Phénomène de mode ou tendance durable ?

Mouvement ancien amené à resurgir à la faveur de la crise migratoire, l’identitarisme semble renaître, aidé par les mouvements populistes. Mais sa résurgence, qui pourrait se confirmer dans le temps, n’est pourtant pas inéluctable.

Etats-Unis, Hongrie, République Tchèque, Autriche et désormais Italie, autant de pays qui, apeurés par l’afflux de migrants ou ses conséquences supposées, ont opté pour la voie populiste avec l’espoir de voir la question migratoire réglée. Pourtant, s’il est indéniable que le nombre de migrants ayant traversé la Méditerranée ou le Rio Grande entre les Etats-Unis et le Mexique est en augmentation, ces flux n’ont pas bouleversé les assises sociales et économiques des pays concernés au point de remettre en cause leur mode de fonctionnement. Seules 3,4% de la population mondiale sont amenées à se déplacer dans le monde (Lire l’article sur tdg.ch : Il y a 258 millions de migrants dans le monde ). Et les gesticulations enfiévrées des dirigeants populistes ne seront jamais que des cautères sur des jambes de bois. Mais pour autant, la question migratoire a eu pour effet de mettre en évidence un phénomène, non pas nouveau car déjà ancien dans l’Histoire des peuples, mais qui a soudainement resurgi, à la faveur de peurs nouvelles, très souvent infondées, à savoir l’identitarisme ou réflexe identitaire. Et il n’est exagéré de penser que l’identitarisme sera certainement le mouvement, sinon l’un des mouvements forts du XXIème siècle. Et que le combat s’annonce rude.

Dilution et altruisme

Plusieurs raisons peuvent l’expliquer, essayer en tous cas. La crise migratoire certes mais celle-ci n’est qu’un révélateur ponctuel qui, répétons-le, trouvera son épilogue dans la progressive intégration des populations arrivées sur le sol européen ou ailleurs. Les autres raisons sont à chercher dans le sentiment, impalpable et ressenti par certains, de dilution d’une identité, d’une culture ou d’une forme de vie commune. Le républicanisme néo-conservateur et le catholicisme traditionaliste, évoqués par Danièle Sallenave (Lire l’article sur lemonde.fr : Danièle Sallenave : « L’identitarisme est la maladie du XXIe siècle » ) jouent aussi un rôle clef dans l’exacerbation de ce phénomène. Ce sentiment, renforcé par les coups de boutoir d’une mondialisation croissante et macrocéphale, dont il faut cependant limiter les effets dans ce même sentiment et dans la réalité des faits, tient avant tout de peurs profondes nourries par certaines catégories de populations : souvent acculturées, peu enclines à l’altruisme, obnubilées par la réussite matérielle et financière, adeptes d’une diplomatie forte et sans concessions ou la fermeté (parfois la plus absurde à l’image de celle voulue et développée par Donald Trump ou Matteo Salvini en Italie) l’emporte sur le dialogue. L’autre frange serait a contrario bien plus versée dans le débats d’idées, celui où la laïcité serait quelque part dévoyée pour offrir un cadre de réflexion prétendument salvateur mais qui se révèle en réalité une justification toute trouvée à un conservatisme lourdement ancré, visant ainsi des communautés bien définies, à savoir celle optant pour l’islam comme religion.

Générations perdues ?

Passé le constat et l’analyse, reste à savoir si cette l’identitarisme perdurera, combien de temps et sous quelles formes ? Premier rempart : l’éducation des générations à venir à qui les notions d’altruisme doivent être nécessairement inculquées. Est-ce à dire que les générations passées ou actuelles sont perdues ? La question reste entière. Autre rempart à l’identitarisme : la nécessaire prise de conscience des pays concernés au premier plan, non pas par une fermeture simple et définitive des frontières (car une frontière se contourne…) mais par le développement de politiques d’accueil concertées qui répartissent, selon les moyens de chacun, les migrants et ce en vue d’une intégration pleine et entière. Certes l’expérience a été tentée au sein de l’Union européenne et s’est vue sanctionnée par le refus de certains membres. Mais la question migratoire, et par là même son opposé réfractaire qu’est l’identitarisme, ne se régleront ni l’un ni l’autre par la brutalité du refus ou du déni. Comme souvent dans son Histoire, l’Humanité est confrontée à des crises diverses qui doivent non pas la diviser mais au contraire développer le terreau d’une solidarité nouvelle. Car pour simple information, nous vivons tous sur la même planète…

Diplomatie d’affaires

Le revirement de Donald Trump au sortir du sommet du G7 aussi surprenant qu’insupportable qu’il puisse être, révèle aussi la personnalité d’un individu loin d’épouser les atours d’un homme politique classique.

