
En nommant Benjamin Griveaux porte parole du gouvernement, Emmanuel Macron récompense un fidèle et muselle aussi un ambitieux reconnu pour éviter que celui-ci ne devienne un factieux difficile à contrôler. Mais s’il n’y avait que celui-ci…
Ambition et goût du pouvoir pourraient facilement résumer Emmanuel Macron. D’ailleurs l’homme ne s’en cache pas spécialement et cultive à ce titre une forme de hauteur que d’aucuns jugent empreinte de prétention et de vanité. Emmanuel Macron a outre fait le choix de s’entourer de ministres non issus (à l’exception de Gérard Collomb), de la sphère politique mais aussi préféré choisir des hommes et des femmes fruits de l’entreprise, de la société civile pour employer une dialectique commune à tous. Le choix est judicieux dans la mesure où il permet au Président de rayonner et de trancher à l’aune de son expérience politique, certes limitée. Cette tactique, novatrice pour beaucoup, qui ne l’est d’ailleurs pas tant que cela in fine, permet ainsi à des individus forts de parcours professionnels divers, souvent brillants, généralement accomplis dans le secteur privé ou la très haute fonction publique de donner libre cours à leurs compétences. L’espace ministériel s’y prête, l’instant Macron le permet, le Président ayant à ses côtés des hommes et des femmes prêts à s’engager pour l’intérêt général sans compter et sans arrières-pensées. Certes.
République et Défense
Mais majoritairement issus du secteur privé, royaume de l’ambition et de la culture du résultat, ces hommes et ces femmes, n’en déplaise au Président golden boy, nourrissent ouvertement ou silencieusement, à l’abri des regards de l’Elysée, des ambitions personnelles. Le contraire serait étonnant et quoi de plus naturel. Dernier exemple en date : Benjamin Griveaux. L’ambitieux quadragénaire, qui avait manqué jusqu’alors son entrée au gouvernement se voit offrir un poste et non des moindre, celui de porte parole du gouvernement, tâche jusqu’alors échue à Christophe Castaner. Benjamin Griveaux, fidèle lieutenant du Président Macron avait attiré à lui bien des foudres lors de la campagne Présidentielle, jugé « brillant mais cassant » par beaucoup (Lire l’article sur le lemonde.fr : Le retour en grâce de Benjamin Griveaux, nommé porte-parole du gouvernement) l’homme n’a jamais manqué d’annoncer la couleur en précisant que son avenir se dessinerait sous les ors de la République plus que dans les bureaux du quartier de la Défense. Alors certes, nombreux seront à penser, et à raison, que pour museler les ambitions de personnages trop remuant et trop velléitaires, rien ne vaut un poste ministériel ou proche de l’Elysée. Le calcul est fin, peu original, d’autres Présidents de la République ayant agi de la même manière afin de ruiner l’avenir de prétendants trop gênants ou peu appréciés…Ce n’est pas Michel Rocard qui le démentirait…
Paradoxe et liberté
Seulement éloigner, paradoxe absolu, un individu de ses ambitions en le rapprochant au plus près du pouvoir pour qu’il s’y brûle les ailes ne peut être une politique à long terme. Elle peut le cas échéant briser dans l’oeuf une aspiration de puissance mais elle ne pourra contenir une vague plus profonde. Car c’est bien à cela que s’expose le Président de la République. En ouvrant les portes des ministères à des non-politiques, peu rodés aux arcanes du genre, habitués à une liberté de mouvement et de parole que le secteur privé autorise au nom de l’ambition, le Président risque souvent au cours de son mandat de se retrouver face non pas à un Benjamin Griveaux mais plusieurs Benjamin Griveaux prêts à saisir leur chance, tant le bouleversement social que la France connaît à ce jour offre à ces prétendants aux dents longues un très large champ de possibilités. Car celles et ceux qui ont suivi Emmanuel Macron lui ressemblent ou tendent à le faire comprenant que l’ère et l’aire du politique traditionnel a changé. Désormais la politique se joue aussi dans l’entreprise et non plus à l’Assemblée nationale, dans les start-up et non plus dans les fédérations de partis, renvoyées au rang de réservoirs à militants (parfois désabusés) éloignés des ambitions des jeunes loups. Le Président de la République devra donc, et ce n’est pas en soi réellement nouveau, se méfier d’abord de ses amis pour éviter que ces derniers ne lui fassent ce que lui a fait à François Hollande. D’aucuns appellent ça de l’opportunisme heureux, d’autres de la trahison.