Simple mortel… ! Hélas pour lui !

La chute du Président Macron dans les sondages est un signal d’alerte lancé au chef de l’exécutif mais révèle aussi la fin inéluctable de l’état de grâce d’un homme confronté à une réalité longtemps occultée par une réussite insolente.

Le Président Macron serait-il rentré dans le rang ? Portée par une élection triomphale et par une conjoncture économique des plus favorables, voilà que depuis le début de l’été la machine jupitérienne semble s’être enrayée. Visiblement, l’hydromel a un goût de rance ! Celui qui voulait incarner le nouveau monde au détriment de l’ancien (l’expression est d’ailleurs discutable…!) s’est vu rattraper au début de l’été par toute une série d’affaires et autres problèmes divers dont il se serait allègrement passé. Mais oups ! Voilà que les Gaulois réfractaires et les frasques (intolérables!) d’Alexandre Benalla sont venus obscurcir le ciel élyséen. Pour peu que Gérard Colomb en rajoute une couche…! A cela s’ajoute aussi un ralentissement de la croissance économique et des prévisions plus faibles que prévues en la matière. Donc autant d’éléments qui risquent de renvoyer le président à une réalité plus terre à terre et pour le moins pragmatique de la situation et de la sienne en particulier. Dire que le Président Macron est rentré dans le rang est peut-être excessif, d’ailleurs mieux vaut pour lui qu’il n’y rentre pas trop car c’est de son originalité qu’il tire sa force et sa présence au plus haut sommet de l’Etat.

Nature et routine

Pour autant, une chose est sûre, l’ancien monde s’est rappelé à lui et l’Etat de grâce a vécu. Tout comme il a vécu pour ses prédécesseurs qui ont fini leurs mandats respectifs à genoux. Rien ne prédit que le locataire de l’Elysée subira la même fin mais un regard rapide et furtif des sondages montre qu’à peu près 30% des Français lui font confiance (Lire l’article dans lemonde.fr : Face aux difficultés, Emmanuel Macron fait son mea-culpa ). Cela dit avec 30% des voix, on peut atteindre le second tour d’une élection présidentielle mais ce n’est pas (encore…!) le sujet et la comparaison facile. Emmanuel Macron est aujourd’hui dans le dur de son mandat, à l’heure où les résultats se font attendre et où les réformes doivent dès à présents porter leurs fruits. Il doit expliquer, encore et encore, convaincre pour gagner la confiance et agir pour la conserver. De jupitérien, l’homme est passé au statut de demi-dieu avant, la nature est cruelle, de redevenir le simple mortel qu’il a toujours été. Ce qui au demeurant pourrait être un atout, voire une justification, fallacieuse et discutable convenons-en, à l’inertie ou l’échec de certaines réformes présentes ou à venir. Il était inévitable, attendu au tournant par ses opposants, que le quotidien et la routine s’invitent un jour à la table du succès rendant ce dernier soudainement plus amer. Emmanuel Macron fait les frais non pas d’un début de quinquennat manqué, seule l’Histoire dira s’il l’a été, mais de la logique du pouvoir qui érode et abîme ceux qui le détienne. Lui souvent taxé d’arrogance, certainement naturelle et servie jusqu’alors par un insolente réussite, voit son aura se flétrir car victime de la banalité. Bref ! Bienvenue sur Terre Monsieur le Président !

De divisions en additions

La guerre idéologique opposant ligne dure et ligne modérée au sein des Républicains s’est cristallisée sur le premier ministre hongrois Viktor Orban. Persona non grata pour certains, fréquentable pour d’autres, l’homme met en exergue les porosités idéologiques anciennes entre droite et extrême droite.

Si la gauche et la droite françaises ont été divisées par la candidature puis l’élection d’Emmanuel Macron, avec toutes les difficultés de reconstruction que l’une et l’autre connaissent aujourd’hui, il semble pourtant que la droite soit plus encore embarrassée par le cas Viktor Orban. Ce même homme, premier ministre de Hongrie, et qui avait fait ici l’objet de quelques lignes il y a quelques jours, est devenu, à son corps défendant (mais sans cacher sa satisfaction non plus) le centre de débats violents et échevelés au sein des Républicains. Laurent Wauquiez, président du mouvement, en vu des élections européennes de mars 2019, ne fait pas mystère de certaines proximités idéologiques avec l’homme politique hongrois, qui, rappelons-le, est membre du PPE (Parti Populaire européen au sein du Parlement européen de Bruxelles) Ce même Laurent Wauquiez s’est même fendu d’une certaine défiance à l’endroit de l’activation de l’article 7 des Traités européens suite au bafouement de l’Etat de Droit par Viktor Orban. (Lire l’article dans lemonde.fr : Les Républicains s’écharpent sur le cas du premier ministre hongrois populiste Viktor Orban )

