
Si le conflit syrien démontre une fois encore les limites de l’Organisation des Nations unies, celui-ci ne doit pas interdire de lancer une vraie réflexion sur le rôle de l’ONU et sur la réforme du Conseil de sécurité, vecteur d’enlisement et d’inertie.
Devant les bombardements russes et syriens qui n’ont de cesse de ravager la ville d’Alep, l’Organisation des Nations Unies (ONU) a réuni le 25 septembre dernier son Conseil de sécurité afin de demander l’arrêt des opérations militaires en cours (voir article sur lemonde.fr : Syrie : Alep sous les bombes, le Conseil de sécurité de l’ONU se réunit ). Indignation de pure forme quant on sait combien les résolutions ou les admonestations de l’assemblée internationale ne sont respectées que lorsque les parties à qui elles s’adressent y trouvent un intérêt. Voilà des années, voire des décennies, que observateurs, diplomates, politologues, experts en relations internationales et autres organisations non gouvernementales plaident pour une refondation de l’ONU, refondation qui changerait non seulement les objectifs et les moyens de l’assemblée, mais aussi son rôle fondamental. Certes changer serait une évolution bénéfique pour une institution d’apparence monolithique et quelque peu enlisée dans des concepts qu’elle même a du mal à défendre aujourd’hui. Changer donc ! Oui ! Mais pour quoi ? Pour quelle forme et quels nouveaux objectifs ? Contrainte par la notion de non ingérence, l’ONU est paralysée par les textes qui la régissent et la fondent. Les Casques bleus, illustration de cette force armée impuissante, privée du droit d’intervenir militairement, sont devenus, sinon la risée du monde entier, du moins des cibles faciles pour belligérants en manque de cartons. Certes, et à raison, d’aucuns objecteront, que l’ONU est en mesure de faire appel à des armées nationales pour agir en son nom, que des résultats probants ont marqué son histoire mais force est de constater qu’elle n’a pas su éviter ou canaliser les conflits les plus meurtriers.
Privilèges et droit international
Fondée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour en éviter une troisième déflagration armée, l’ONU est finalement devenue un club de nations vivant à crédit sur les vestiges de leurs passés glorieux respectifs sans jamais penser à combler leur passif. (voir article sur lefigaro.fr : À quoi sert encore l’ONU ?) Comment ? En remplaçant des privilèges diplomatiques excessifs au regard de leur poids sur la scène internationale, privilèges ayant tendu à restreindre la portée du droit international sur lequel est basée l’Organisation. A l’arrivée, l’institution s’enlise dans l’inertie coupable d’un verbiage inutile sans jamais s’interroger (ou alors bien discrètement) sur son devenir ou son essence actuelle. Et à ce jour, il serait terriblement compliqué de réformer l’ONU tant les nations qui la composent sont soucieuses de préserver leurs intérêts particuliers au mépris de pays ravagés par la guerre et qui attendent (mais attendent-ils encore vraiment ?) de l’institution une forme, à défaut une esquisse, d’action concrète. Il est devenu tellement improbable et complexe de réformer l’ONU que l’on a fini par s’habituer à ce qu’elle est : une sorte de ministère des Affaires étrangères mondial où se croisent les diplomates internationaux pour digresser des malheurs de la Terre. Passionnant certes pour tout politologue mais largement insuffisant pour une institution censée réguler et tuer dans l’oeuf les poussées belliqueuses du Monde. Que faudrait-il alors pour rendre l’ONU efficace, crédible à tous le moins ? La première des choses serait peut-être, à défaut de froisser définitivement les anciennes puissances coloniales que sont la France et la Grande Bretagne, de supprimer le droit de veto. «Impensable ! » s’écrieraient tous les diplomates des nations concernées. Et pourtant, le supprimer faciliterait ô combien le rôle de l’ONU en général, et en particulier, celui des Casques bleus et de l’ensemble des offices et autres organisations qui y sont liées.
Grandeurs nationales obsolètes
Outre cet aspect, l’ONU deviendrait un véritable acteur diplomatique défait de freins aujourd’hui ancestraux attachés à des grandeurs nationales devenues obsolètes voire fantasmatiques. Second point, donner aux Casques bleus une vraie autonomie militaire, un pouvoir d’intervention voté en assemblée naturellement mais qui serait désormais libéré d’un rôle passif qui prêtait à sourire. Censée assurer la paix dans le Monde grâce à un dialogue permanent des pays y siégeant, l’ONU s’est vite transformée en une réunion privée de cinq grandes puissances (considérées comme tel en tous cas pour la France et la Grande-Bretagne) qui décidaient selon leur bon vouloir de telle ou telle intervention, se réfugiant derrière le sacro-saint droit de veto si leur image ou leur intérêt étaient menacés. Les exemples ne manquent pas… Dernier point et non des moindres, à la frontières du droit et de la philosophie, repenser le droit d’ingérence non plus comme un obstacle à l’intervention de l’ONU ou d’un pays désigné en son nom mais comme un passeport à la sauvegarde de l’intérêt général et de la protection des populations. Le concept, multiple et complexe pourrait être étudié en ce sens et ce au plus vite. Aujourd’hui pourtant, malgré les limites criantes de son action, l’ONU reste la seule structure mondiale dédiée au maintien de la paix. Preuve que son existence n’est pas vaine mais que son mode de fonctionnement doit être amélioré. Vite car en Syrie et ailleurs, pleuvent les bombes…