L’aide d’Etat

L’échec des négociations entre syndicats salariés et patronaux pousse l’Etat à régler le litige. Et la situation d’interroger sur ce recours systématique à la puissance publique en cas de désaccord alors que ce même Etat est régulièrement accusé de tous les maux.

Naturellement, personne ne s’attendait à ce que partenaires sociaux salariés et patronaux se quittent sur un constat d’échec et d’incompréhension dans le cadre de la renégociation de l’assurance-chômage. Personne certes mais il faudra pourtant trouver une issue à l’impasse, issue qui en l’état s’appelle le Gouvernement. (Lire l’article sur lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/02/20) Car une fois encore, c’est à l’Etat et à ses premiers représentants qu’il reviendra la tâche d’accoucher d’une solution. Etrange paradoxe en ces temps troublés où le Gouvernement, souvent décrié, et avec lui le Président de la République, pour son attitude jugée anachronique et déconnectée de la réalité vécue par l’immense majorité des Français, est appelé à la rescousse pour résoudre le dossier sensible de l’assurance-chômage. Sensible car il incarne presque à lui seul, celui de la Sécurité Sociale l’est tout autant, la force et la puissance de l’Etat-Providence, celui auquel les Français sont viscéralement attachés.

Modèle et revendications

L’Etat-Providence, ce système permettant après le prélèvement de divers impôts, taxes et autres charges, de redistribuer les fonds collectés, est devenu le synonyme du fonctionnement du modèle français. Souvent décrié, accusé de dilapider les fonds qui lui sont confiés, l’Etat-Providence reste pourtant plébiscité par les Français et placé sous la protection des gouvernements successifs. Paradoxe encore car les Français souvent accusés d’individualisme tacite ou de solidarité de circonstance selon leur humeur politique du moment, ont toujours élu des présidents de la République ou donné leur blanc-seing à un gouvernement à la condition ultime que ces derniers protègent l’Etat-Providence. Certaines mauvais esprits n’hésiteront pas à affirmer que ce modèle, envié par nombre de pays dans le monde, devenu peu ou prou le système de fonctionnement des membres de l’Union européenne, est l’objet d’un dévoiement calculé, fruit de profiteurs mal intentionnés. Accusation sans fondement qui tranche avec une réalité autre, celle d’un pays attaché à son modèle, qui le défend contre vents et marées certes en le critiquant vertement parfois durement sans pour autant le remettre en cause de sorte à le régénérer. Et preuve en est, confier l’avenir de l’assurance-chômage à l’Etat pour permettre au dispositif de sortir de l’ornière est à la fois le signe de confiance, que d’aucuns jugeront relative, dans le Gouvernement, donc des institutions et de ceux qui la servent, mais aussi la garantie que le modèle d’indemnisation des demandeurs d’emploi ne sera pas otage de revendications ou de blocages partisans. Etrange paradoxe en effet que ce recours à l’Etat quand souvent, répétons-le, celui-ci est jugé trop présent, trop vampirisant, trop gourmand,…Bref ! Tous les adjectifs n’y suffiraient pas et pourtant la réalité est là : En cas d’impasse c’est l’Etat qui est sollicité pour son efficacité dans la décision et sa neutralité dans les responsabilités à assumer.

Dieu et l’Etat

Est-ce à dire que les Français sont devenus indissociables de leur modèle de fonctionnement, que sans l’Etat, ils ne sont plus rien ? Le journaliste nord-américain Ted Stanger avait théorisé dans l’un de ses ouvrages (Sacrés Français ! Un Américain nous regarde, 2004) avec un brin d’humour et une bienveillante ironie teintée de réalisme ce réflexe franco-français de recours ultime à l’Etat en expliquant que les Français avait remplacé Dieu par l’Etat. Héritage révolutionnaire et déchristiannisation à n’en pas douter. Mais aussi puissant soit-il, rappelons aussi pour pondérer la maxime du journaliste américain celle de Lionel Jospin, ancien et alors Premier Ministre, qui affirmait en 1997, lors de la mise en place d’un lourd plan social chez le constructeur automobile Renault à Steenvoorde que « l’Etat ne pouvait pas tout ». Ici, en l’espèce et dans le cas de l’assurance-chômage, il peut jouer les médiateurs en faisant jouer les décrets d’application qui s’avéreront nécessaires. Mais ne nous y trompons pas. La puissance publique risque, sous les effets d’une mondialisation de plus en plus gourmande et cruelle, d’entreprises soucieuses de s’émanciper de la tutelle d’Etats jugés trop envahissant et de citoyens en perte de repères prêt à sacrifier la notion de collectivité incarnée par l’Etat au profit de l’intérêt individuel, de perdre de son aura et de son influence. Et si tel était le cas, c’est nous tous qui serions perdants car l’Etat, c’est nous…

L’ours et le retour de bâton

L’arrivée incongrue d’ours polaires dans l’archipel de Nouvelle Zemble interroge une fois encore sur les effets du réchauffement climatique mais elle met aussi en évidence l’inconscience et la vanité de l’être humain face à une nature qu’il a toujours cru pouvoir asservir.

