Au tour du Père Fouettard…

L’idée avancée par le Président de la République de renforcer le suivi des demandeurs d’emploi dans une logique de flexisécurité comparable à celle prévalant dans les pays scandinaves renvoient les Français à la réalité d’un système admiré mais fantasmé. Explications.

Longtemps les Français ont envié, voire admiré, le système de gestion scandinave des demandeurs d’emplois. Ces derniers, suivis et formés pendant toute leur période d’inactivité, choisie ou non, semblaient, vu de l’Hexagone, comme choyés par une économie et une société prêtes à tout pour qu’ils retrouvent au plus vite un emploi. Cette admiration, par certains aspects fondée, révélait aussi une critique sous-jacente de notre propre système dont la gestion a d’abord été confiée à l’Agence nationale pour l’Emploi (chère à Jacques Chirac puisque c’est lui qui en 1967 a présidé sa création) puis à Pole Emploi. Pour autant, cette critique se voulait bien plus orientée contre une élite politique en charge des responsabilités nationales, dont celle de la résorption du chômage, et incapable d’en freiner ou d’en inverser la croissance que contre un système, en l’état celui de l’assurance-chômage globalement confortable et peu contraignant.

Revers et ignorance

Mais voilà que depuis quelques jours flotte dans l’air la rumeur d’une possible réforme du suivi des demandeurs d’emploi en France. Certes entre la dinde et la bûche, la rumeur a vite été oubliée mais pour autant la note qui circule entre l’Elysée et le Ministère du Travail n’en reste pas moins une réalité, donnant ainsi corps à ce qui était jusqu’alors une hypothèse. L’idée est simple. Il s’agirait de contrôler les recherches effectives des demandeurs d’emploi en privant ces derniers de leurs droits (partiellement et temporairement) s’ils devaient refuser plus de deux offres d’emplois. La mesure avait été annoncée par le candidat Macron, et au regard des réformes menées jusqu’ici, il est probable que l’affaire suive le même parcours que celles engagées depuis l’élection du président de la République. La flexisécurité scandinave arriverait donc en France, toute droit venue du pays du Père Noël ! Toute plaisanterie mise à part, il est vrai aussi que le choc produit par une telle mesure, si celle-ci devait être engagée, laisserait nombre de nos concitoyens pantois et interdits. Certes. Mais ils subiraient aussi le revers de la médaille de la flexisécurité qui a été pendant tant d’années plébiscitée et fantasmée sans réellement en connaître les principes fondateurs. (Lire l’article sur lemonde.fr : Aux Pays-Bas, « les effets pervers » de vingt ans de « flexisécurité ») Se pose aussi, en parallèle, une forme d’inquiétante ignorance d’une grande majorité d’entre nous sur le principe de la dite flexisécurité, majorité qui pense, pour une partie en tous cas, que le changement de système va automatiquement résoudre la question du chômage de masse.

Certitudes, système et archaïsmes

Il est vrai que les pays scandinaves présentent des taux de chômage inférieurs (voir ci-dessous) au nôtre mais les structures économiques sont différentes et offrent, peut-être, plus de souplesse. Mais les demandeurs d’emploi sont loin d’être les privilégiés que nous imaginons : contrôle hebdomadaire de recherches effectives d’emploi, obligations de formation, suivi individuel strict, sanctions financières en cas de manquements aux obligations,…) (Lire l’article sur leschos.fr : Equilibrer la flexisécurité) Pour autant, cette douche froide qui pourrait s’abattre sur le pays traduit d’abord la volonté d’un homme de briser des lignes et des certitudes, (ici un système) jugées à ses yeux archaïques, ensuite que le même homme semble résolument décidé à transformer le pays en une social-démocratie sinon exemplaire du moins de premier rang. Et la question qui se pose alors est de savoir si le pays en a réellement envie…Peut-être qu’a trop envier le système scandinave assimilé à une sorte de Père Noël moderne empreint de science économique nous avons oublié que la réalité offrait peut-être plus d’opportunités au Père fouettard qu’à son homologue….Sur ce Bonne Année….

