Trêve des confiseurs

Mes très chers lecteurs, permettez-moi d’honorer une tradition des plus classiques que celle de la trêve des confiseurs.

Aussi, nous retrouverons-nous début janvier 2023 pour une nouvelle année que nous espérons tous pleine d’une actualité positive et des plus joyeuses.

Naturellement, vous pouvez retrouver tous mes précédents articles sur le blog à votre convenance.

D’ici là, je vous souhaite à tous d’excellentes fêtes de fin d’année.

Un ver dans le fruit

L’affaire de corruption qui secoue le Parlement européen entache non seulement la réputation d’une institution fondée sur des principes éthiques et humanistes mais jette aussi l’opprobre sur une sphère politique européenne déjà souvent critiquée.

Le mal est fait

On pensait l’institution incorruptible tant la complexité de son fonctionnement, où se succèdent organismes et commissions de contrôles, semblait entraver toute tentative de corruption. Et pourtant, voilà le Parlement Européen entaché par une affaire de pots de vin dont il serait volontiers passé et qui met, de surcroît, en exergue les relations entre le Parlement et un pays au coeur de l’actualité, à savoir le Qatar. Au-delà des personnes impliquées, dont l’une des vice-présidentes, Eva Kaili, cette affaire jette le trouble sur une institution souvent décriée et, par effet, de domino sur l’Union Européenne. Accusée de nombreux maux par ses détracteurs, l’Union perd via cette affaire une part de crédibilité qu’elle cherche à protéger depuis sa création. Sale coup donc pour l’Europe politique qui était parvenue par la guerre en Ukraine à donner le sentiment d’une solidarité nouvelle face à l’expansionnisme russe. Mais ici, point de Russie à l’horizon, mais le Qatar, pays lui aussi décrié depuis le début dela Coupe du Monde de football, notamment en raison du traitement des personnels ayant participé à la construction des stades.

Car pour beaucoup, cette affaire de corruption n’en serait qu’une de plus si elle ne concernait pas l’Union européenne. Cette dernière, fondée dès son origine sur le respect des droits humains et de l’Homme en général, se voit salie par une affaire mettant en cause un pays où justement les droits humains dans son acception la plus large est des plus contestables et des plus contestés pour le moins. Voilà en quoi la crédibilité de l’institution, qui souffrait déjà d’une image plus ou moins dégradée, se voit altérée car adossée par devers elle désormais à la polémique portant sur les conditions de travail pratiquées dans l’émirat. Certes, cette affaire de corruption ne concerne qu’un nombre restreint de personnes rapidement ostracisées mais comme l’affirme l’adage populaire, « le mal est fait ». Et les commentaires fondés ou infondés, sur l’influence de la puissance qatarie de certainement redoubler dans les semaines et les mois à venir. Autre évidence mise en exergue par cette affaire, au-delà de la crédibilité entachée, l’avidité de certains élus, pourtant sensés défendre les idéaux humanistes et égalitaires avancés par l’Union européenne. Mais là encore, répétons-le, il ne s’agit que d’une infime minorité d’individus sauf si les investigations menées par la police belge venaient à faire émerger d’autres cas de collusions. Et par cette affaire de voir à nouveau l’image et la probité d’élus et plus largement de la sphère politique gravitant autour du Parlement et de l’Union européenne d’être aussi altérées. Séduits, voire éblouis au point d’en perdre le sens de leur mission originelle par la réussite économique du Qatar, certains élus ont donc succombé aux sirènes de l’argent en échange de décisions favorables à l’émirat qatari. Ainsi, dans une logique de soft power que d’aucuns qualifieraient d’un peu grossière dans son exécution (car le but d’une influence est de rester invisible), l’émirat s’est infiltré via des complicités choisies au sein d’une institution une fois de plus fragilisée.

L’Iran lève le voile ?

Alors que l’Iran est bousculé depuis plusieurs mois par des manifestations appelant à une libéralisation du régime, la République des Mollahs a annoncé abolir la Police des Moeurs tant redoutée par les femmes iraniennes. Premier signe d’effondrement ou simple geste tactique ?

Avec l’annonce de l’abolition de la Police des Mœurs qui veillait au respect de la loi imposant aux femmes de porter le voile sur l’ensemble du territoire iranien, d’aucuns penseraient que le régime montre ici une première faille. Il est vrai que ce qui peut être assimilé à un signe d’ouverture de la part de République islamique laisse à penser que l’Iran se dirige vers la voie d’une modernisation attendue tant en interne qu’en externe, de nombreux pays réclamant l’abolition du port du voile depuis de nombreuses années et plus largement un desserrement du régime englué dans une crise sociale, politique et économique sans fin. Pour autant, aussi encourageant que soit ce geste, il faut rester prudent sur les ambitions des dignitaires du régime certes talonnés par des réformateurs de plus en plus puissants et écoutés.

Une jeunesse tournée vers l’Ouest

Prudence donc et plusieurs raisons y invitent à commencer par la volonté des mollahs de vouloir calmer rapidement par un geste fort et concret la contestation sociale qui agite le pays depuis le 16 septembre suite à l’arrestation le 13 septembre dernier de Mahsa Amini, jeune étudiante kurde iranienne qui avait défié le pouvoir en retirant son voile. Deuxième raison, en décrétant l’abolition de la Police des Moeurs, le régime détourne aussi les manifestants des autres motifs de contestation susceptibles d’ébranler plus encore un régime fragilisé. Rongée par l’inflation, perclus de sanctions internationales, discréditée et isolée sur le plan international, l’Iran ne plus compter aujourd’hui que sur le soutien de la Russie et de la Chine, eux-mêmes en mal de reconnaissance, notamment la Russie. Enfin, dernier point, et non des moindres, alors que l’Iran est fortement suspectée d’enrichir de l’uranium à des fins militaires, l’abolition de cet organe d’État, donne à l’Occident des gages de bonne volonté et de compréhension face à une jeunesse désormais plus tournée vers l’Ouest de vers l’Est. In fine, équation complexe que celle à laquelle est confronté le régime car à trop céder à une population iranienne globalement jeune et avide de modernité, le risque de voir la République islamique sérieusement vaciller, puis déborder, devient réel. Dans un autre temps, ne se contenter que de ce seul geste pourrait apparaître comme un minimum appelant à d’autres avancées tant le peuple iranien aspire à de profonds changements tant dans le statut des femmes en premier lieu mais aussi dans le fonctionnement de la société iranienne. Ainsi, affirmer que l’Iran est au bord d’une seconde révolution est certainement excessif mais n’est pas totalement inopportun pour autant. Etouffée par des principes religieux jugés aujourd’hui dépassés, la population iranienne, cultivée et éduquée, ne saurait se satisfaire de la seule abolition de la police des Moeurs, cherchant très certainement dans les semaines à venir à pousser son avantage tant les manifestations ont su effrayer le régime.