiques à l’échelle pacifique, à savoir jouer un rôle dans la régulation des échanges dans la zone en question, combattant de fait l’idée de laisser l’espace pacifique aux seuls Chinois et Nord-Américains. Plus qu’une victoire de la République, en tous cas présentée comme telle, c’est avant tout un succès diplomatique par procuration que la France vient de remporter. Victoire stratégique et économique, voire industrielle, le maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la République s’apparente aussi à une forme de prise de guerre dans la compétition que se livre les grandes puissances économiques mondiales pour le contrôle des matières premières notamment en période post-pandémie où pléthore d’éléments essentiels manquent. In fine, le non à l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie, minuscule territoire de l’hémisphère-sud confirme ce paradoxe de la mondialisation économique, décrit par Edward Lorenz en 1972, dans une maxime restée célèbre :  Le battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? Où comment la Nouvelle-Calédonie, en restant française, parvient à redistribuer les cartes géopolitiques de la région pacifique.

L’otage, la tentation et la faute

Investie candidate du parti Les Républicains, Valérie Pécresse devra composer avec les tendances les plus droitières de sa formation. Tout en refusant pour l’heure une compromission facile et totale, la présidente de la région Île-de-France risque pourtant de devoir se résoudre à la tentation identitaire. si elle souhaite conserver ses chances de victoire en mai 2022.

En annonçant vouloir réunir toutes les sensibilités politiques de la droite française, Valérie Pécresse, fraîchement élue pour représenter le parti Les Républicains lors de la prochaine élection présidentielle, se lance dans un exercice d’équilibriste qui pourrait aisément la pousser à délaisser une sensibilité plus qu’une autre, voire à se retourner contre elle. (Lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2022) Pour paraphraser, sans son talent, le titre de l’ouvrage de René Rémond, Les droites en France, il apparaît comme évident qu’entre une droite libérale et républicaine incarnée par Valérie Pécresse et la droite identitaire et nationaliste d’Eric Ciotti, talonné par Eric Zemmour et Marine Le Pen, la droite française va avoir beaucoup de mal à s’unir derrière une seule et même personne, fût elle légitimement élue. Enjeux différents, objectifs différents, discours opposés en dépit de quelques porosités idéologiques voilà le portait dressé par Les Républicains, écartelés par la nécessité de rassembler toutes les sensibilités, sans pour autant donner l’image d’un parti aux abois prêt à tout, quitte à s’aliéner des électeurs ou des composantes aux propos incompatibles avec l’esprit de la République.

Discours et tentation

Prise dans un étau idéologique qui va progressivement se refermer sur elle, imposant de fait un durcissement du discours originel fait de signes d’ouverture, la candidate de droite sait qu’elle devra tôt ou tard céder à l’obligation identitaire voulue par une partie de la droite. Et là est la faute. Car si elle le sait, d’autres, ses ex-concurrents en interne comme en externe le savent aussi. Si les premiers peuvent utiliser cette arme pour la pousser à incliner son discours vers des tendances qu’elle réfute à demi-mot aujourd’hui, mais pour combien de temps, ses adversaires hors partie auront tôt fait de le lui reprocher. Ce dilemme idéologique, propre à la droite française, a longtemps, et hante encore aujourd’hui les rangs du parti conservateur. La tentation identitaire, séduisante car facile, généreuse car prompte à attiser les basses passions et les vils instincts des individus en mal de repères, cousine germaine d’un populisme sournois et agressif, reste un tabou chez une partie de la droite alors qu’il est aujourd’hui de plus en plus assumé par d’autres. Et c’est d’ailleurs ce qui risque de plomber la campagne de Valérie Pécresse, toute euphorique à l’idée de représenter la droite, pense-t-elle unie, à savoir cette incapacité à endosser cet héritage pour finir par être par dépassé par lui au point de perdre le contrôle de sa campagne.

Echec et otage

Nicolas Sarkozy avait, lors de la campagne 2012, tenté de s’aliéner les forces les plus droitières de son parti d’origine sous la férule de Patrick Buisson. L’échec de cette tactique s’était matérialisé dans les urnes. Mais dix ans plus tard, le paysage politique français a changé, radicalement mué, pour laisser place à des discours politiques décomplexés en raison de la désertion idéologiques des partis piliers de la démocratie et de la République. Toute investie qu’elle soit par une élection aux accents croquignolesques car n’épousant en rien les formes de primaires tout en s’attachant à en défendre l’idée et l’image, Valérie Pécresse se retrouve désormais plus otage de divisions politiques avec lesquelles elle devra composer que maître d’une campagne électorale dont elle risque, si ce n’est déjà le cas, de perdre la direction. Prise au piège par Eric Ciotti, Eric Zemmour (lesechos.fr : https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses) et Marine Le Pen, soucieuse de défendre l’image libérale républicaine du parti sans froisser l’électorat sensible au progrès social de centre-droit, la présidente de la région Île-de-France fait aujourd’hui plus figure de pantin que de candidat à même de l’emporter en mai prochain.