Opportunisme et ambitions

La position du président de Les Républicains certes pleine d’opportunisme mais aussi de porosité idéologique entre la droite française et les franges extrêmes des mouvements conservateurs européens n’est pas nouvelle. Lionel Jospin l’avait déjà dénoncée en 1997 à l’occasion des élections législatives anticipées organisées au lendemain de la dissolution de l’Assemblée Nationale par Jacques Chirac. Car c’est bien de porosité, voire de collusion idéologique qu’il s’agit en l’occurrence et que Laurent Wauquiez ne prend plus nécessairement la peine de dissimuler quand Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, plaide elle pour une clarification de la position de son parti et un éloignement des thèses défendues par Viktor Orban.Valérie Pécresse, qui nourrit de vraies ambitions politiques à l’échelle nationale, tout comme Laurent Wauquiez, sait qu’une alliance, même objective, avec Viktor Orban pourrait discréditer un parti qui se veut défenseur de l’Etat de droit et républicain. Laurent Wauquiez, quant à lui, se prend à imaginer qu’un rapprochement, quel qu’il soit, pourrait potentiellement être bénéfique, entendant ainsi à demi-mot profiter de la vague populiste traversant actuellement l’Europe et dont il compte utiliser la dynamique pour réaliser un score honorable lors du scrutin européen, score qui légitimerait sa position discutée à ce jour au sommet des Républicains. (Lire l’article sur lejdd.fr :Les Républicains se déchirent sur le cas du Hongrois Viktor Orban )

Regard et facilité

Deux batailles tendent alors à se dessiner à ce jour : une opposant Valérie Pécresse et Laurent Wauquiez ; la seconde celle qui oppose les partisans d’un ralliement au mouvement populiste européen, soit par opportunisme, soit pas conviction, voire les deux. La droite française, qui a toujours eu du mal à détacher son regard des extrêmes, est encore une fois tentée par la facilité d’un populisme électoralement porteur mais inconciliable avec les idéaux démocratiques portés par l’Union européenne. Eternel dilemme que celui qui agite la droite française et que l’historien René Rémond avait qualifiée de plurielle dans son ouvrage Les droites françaises. Reste désormais à savoir quelle ligne politique l’emportera : celle de Valérie Pécresse ou de Laurent Wauquiez. Ce qui est en revanche certains à ce jour c’est que toute alliance avec une formation populiste, fut-elle d’extrême gauche ou d’extrême droite, sera assimilée à une prise de risque capable de jeter Les Républicains dans une crise interne plus lourde et fratricide que celle actuellement vécue.

Réflexes de Guerre Froide ?

Sanctionnée par le Parlement européen, la Hongrie fait figure de mauvais élève au sein d’un ensemble bousculé par la question des migrants. Mais si Viktor Orban, premier ministre hongrois, use des flux migratoires à des fins politiques, sa position, condamnée à raison, trouve en partie ses racines dans l’histoire de l’Europe de l’Est.

Dire que la question migratoire nourrit les populismes européens est un euphémisme. Pour autant le même euphémisme se trouve être mis à bas par l’étude menée par l’Institut national de l’étude démographique (INED) qui démonte le fantasme d’une immigration massive des populations africaines d’ici 2050 (lire article sur lemonde.fr : Immigration : faut-il s’attendre à une « ruée vers l’Europe » ? La réponse des démographes). Cependant, il est clair que les populismes européens aiment à se gargariser des peurs suscitées par ce fantasme pour mobiliser des citoyens effrayés par les images de radeaux remplis d’hommes et de femmes en quête d’un avenir meilleur. Contrecoup de cette peur instrumentalisée par certains pays européens, notamment la Hongrie, l’Union européenne a décidé d’actionner l’article 7 des Traités européens qui visent à sanctionner le pays en question pour sa politique hostile aux migrants. (Lire l’article sur lemonde.fr : Le Parlement européen dénonce la menace « systémique » des valeurs de l’UE dans la Hongrie de Orban) Voilà pour les faits. Mais ces derniers n’empêchent pas de s’interroger sur les raisons qui poussent la Hongrie et d’autres pays est-européens, comme la Pologne, à ainsi réagir face à la question migratoire.

Chute et progrès

La réponse se trouve pour l’essentiel dans l’histoire qui suivit la Seconde Guerre mondiale, à savoir la Guerre Froide. Ainsi, de 1945 à 1989, à savoir de la fin du conflit jusqu’à la chute du Mur de Berlin, aussi symbolique soit-elle, nombre de pays de l’Est ont vécu coupé du monde, placé sous la férule soviétique qui entravait toute ouverture ou tout contact avec les évolutions contemporaines. Les déséquilibres nord-sud, issus en grande majorité d’un processus de décolonisation sinon trop rapide du moins lourds de carences patentes subies par les anciens pays colonisés, déséquilibres en partie aujourd’hui responsables de l’exil de certaines populations, sont restés inconnus ou mal appréhendés de pays d’Europe de l’Est loin de saisir la complexité des mutations engendrées dans la seconde moitié du XXème siècle. Leur entrée dans l’Union européenne en 2004, porteuse de progrès économiques, sociaux et démocratiques, s’est aussi accompagnée de la découverte de modes de fonctionnement communautaires ignorés jusqu’alors et qui a mis ces mêmes pays face à des responsabilités d’essence collective auxquelles ils n’étaient en rien préparés. Et parmi ces responsabilités figure aussi la question des flux migratoires jusqu’alors inconnus dans une zone du monde où a prévalu pendant près de cinquante ans la seule autorité de Moscou, soucieuse de fermer ses frontières et celles de ces affidés. La question qui peut alors se poser est : devait-on intégrer les pays de l’ancien bloc soviétique dans l’Union européenne ?

