Ainsi vécu la Pax Europea

L’invasion de l’Ukraine a bouleversé l’équilibre géopolitique continental qui reposait depuis 1945 sur le postulat d’une Pax Europea. Confronté à son premier conflit depuis près de 80 ans, l’Europe doit se préparer à essuyer de futurs micro-conflits régionaux à même de mobiliser les alliances internationales passées avec les trois grands : Etats-Unis, Chine et Russie.

Depuis 1945, prévalait en Europe l’idée qu’aucune crise majeure ne viendrait briser la paix voulue durable par les acteurs qui avaient animé le Second Conflit mondial. Certes, des évènements, tels la construction du Mur de Berlin (1961), la crise de Budapest (1956) ou l’invasion de la Tchécoslovaquie (1968) ont effrayé la planète qui tremblait devant les chars soviétiques. Mais jamais pourtant ces crises ne dégénérèrent. Beaucoup figèrent la géopolitique européenne pendant des décennies mais aucune ne parvint à sérieusement altérer le consensus pacifique qui régissait les rapports Est-Ouest. Plusieurs raisons peuvent l’expliquer. D’abord la dissuasion nucléaire fut l’un des éléments majeurs de cette Pax Europea. La peur de l’arme nucléaire a tétanisé des générations d’Européens qui préféraient pourtant la posséder mais sans l’utiliser. Cet équilibre par la terreur qui reposait sur le risque que l’une des puissances détentrices de la Bombe ne l’utilise à ses dépends a longtemps servi de pilier diplomatique. Second élément, la volonté pour les peuples d’Europe de construire, à l’Ouest au moins, un ensemble politique géographiquement dense et continu que l’on nomme aujourd’hui Union Européenne. Passons sur les critiques qui s’abattent sur les institutions européennes mais force est de constater que l’Union européenne constitue un ensemble pacifié, sécurisé et globalement respecté dans le monde.

Vocation et points chauds

Pourtant, la guerre en Ukraine semble avoir rebattu les cartes de cet ordonnancement désormais bouleversé par les ambitions d’un homme Vladimir Poutine soucieux, pour des raisons qui lui sont propres, de rendre à son pays la Russie, l’aura et la puissance dont elle jouissait par le passé, ici au XIXème siècle. En parallèle, ont émergé des nations, fruits de l’éclatement de l’Union soviétique, désireuses aujourd’hui de rallier l’Europe de l’Ouest, non d’un point de vue géographique mais économique et culturel. Le processus amorcé en 2004 par l’entrée de nouveaux pays dans l’Union européenne, avait vraisemblablement vocation à se poursuivre mais s’est vu interrompu par l’invasion de l’Ukraine. En créant une zone de conflit au coeur du continent européen, la Russie, puissance nucléaire reconnue, a totalement déstabilisé les fondations d’un espace géographique construit depuis près de 80 ans autour de la notion de paix. Est-ce à dire que cette ère est révolue ? Il semble bien que oui car si le conflit ukrainien, appelé à durer, finira par s’arrêter, il est à craindre que d’autres émergeront dans les années à venir. Les points chauds ne manquent pas. Turquie, Géorgie, Kurdistan,…Sont autant de sources de conflits certes en périphérie de l’Europe mais qui sont par les pays qui sont impliqués, pleinement liés à l’Europe, à l’Union européenne et ses principes pacifiques ou à l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord)

Havre de paix

Si les historiens sont encore trop prudents pour l’admettre, et leur position est compréhensible, il apparaît que la crise ukrainienne a marqué un tournant dans l’appréhension des futures relations internationales, géopolitiques et géostratégiques. L’Europe n’est plus le havre de paix qu’elle était, preuve en est la volonté la Suède et de la Finlande, bastions de neutralité depuis des décennies, de rejoindre les rangs de l’OTAN pour se protéger de la Russie. La question qui agite désormais les nations européennes n’est même plus d’ordre énergétique car le pétrole, voué à être remplacé, ne figurera qu’un temps au chapitre des préoccupations essentielles. La question est avant tout sécuritaire au point que les chancelleries vont toutes, si ce n’est pas déjà le cas, entrer dans des phases de négociations actives afin de trouver dans les meilleurs délais des accords de coopération défensifs efficaces. De terre globalement pacifiée de l’Atlantique à l’Oural, l’Europe menace de devenir un espace de micro-conflits, extrêmement violents et destructeurs, qui n’embraseront pas la planète mais qui solliciteront les alliances internationales articulées autour des Etats-Unis, de la Chine et de la Russie. Et pour qui en douterait, il semble désormais certain que le monde a définitivement basculé pour entrer dans une ère de conflictualités nouvelles basées sur le poids et l’influence des alliances plus que sur la pertinence des principes ou prétextes avancés pour conquérir tel ou tel territoire. La raison du plus fort en somme.