L’information serait presque passée inaperçue si elle ne révélait pas une réalité climatique que nombre d’entre nous peinent à appréhender et ce pour de multiples raisons. Mais l’invasion massive d’ours polaires sur les îles de l’archipel de Nouvelle Zemble, situé dans la Mer de Barents (Russie), témoignent, s’il fallait encore accumuler de nouvelles preuves, que le changement climatique n’est plus une hypothèse mais une réalité (Lire l’article sur le monde.fr : https://www.lemonde.fr/climat/article). Inutile ici de revenir sur les problèmes posés par l’arrivée de ces mammifères marins, attirés par les déchets alimentaires humains alors que leurs ressources naturelles tendent désormais à ce réduire de manière drastique. Cruelle évidence que cette invasion met en lumière : la surpêche qui altère gravement les réserve de poissons tend ainsi à réduire le nombre de phoques qui constituent la base de l’alimentation des ours polaires qui par effet de dominos se lancent à la recherche de nouvelles ressources. Il en est de même, et dans un autre registre, pour ce qui est de la disparition progressive des insectes dont l’éradication génère une altération tout aussi inquiétante des populations d’oiseaux et, pis que tous, pourrait à terme menacer les processus de pollinisation des plantes à fruits, les abeilles étant le symbole de cette disparition.

Atermoiements et accident

Il convient dès lors de se pencher sur les responsables de cette faillite écologique. Ils ne sont pas difficiles à identifier : nous tous. Plus scientifiquement, l’Homme. Foin d’atermoiements ou de justifications toutes plus vides les unes que les autres pour expliquer les agissements d’un mammifère, qui se prétend le plus doué de tous, mu par l’idée que son intelligence lui permettait de domestiquer la nature. Rêve fou, tout aussi fou que celui d’arrêter la course du soleil. Infernale machine biologique, l’Homme n’a eu de cesse depuis des siècles désormais de bâtir son confort sur les ressources naturelles que la Terre a mis à sa disposition sans imaginer, sauf quelques uns d’entre nous longtemps considérés comme des illuminés ou des iconoclastes, que la Terre en question n’était en rien inépuisable. Portés par un ego surdimensionné, nous avons abusé des facilités que la planète nous offrait pour constater aujourd’hui les bras ballants que des espèces animales sont clairement menacées de disparition quand d’autres ont définitivement disparu. Et si alerter et prévenir des dangers que présentent nos comportements est un premier pas salvateur, suivi obligatoirement d’actes à l’échelle mondiale et non plus régionale, actes certes louables mais aussi inutiles que méritoires s’ils devaient rester ponctuels et localisés, l’Homme doit aussi se souvenir que sa présence sur Terre est un accident de l’Histoire biologique de la planète. Rien à l’origine ne prédisposait l’humain à survivre dans un milieu brutal. Sa survie, fruit de sa capacité d’adaptation, lui a inconsciemment instillé l’idée qu’il pouvait alors exploiter son milieu d’évolution sans avoir à s’en remettre à lui. Or il apparaît aujourd’hui que Dame Nature est fatiguée et excédée des abus commis par l’Humanité à son endroit. Et il faudra clairement admettre, sans tarder, que le combat contre un milieu que nous pensions dominer, est perdu car rien ne peut entraver l’Evolution.

Intelligence et Evolution

A force de prétention et de vanité, l’Homme, parvenu biologique, s’est imaginé représenter la forme aboutie de toute vie terrestre. Erreur considérable, au regard des conséquences à supporter aujourd’hui car si tel était le cas, son intelligence l’aurait conduit à maîtriser son développement, à freiner ses ambitions certes naturelles mais incompatibles avec un milieu hier soi-disant maté, aujourd’hui en rébellion contre ceux qui le martyrisent. La disparition des espèces (mammifères, insectes, poissons,…) n’est que le préambule à un chapitre final qui verra l’acteur du film de l’Evolution, l’Homme, être la dernière victime. Il est certainement encore temps d’agir. D’autres dans les années soixante-dix, René Dumont, candidat écologiste à l’élection présidentielle de 1974 avait alerté sur les risques que la planète courrait. Le Club de Rome, en 1972 aussi, avait alerté sur l’impossibilité d’une croissance économique continue (ndlr : Rapport Meadows), basée sur une surexploitation des ressources naturelles (Lire l’article sur wikipedia.org : https://fr.wikipedia.org/wiki/Club_de_Rome). Rares ont été ceux à les entendre ou vouloir les entendre…Initiatives isolées qui sont à l’origine de la victoire culturelle et actuelle des écologistes et des défenseurs de l’environnement remportée non sans mal après des décennies de lutte. Mais cette prise de conscience, heureuse et bienvenue, ne résoudra en rien l’avenir des ours polaires de Nouvelle Zemble, comme nous, condamnés à disparaître du fait de notre ignorance, notre vanité et notre égoïsme.

