De légèreté en approximations

L’enquête ouverte par la justice italienne à l’encontre de Matteo Salvini met en évidence l’ignorance de la coalition populiste au pouvoir en matière juridique quand l’incurie ne touche pas l’économie ou l’engagement européen.

Alors que d’aucuns pensaient, et parmi eux leurs premiers partisans, les partis populistes européens engagés sur une irrésistible pente ascendante, voilà que la justice italienne ouvre une enquête sur Matteo Salvini, Ministre de l’intérieur italien, pour séquestration, arrestations illégales et abus de pouvoir (Lire l’article sur lemonde.fr : Les migrants du « Diciotti », bateau bloqué cinq jours à Catane, enfin autorisés à débarquer). Certes, il est fort à parier que l’homme criera au scandale et au complot, utilisant ainsi les armes classiques des populistes pris la main dans le sac de la forfaiture. Cette enquête, qui pourrait aussi être classée sans suite, met cependant en évidence la fragilité d’individus qui ont conquis le pouvoir en mettant d’abord en avant leur probité politique pour obtenir l’adhésion des électeurs. Mais plus que de fragilité il conviendrait aussi d’évoquer surtout une certaine ignorance de la Loi, celle qui régit les rapports sociaux et assure à toute société un fonctionnement sain et rationnel. Or, la particularité des partis populistes, et la coalition présente n’y échappe pas, est de souvent s’affranchir, dans leurs discours puis dans les faits, de la loi et des règles communes, soit en appelant le simple quidam à les transgresser, soit en les niant, soit en proposant de les modifier voire d’en créer de nouvelles prétendues plus adaptées. En l’état, il apparaît que Rome s’est largement moqué des lois régissant le droit italien, allant même jusqu’à contrarier la Constitution.

Dura lex, sed lex 

Les partis populistes, à commencer par la Lega de Matteo Salvini, et dans une certaine mesure le mouvement 5 Etoiles de Luigi di Maio, aujourd’hui les ensembles politiques les plus célèbres d’Europe, ont trop vite confondu désirs politiques et réalités sociales. Dura lex, sed lex ! (La loi est dure mais c’est la loi) Dernier exemple en date, les menaces proférées à l’endroit de l’Union européenne qui pourrait se voir privée de la contribution italienne (13,9 milliards d’euros en 2016)* au budget européen. Qui en Europe aujourd’hui imagine qu’un pays fondateur de l’Union puisse faire défaut ? Personne ! Si ce n’est ceux qui ont proféré ces menaces, en l’état le Gouvernement italien. Pour autant, deux point doivent être dès lors soulignés : Primo, l’Italie, troisième économie européenne, a besoin des aides communes qui s’élèvent à près de 12 milliards d’euros en 2016* et le Gouvernement de Giuseppe Conte en est parfaitement conscient ; Secondo, il y a de la part de ce gouvernement une forme de mépris à l’endroit de ces propres électeurs en avançant de telles allégations. Car le programme politique du Gouvernement Conte s’appuie aussi sur les aides européennes.

Fiabilité et crédibilité

Ce chantage, que d’aucuns jugeraient grotesque, salit l’image d’un pays fondateur pris dans l’étau d’une coalition vouée à l’échec et mue par la seule volonté de bouleverser l’échiquier politique italien sans apporter de plan d’action fiable et crédible. Mais en outre, il décrédibilise une coalition politique trop hétérogène pour espérer impressionner la Commission européenne. Autant de contradictions qui fragilisent un ensemble où affleurent approximations et coups de mentons aussi inutiles que ridicules pour beaucoup. Et désormais se pose la question, alors que les migrants du Diciotti ont enfin été autorisés à débarquer et que l’Italie continuera de percevoir les aides européennes, combien de temps perdurera l’expérience populiste en Italie ? Car on ne peut diriger un pays moderne et puissant à coups de fanfaronnades ou de déclarations tapageuses. Ma è Cosi !

 

* Note : En 2016, le budget de l’Union européenne s’élève à 155 milliards d’euros. L’Allemagne est le plus gros contributeur de l’Union européenne (23,3 milliards d’euros), suivie par la France (19,5 milliards d’euros), l’Italie (13,9 milliards d’euros) et le Royaume-Uni (12,8 milliards d’euros). Toutes politiques européennes confondues, l’Espagne est le pays ayant reçu le plus fort montant de l’UE en 2016 (11,593 milliards d’euros), suivie de près par l’Italie (11,592 milliards d’euros), la France (11,3 milliards d’euros), la Pologne (10,6 milliards d’euros) et l’Allemagne (10,1 milliards d’euros). https://www.touteleurope.eu