Une Assemblée de circonstances

La nouvelle Assemblée Nationale sera soumise au règne de la compromission et des coalitions de circonstances si chaque parti d’opposition souhaite imprimer sa marque sur telle ou telle loi. Ou comment transformer une gifle électorale en victoire silencieuse pour une majorité relative devenue incontournable. Explications.

Parmi tous les commentaires et analyses qu’ont amenés les résultats des élections législatives, nombre d’entre elles ont mis en évidence l’impossibilité pour le Président de la République de s’asseoir sur une majorité fiable, l’émergence de l’alliance de gauche, la poussée du Rassemblement National, autant d’éléments qui donnaient, et donnent encore à l’Assemblée Nationale un aspect inédit sous la Cinquième République. Et parmi les multiples avatars liés à ce scrutin si particulier, la volonté pour chaque parti en présence et non majoritaire de vouloir conserver son indépendance. Ce dernier aspect est par ailleurs intéressant à plus d’un titre car il met en évidence la nécessité pour les partis historiques (Les Républicains, Parti Socialiste, Europe Ecologie – Les Verts, Rassemblement national) de continuer à exister dans un paysage politique bouleversée par cinq de macronisme. Les résultats inespérés en terme de voix et de sièges pour ces mêmes partis s’apparentent presque aujourd’hui à une forme de revanche face à un Emmanuel Macron touché au flanc. Or la volonté de conserver une identité politique en dépit de réalités comptables qui finiront par s’imposer lors du vote des lois, témoigne aussi du désespoir et de la faiblesse de formations qui peinent à survivre. Pour autant, retournons un instant les résultats obtenus.

Compromission et coalition

Certes la majorité présidentielle n’est forte que d’une majorité relative mais reste la première formation de France d’un point de vue électoral. Les partis d’opposition, tels qu’ils se présentent et se revendiquent, puissants, mais en proie à de possibles divisions, sont l’expression d’un électorat contestataire ou conservateur, qui pris individuellement, sont minoritaires à l’échelle nationale. (lesechos.fr : https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/) La nécessité pour le parti présidentiel de négocier et de nouer des alliances choisies et pertinentes s’impose tout comme s’impose la nécessité d’édulcorer les projets de loi que portait le candidat Macron. De cette quête d’existence des partis historiques, le parti présidentiel pourrait tirer avantage car il est peu probable que Nupes et Rassemblement National soient capables de s’entendre sur un quelconque texte, fût-il d’essence sociale, préoccupation partagée par les deux partis. La crise démocratique que vit ainsi le pays et qui s’illustre par l’extrême fragilité des équilibres au sein de l’Assemblée Nationale peut aussi être interprétée comme une solution à ladite crise. En jouant le jeu de la coalition et du compromis exigeant, comme c’est souvent le cas en Allemagne, et afin de ne pas bloquer le pays, la majorité présidentielle disposerait alors d’un atout de poids d’abord par son nombre ensuite, ironie de la situation, en se rendant indispensable à des oppositions soucieuses d’imprimer leur marque dans les projets ou propositions de lois, ces dernières se voyant dans l’obligation de composer avec l’incontournable majorité relative. (Lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/international/article/) Dès lors, la nouvelle configuration de l’Assemblée nationale constitue un véritable cas d’école de sciences politiques, entre réalisme et compromissions ou comment transformer une gifle électorale en une très fragile victoire silencieuse. Car en donnant une influence plus large, certes factice et superficielle, aux partis d’opposition que celle que leur présence initiale au sein de l’Hémicycle leur confère par leur nombre de siège, la majorité pousserait ces mêmes partis à une obligation d’excellence et d’exigence à l’endroit de leurs électeurs qui attendront des résultats fidèles aux engagements pris lors de la campagne. Et de là pourrait naître désillusion et décalage entre électeurs convaincus et députés devant se plier au compromis. Que cette mandature promet d’être riche en rebondissements !