D’aucuns, devant la réaction de Donald Trump qui à peine après s’être envolé pour les Etats-Unis dénonçait l’accord signé quelques heures plus tôt au terme du sommet du G7, se sont étranglés d’indignation, fustigeant le président américain, jugeant son attitude aussi irresponsable qu’imprévisible. Pourtant, en analysant, en essayant au moins, cette réaction, il convient d’admettre qu’elle n’a rien d’étonnant si l’on s’en réfère au personnage et à son parcours personnel. Ainsi, les chefs d’Etat qui entouraient Donald Trump lors du sommet en question, chef d’Etat qu’est aussi le président américain, se sont-ils comportés et ont agi comme tels, conscients des enjeux que leurs positions, leurs propos et leurs décisions impliquaient à l’échelle mondiale. Sauf que Donald Trump, et c’est là que la bât blesse, n’est pas un homme politique au sens strict du terme. Il n’a pas fréquenté les institutions américaines ou les grandes écoles américaines au sein desquelles il se serait imprégné du discours politique et des méthodes qui l’accompagne, autant d’éléments qui lui auraient permis de faire valoir sa position de manière moins brutale et manichéenne.

Négociations et écho

Pourquoi ? Car Donald Trump est un homme d’affaires qui agit comme tel. Lorsque le contrat signé ne lui convient pas, ici l’accord final du sommet, il le dénonce, fut-ce au prix d’un prétexte mesquin comme la prétendue insultante intervention du Justin Trudeau, le Premier ministre canadien. (Lire l’article sur le figaro.fr : G7: Trump s’en prend à nouveau à Trudeau et menace les Européens) Certes le courage le plus élémentaire aurait voulu que Donald Trump dénonçât l’accord non pas dans son avion mais directement auprès de ses homologues mais ceci relève d’un autre registre. Donald Trump reviendra à la table des négociations quand lui, et lui seul jugera bon d’y retourner, à savoir quand la situation lui semblera propice, comprenez : favorable aux Etats-Unis. Pour autant, plusieurs raisons expliquent ce revirement. La première réside dans le fort soutien de la population américaine dont jouit Donald Trump : 44% des électeurs américains lui accordent leur confiance, les 66% restants lui sont opposés ou ne se prononcent pas ; dans la masse virulente d’opposants déclarés à sa politique, beaucoup dénoncent son incapacité à gouverner mais ne trouvent pour l’heure aucun écho dans l’électorat américain. Seconde raison expliquant ce revirement, le fait que Donald Trump a aussi été élu sur le slogan America first (L’Amérique d’abord). Et en toutes occasions, celui-ci ne manque pas de s’y plier, défendant les intérêts américains quoi qu’il en coûte, dût-il pour cela malmener, et de quelle manière, des alliés anciens et fidèles tels que l’Allemagne ou la France ; et quand bien même celui-ci serait-il amené à dénoncer un accord international comme celui signé lors du G7, le même Donald Trump, preuve à l’appui, n’hésite en rien à le faire. La troisième raison, liée à la seconde, renvoie aux prochaines élections législatives qui doivent se tenir en novembre, dites élections de mid-term (Chambre des Représentants et Sénateurs étant appelés à être renouvelés). Le Congrès (Chambre des Représentants et Sénat), actuellement dominé par les Républicains, est naturellement une force pour Donald Trump qui peut s’appuyer sur celui-ci pour développer sa politique. Or, une politique trop conciliante avec les alliés internationaux pourrait facilement blesser le corps électoral américain, déception qui serait à même de se traduire par un revers politique dont Donald Trump souhaite, évidemment, s’affranchir mais qui pourrait cependant se produire. (Lire l’article sur rfi.fr : Elections de mi-mandat: la débâcle annoncée des Républicains américains en 2018) Autant de raisons certes lointaines vues de France et d’Europe mais qui pèsent lourdement sur le président-Businessman que se veut être Donald Trump. Preuve, s’il en était encore besoin, combien Donald Trump reste un président atypique car pétri de mœurs et d’habitude banales aux Etats-Unis, mais tellement surprenante vues d’Europe, atypique car l’homme incarne une nouvelle forme de dirigeants politiques affranchis des règles qui prévalaient jusqu’alors. Ce qui est peut-être le plus inquiétant….