Emmanuel Macron, essai de définition

Qu’est-ce que le macronisme ? Sujet d’interrogation qui ne laisse pas sans questionner quidams et politologues dans un monde bouleversé et en manque de repères. Et si justement, le macronisme était le fruit de l’absence de vision.

D’aucuns s’y sont essayés et d’autres certainement chercheront encore à le cerner. Certes. Mais quoi ? Cette interrogation qui dépasse tous les clivages politiques et qui les annihile en même temps porte sur la définition du macronisme. Il est fort à parier que dans les années à venir, la question agitera encore les sphères d’historiens et de politologues tant l’instant Macron a déstabilisé et bouleversé le jeu politique français et européen. Inattendu dans son élection, insaisissable dans la couleur de son action à la tête de l’Etat, à la fois libéral et social, (Lire l’article sur lopinion.fr : https://www.lopinion.fr/dossier/edito/qu-est-que-macronisme-140458 ) démocrate et parfois terriblement vertical dans la mise en place des réformes souhaitées, Emmanuel Macron détonne car il semble avancer avec assurance et certitude sans pour autant s’appuyer sur un corpus idéologique précis, hérité ou inventé. Et si le macronisme ce n’était pas cela finalement…? Ou que cela ? Cette capacité à diriger l’Etat sans référence particulière à une histoire politique définie, certes rassurante pour certains mais visiblement encombrante pour d’autres et pour lui en premier lieu.

Etat-Providence et survivance

Si ces prédécesseurs avaient tous, peu ou prou, comme ambition impérieuse de protéger l’Etat-Providence qui est le nôtre, Emmanuel Macron, sans balayer cette nécessité, ne semble pas obsédé par cette contrainte qu’il perçoit plus comme un avatar que comme une obligation. Cet ovni politique, venu de nulle part et sorti de sa boîte comme un beau diable, a fait le deuil des idéologies passées jugées trop lourdes et peu efficaces. Et dans un pays comme la France, pétri de convictions, qui sont plus souvent articulées autour de préjugés ancestraux qu’autre chose, ces héritages idéologiques, pourtant brocardés et critiqués, à tort ou à raison, sans être plébiscités par les électeurs, apparaissent pourtant comme des repères, des bouées au-delà desquelles il convient de ne pas naviguer. L’admonestation de mesures fiscales lourdes a ainsi provoqué la colère des Gilets Jaunes, preuve que la verticalité de la décision n’est pas une manière de gouverner. Pour autant, l’absence de colonne vertébrale supposée à la politique engagée par Emmanuel Macron pourrait cependant poser les bases d’un nouveau mode de gouvernance. (Voir l’article sur franceinter.fr : https://www.franceinter.fr/emissions/l-edito-politique) Entre pragmatisme et réalisme, loin des canons idéologiques, que le temps et la pratique ont transformé en substrat plus qu’en racines, le président Macron trace un nouvelle route, évidente pour certains, illisible (pour une grande majorité) pour d’autres dans un univers social en pleine déréliction. Le règne de la médiocrité et de la superficialité ont ainsi, et aussi, permis l’émergence d’Emmanuel Macron, l’homme apparaissant comme un recours ou un opportuniste capable de s’immiscer dans les entrelacs d’une société peut-être plus préoccupée par le programme télévisé ou les dernières vidéos postées sur Youtube que par l’avenir du pays et de l’Europe.

Méfiance et négatif

Est-ce répréhensible ? Non naturellement mais est-ce à dire que les Français ont hérité du président qu’ils méritent…Rien n’empêche de le penser mais le macronisme que l’on peine tant à définir trouve aussi peut-être ses racines dans l’étiolement d’une société en manque de repères et de boussoles. Il suffit pour s’en convaincre de s’arrêter un instant sur les taux de participation aux différents scrutins qui révèlent tous un réel désintérêt des Français pour la politique et une vraie, et inquiétante, méfiance à l’endroit du personnel politique. Que la France souffre d’une profonde crise de sa démocratie représentative n’est plus un scoop ! L’idée a tellement été (et une fois encore ici) avancée qu’elle en perd toute sa pertinence et son originalité mais elle n’en reste pas moins empreinte de véracité. Or l’inertie coupable et teintée de confort qui est la nôtre est aussi quelque part responsable de l’élection d’Emmanuel Macron. Lui a su exploiter les atermoiements des politiques passées et la méfiance du corps électoral. Et l’absence de vision globale de ses concurrents a servi son ascension sans le contraindre à poser une dessein clair. Aussi, et concluons ainsi, le macronisme semble aujourd’hui plus s’écrire par défaut que par impression, par manque plus que par abondance, comme si celui-ci était le négatif d’un positif passé et jauni.