L’Ukraine et Machiavel

Alors que s’éternise le conflit le plus violent que l’Europe ait connue depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les opinions publiques mondiale tendent à montrer progressivement des signes de lassitude face à une crise jugée lointaine, désormais préoccupées par d’autres thématiques de nature sociale ou économique.

Entre taux d’abstention, hausse progressive des taux d’intérêt, possible cohabitation et canicule, l’Hexagone, et avec lui une grande partie de l’Occident, semble s’être quelque peu désintéressé du conflit qui oppose l’Ukraine à la Russie. Plusieurs raisons expliquent cette perte d’attention à commencer par l’enlisement d’une guerre que d’aucuns pensaient rapide, voire éclair, arguant à voix basse que l’opposition ukrainienne, certes valeureuse et courageuse, ne résisterait guère à la puissance russe. Pourtant, si chaque jour qui passe est un rappel au conflit, ne serait-ce que par la part de cette guerre dans l’envolée des prix, il apparaît simplement qu’une forme de lassitude touche nombre d’entre nous au regard de cette crise aux effets pourtant essentiels dans l’équilibre diplomatique et géostratégique de l’Europe. De là à penser qu’une actualité chasse l’autre, le pas est vite franchi mais s’avère vrai tant le conflit ne paraît plus être une priorité, supplanté par d’autres thèmes érigés en urgence. La proximité de la période estivale, les épreuves du baccalauréat ou les destinations choisies pour les vacances sont autant de thématique plus heureuses et moins anxiogènes pour nombre d’entre nous.

Devoir négocier

Le sort des Ukrainiens, qui nous avaient tant ému lors des premiers jours du conflit où se multipliaient analyses politiques et géopolitiques, manifestations de soutien, campagne de dons et autres gestes de solidarité, passe désormais au second, voire au troisième rang des préoccupations. Preuve en est, les déclarations du Président de la République, Emmanuel Macron, qui annonçait le 15 juin que l’Ukraine devait se préparer à négocier avec la Russie de Vladimir Poutine (lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/politique/article). Cette dernière annoncée moribonde des dizaines de fois et son président avec, ont pourtant encore pied en Ukraine. Alors vers quelle partition ce dirige le pays de Volodymyr Zelensky ? Passée l’émotion du conflit et celle liée aux dizaines de victimes militaires, ou innocentes, car civiles du conflit, l’Ukraine devra certainement accepter de céder les territoires sous influence russe depuis 2014 ainsi que le port de Marioupol et peut-être celui d’Odessa. Ces prises de guerre aussi symboliques que stratégiques pour Vladimir Poutine constitueront le coeur des négociations entre les deux belligérants. Loin de France et d’une grande partie du monde, ces buts de guerre, aux yeux des Ukrainiens impossibles à abandonner, ne sont pour le reste de la planète que des confettis dans l’immensité des problèmes à venir.

Rivalités mobilisées

« Lâcheté ! » crieront certains et à raison quand d’autres argueront du fait que l’Europe et le camp occidental ont déjà fait beaucoup pour une Ukraine dévastée. Face à un conflit finalement régional aux conséquences mondiales car prompt à mobiliser les anciennes ou actuelles rivalités entre les Etats-Unis, la Chine et la Russie, il apparaît aussi que cette guerre échappe dans ses motifs profonds à nombre d’entre nous. Certes l’hégémonie russe, la volonté de créer un cordon sanitaire entre l’Occident et l’Europe orientale, l’expansion de l’OTAN sont autant de prétextes avancés par Vladimir Poutine pour justifier ce conflit, mais ces-derniers compris, sans pour autant être acceptés, renvoient à des rancoeurs, et à des haines cuites et recuites entre les deux peuples qui sont étrangères aux Occidentaux, pressés de leur côté de passer à autre chose, en tous cas ne plus avoir à se préoccuper d’un conflit de plus en plus lointain. Légitime ou non, ce sentiment qui pousse à s’éloigner des maux des Ukrainiens renvoie à des instincts humains jugés comme parfois les plus vils : égoïsme et individualisme. Certes. Mais comme le rappelait Machiavel, non sans réalisme, “Les hommes ne savent être ni entièrement bon, ni entièrement mauvais.”

De vide et d’opposition

L’appauvrissement du paysage politique français ne pouvait qu’aboutir à l’émergence d’une opposition idéologique frontale entre les tenants d’un libéralisme teinté de social-démocratie et ceux d’un progressisme revendicatif dont chacun sait tirer profit. Explications.