Progrès et réflexes

Au regard des évènements actuels, notamment les agissements de la Hongrie ou de la Pologne, d’aucuns diront non. D’autres, naturellement diront oui car hormis ces deux pays, certes puissants et influents en Europe orientale, les autres pays sont conscients des progrès accomplis grâce à l’entrée dans l’Union européenne. (Lire l’article sur eurosorbonne.eu : L’Europe de l’Est, entre progrès économiques et régressions démocratiques ) Que faire alors des réticences de la Hongrie et de la Pologne ? Les combattre apparaît comme la moindre des mesures à prendre. Ensuite tenter de convaincre que la question migratoire n’est ni un danger ni une crise et que l’utiliser comme argutie politique est vain. Mais ce discours doit aussi s’accompagner d’une capacité à comprendre, sans employer cette même capacité comme moyen de minimiser la position de la Hongrie et de la Pologne, que les anciens pays de l’Est sont encore de jeunes entrants dans l’Union et doivent se défaire de réflexes imprimés par le régime soviétique. Or, il semble que ces réflexes soient plus longs à s’effacer chez certains que chez d’autres. Hélas…!

Le ministre, les panneaux et la bonne conscience

Nommer un nouveau ministre de l’Environnement ne remplacera pas la nécessité de repenser nos modes de production afin d’aborder la question écologique non comme une variable d’ajustement mais comme une constante.

D’aucuns crieraient à la cruauté du propos ou du point de vue mais en l’état la lucidité s’impose : celui ou celle qui sera nommé Ministre de l’Environnement n’aura guère plus d’influence que n’en avait Nicolas Hulot, manque d’influence qui a fini par justifier son départ du gouvernement d’Edouard Philippe. Car c’est un fait : Le poste de Ministre de l’Environnement est des plus fragiles non pas en raison de son exposition mais du fait que ceux qui en héritent, par devoir ou par conviction, s’aperçoivent rapidement que leur marge de manœuvre est extrêmement limitée. La raison en est très simple : La transition écologique voulue par Nicolas Hulot, à peine espérée par ses prédécesseurs, n’est pas engagée et est loin de l’être. Rien à ce jour ne prouve ou ne démontre que nous avons, à l’échelle mondiale ou ailleurs, engagé un quelconque changement de nos habitudes et de nos modes de fonctionnement. Certains argueront, à raison d’ailleurs que les Accords de Paris, que les Etats-Unis ont quitté via la décision de Donald Trump, sont un pas de géant. Certes. C’est indéniable mais largement insuffisant pour révéler un vrai changement de cap.

Ecologiquement compatible

A ce jour, nous pouvons tous constater que la question écologique et environnementale n’est pas une priorité, que celle-ci ne se pose qu’au terme des processus économiques, financiers ou industriels engagés. Or pour observer un vrai début de changement, il ne faut pas que la question environnementale soit perçue comme une contrainte et donc traitée en fin de raisonnement, mais perçue comme le cadre global de la réflexion à mener. En clair renverser la table et engager un projet non pas en se demandant comment protéger l’environnement mais, au contraire, se demander si le projet à engager est écologiquement compatible avec les données environnementales. La question environnementale ne peut plus être une variable d’ajustement mais devenir une impérative constante. Est-ce le cas aujourd’hui ? Il appartiendra à chacun de répondre à cette question mais la réponse sera probablement la même partout. Est-ce à dire in fine que modernité et économie de marché sont incompatibles avec protection de l’environnement et écologie ? La question mérite que l’on s’y intéresse et ne manque pas de révéler aussi les contradictions du sujet. Prenons l’exemple des panneaux solaires que chacun d’entre nous peut installer sur son toit afin de produire sa propre énergie électrique et s’affranchir de celle produite par les centrales nucléaires et réduire les déchets qui y sont liés. De prime abord, l’idée est séduisante et écologiquement responsable. Mais quels matériaux constituent les panneaux ? Où ont-ils été fabriqués ? Comment ont-ils été transportés de l’usine de fabrication à votre domicile,….

Bonne conscience

Autant de questions qui battent en brèche l’idée d’une installation finalement écologique. Tout au plus conforte-t-elle un sentiment personnel qui renvoie à la bonne conscience que permet de se donner ce genre de décisions sans compter les avantages (prétendus…) économiques induits.  Ainsi, une transition écologique pertinente ne commence pas par des panneaux solaires sur tous les toits mais par une refonte totale et mondiale de nos modes de production et de consommation, de nos modes de pensées et de réflexion basés actuellement sur un progrès utilisant l’environnement comme support et non comme un cadre devant dicter ses impératifs. C’est là que commencera la transition écologique et non en nommant en France ou ailleurs un ministre lié à des contraintes ou des lobbies soucieux de leurs intérêts. Mais ils ne sont pas les seuls car y sommes nous prêts vraiment ?