Quel que soit le résultat des élections législatives (12 et 19 juin prochains), un constat s’impose déjà : le paysage politique français déstructuré au lendemain de la première élection d’Emmanuel Macron est désormais clairement fracturé, ou sur le point de l’être, en deux pôles. Le premier articulé autour de la personne du président réélu, entre libéralisme assumé et social-démocratie à géométrie variable ; le second autour de Jean-Luc Mélenchon et la France Insoumise, mu par la volonté de réformes et de refontes sociales imaginées afin de réduire les inégalités creusées au fil des années. Pertinents ou pas, ces deux blocs, qui éludent les partis historiques, y compris le Rassemblement national qui semble s’être éteint au soir du 24 avril, occupent la scène politique nationale avec l’espoir de dominer à terme l’Assemblée Nationale. Pour autant, sans s’arrêter sur les programmes de chacun, leur simple présence tend à prouver combien au fil des années le paysage et les propositions politiques se sont affaiblis et appauvris. Convaincus, l’un et l’autre, d’incarner les désirs et les souhaits profonds des Français, ce qui est en partie vrai, ces deux blocs tendent surtout à s’affronter, certes d’un point de vue idéologique, mais surtout dans une logique d’opposition qui se nourrit de la détestation de l’adversaire politique.

Progressisme et ego démesuré

Première victime de cette tactique, le contenu politique et idéologique des programmes de la majorité présidentielle sortante et du premier adversaire, ici la Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale (NUPES). Articulées autour de revendications ou de propositions qui tendent, pour l’une, d’assurer une forme de continuité politique amorcée en 2017, et pour l’autre de rebattre les cartes de la gauche historique en convoquant un progressisme actif et exclusif, Majorité présidentielle et Nupes ne sont en réalité que les bras armés de deux hommes que tout oppose, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon. Le premier réélu dans des circonstances qui invitent à l’humilité, le second qui ambitionne ouvertement d’endosser les habits de Premier ministre, se posent en pierre angulaire d’un univers politique qu’ils occupent de toute leur personne. Ainsi, quel que soit les résultats du scrutin, la majorité qui se fera jour à l’Assemblée servira certes une politique mais aussi un homme à l’égo quelque peu démesuré quand la situation générale du pays tout comme celle qui prévaut à l’échelle internationale poussent à la retenue et à la pondération. Ce duel à distance, féroce et acharné, s’il n’est en rien inédit dans l’Histoire de la politique française, n’a peut-être pourtant jamais été aussi clivant tant les deux protagonistes incarnent à leur tour tout ce que l’un et l’autre peuvent détester chez chacun d’eux. Cette bi-polarisation, qui prête à sourire ou à irriter devant les outrances commises de par et d’autre, n’est pourtant en rien rassurante car elle met en évidence, comme indiquée plus haut, la vacuité et la pauvreté, au mieux, des organisations politiques actuelles, incapables de proposer une alternative crédible.

Fourre-tout et nuances

Vidé de toute substance, l’environnement politique qui avait survécu tant bien que mal entre 2017 et 2022, se retrouve désormais asséché pour laisser place à une opposition binaire, presque manichéenne, qui prend les allures de fourre-tout électoral selon ses sensibilités personnelles. A Emmanuel Macron les socio-démocrates, à l’aise avec le libéralisme économique et la mondialisation heureuse ; à Jean-Luc Mélenchon, les progressistes déçus de la gauche traditionnelle, en mal de réformes sociales d’envergure. En renouant avec une forme de socialisme imprégné d’accents que Jean Jaurès, Jules Guesde ou Auguste Blanqui n’auraient pas renié, Jean-Luc Mélenchon se pose en tribun populaire et charismatique face à un intellectuel froid et mécanique. L’opposition, aisée à intégrer pour nombre d’électeurs épuisés par les nuances qui ont longtemps fait figure de différences érigées en fractures entre les partis d’antan, revêt finalement des effets bénéfiques pour les deux acteurs du moment. Face à un appauvrissement culturel et politique du corps électoral, il est devenu plus facile de convaincre que de séduire et ce à coups de mesures phares ou de promesses mirobolantes. Voilà l’aspect du paysage politique contemporain de l’Hexagone qui rappelle tant celui qui prévalait dans l’ancienne, et pourtant si instructive, République romaine (509 à 27 av. J.-C.), où les Optimates, parti des aristocrates et du patriciat s’opposait aux Populares, parti du peuple, chacun ayant son champion. Pour le premier Pompée, pour le second César, tous deux sacrifiés sur l’autel de leur ambition.

La potiche européenne

Le renforcement de l’aide accordée à l’Ukraine par les Etats-Unis condamne l’Union Européenne et les Européens à un rôle de faire-valoir. Ne pouvant rivaliser avec les moyens nord-américains, l’Europe se borne à engager contre la Russie des sanctions économiques aux effets pour l’instant incertains.

En annonçant son intention d’accroître son aide à l’Ukraine sans vouloir toutefois s’engager dans une logique de confrontation directe avec la Russie, le président des Etats-Unis, Joe Biden, met l’Europe occidentale et l’Union européenne dans une situation des plus délicates en escamotant l’une et l’autre des négociations actuelles ou à venir. Ainsi, en isolant les Européens du processus de règlement du conflit, les Etats-Unis se posent-ils en unique interlocuteur face à une Russie finalement trop heureuse de renouer avec une confrontation classique est-ouest qui lui offre une certaine substance diplomatique inespérée. Car les efforts menés par la Maison Blanche depuis le début du conflit ne sont en rien désintéressés. L’occasion pour les Etats-Unis de reprendre la tête des relations internationales après le fiasco afghan en 2021 et le trouble occasionné par le traité Aukus (alliance Australie, les États-Unis et le Royaume-Uni) portant sur les sous-marins nucléaires leur est ici servi sur un plateau. Jouant son meilleur rôle, à savoir celui de gendarme du monde volant au secours d’une nation agressée et outragée, les Etats-Unis, renvoient les Européens aux mesures de rétorsions dont ils sont seulement capables, de banales sanctions économiques qui ne semblent pas effrayer la Russie de Vladimir Poutine. (lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/international/article/2022/06/01/)

Cristallisation du conflit

Ce double-jeu qui consiste ainsi à aider l’Ukraine tout en isolant les Européens pour affaiblir leur influence sur le continent pourrait être considéré comme classique, voire banal, de la part de la première puissance économique et militaire du monde. Sauf que ce jeu, voulu par Joe Biden, pourrait aussi considérablement rafraîchir les relations américano-européennes et ce pour plusieurs raisons. En premier lieu, le conflit, qui a provoqué une hausse brutale des prix du pétrole dans un pré-contexte d’inflation larvée lié à la pandémie, expose à tous points de vue les Européens qui voient à leur porte une guerre nourrie en sous main par les Etats-Unis. Ce même conflit, sur le point de se cristalliser sur la seule région du Donbass, est donc à même de créer un foyer de tensions sur le continent européen, loin des Etats-Unis, épargnés dans une certaine mesure par les conséquences économiques et humaines d’une guerre amenée à durer encore longtemps. Ainsi, d’aucuns verraient dans l’attitude des Etats-Unis la volonté, non avouée, d’affaiblir une puissance économique aussi rivale à l’échelle mondiale. Alors que la Chine tente de se débarrasser sur son sol des derniers foyers de Covid, (francetv.fr : https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/) faisant planer sur les marchés mondiaux l’incertitude liée à cette tentative, les Etats-Unis tentent à leur tour de sécuriser une aire politique et économique, ici l’Europe quand les relations sino-américaines tendent à se maintenir dans un statu-quo dégradé.

Alliés de circonstances

Et de là à dire que les Etats-Unis développent une approche pragmatique, presque cynique, de la situation diplomatique en Europe, en vue de maintenir ou protéger leurs intérêts, il n’y a qu’un pas. Est-ce à dire qu’il n’y a en matière de relations internationales que des alliés de circonstances dont la fidélité évolue au gré des évènements et surtout des intérêts que chacun entend protéger ? Il ne serait pas incongru de le penser au regard de la situation actuelle où l’Ukraine et son président Volodymyr Zelensky tancent régulièrement les Européens afin que ces derniers accentuent la pression sur Vladimir Poutine, encouragés en cela par la position des Etats-Unis habiles à jouer des obligations et des principes défendus par les Européens. Nouvelle partie d’échec à l’échelle européenne mais aux répercussions mondiales, la crise ukrainienne a révélé toutes les errances et les failles de la diplomatie européenne, toute la capacité d’adaptation des Etats-Unis dans un contexte mondial bouleversé et surtout toute la fragilité d’un continent, ici l’Europe, encore exposée aux affres d’une démoctature telle que la Russie.