Quelques chiffres :

Danemark : Taux de chômage : 5,7% – Pop. : 5,7 millions

Suède : Taux de chômage : 6,8% – Pop. : 9,9 millions

Norvège : Taux de chômage : 4,2% – Pop. : 5,2 millions

France : Taux de chômage : 9,2 % – Pop. 66,9 millions

Sources : Eurostat – Août 2017

Donald Trump : d’ignorance en inconscience

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La reconnaissance par Donald Trump de Jérusalem comme capitale de l’Etat hébreu ne répond à aucune logique de règlement de la crise du Proche-Orient mais à une simple nécessité de politique intérieure. Crédit photo : staticflickr.com

La reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël par Donald Trump répond d’abord à un impératif de politique intérieure plus qu’à une logique de règlement de la crise qui secoue le Moyen-Orient. Car aucun plan de négociations n’a été avancé par le président américain.

Qu’il est compliqué de satisfaire sa base ! Politiquement parlant, Donald Trump sait ce qu’il en est et l’a prouvé voilà quelques jours en reconnaissant unilatéralement Jérusalem comme capitale d’Israël. (Lire l’article sur lemonde.frJérusalem : pourquoi la reconnaissance par Donald Trump pose-t-elle problème ?) D’aucuns, et à raison, évoquent aujourd’hui une faute politique et géostratégique grave, empreinte d’ignorance crasse de la situation délétère qui prévaut au Moyen-Orient. L’avenir le plus proche dira si cette décision changera la donne actuelle marquée par un blocage net des négociations israélo-palestiniennes depuis 2014. Pour autant, en effectuant un pas de côté, il est aussi intéressant de savoir pourquoi Donald Trump a pris une telle décision. Les raisons qui la justifient ne sont pas à chercher sur la terre d’Israël ou de Palestine mais plutôt sur le sol américain. Là Donald Trump y traverse actuellement une crise confiance lourde, qui par endroit tourne au regret d’avoir porté le tycoon de l’immobilier au sommet de l’Etat. Le Président des Etats-Unis est seul. Les soupçons de collusions avec la Russie lors de la campagne électorale de 2016 tendant à se confirmer en preuves de plus en plus tangibles, Donald Trump devait sortir de l’ornière. Alors pour essayer de reconquérir un électorat en proie au doute, voire plus, Donald Trump tranche dans le vif, au prétexte de tenir les promesses électorales et quitte à provoquer une énième crise au Moyen-Orient.

Inconscience et mépris

Car à vrai dire, les préoccupations de Donald Trump à l’endroit du Moyen-Orient sont secondaires, pour ne pas dire nulles, tant l’homme a acquis la conviction que l’intérêt des Etats-Unis ne passaient pas par Gaza ou la Cisjordanie mais plutôt par l’Arabie Saoudite, ennemi proclamée de l’Iran. En négligeant, avec un mépris avéré, les sensibilités exacerbées et les réalités politiques de la région, Donald Trump a fait preuve tout à la fois d’inconscience (sauf si celui-ci dispose d’un plan de paix crédible pour la résolution de la crise qui perdure depuis des décennies chose qui semble peu probable) et d’imprudence. Si reconquérir l’électorat populaire qui l’a porté au pouvoir en novembre 2016 passe par la reconnaissance de Jérusalem en qualité de capitale d’Israël, et bien soit ! Donald Trump n’hésite pas ! Fidèle à sa doctrine isolationniste, celle qui veut que les Etats-Unis ne se soucieront des intérêts du Monde qu’à condition que ceux-ci soient en interaction directe avec les leurs, Donald Trump fait, en l’état, du Moyen-Orient un argument politique et non une question à résoudre. Cette instrumentalisation de l’une des régions les plus explosives du Monde ne semble en rien émouvoir l’homme de la Maison Blanche qui ne risque, au pire qu’une litanie de condamnations de la communauté internationale, chose dont il a cure, au pire d’être accusé d’avoir relancé les violences au Proche-Orient ce dont il se défendra, arguant du fait que sa seule signature ne peut en être l’unique responsable dans une zone déjà gangrenée par la violence depuis des décennies.

Un Proche-Orient lointain et complexe

En reconnaissant Jérusalem comme capitale de l’Etat hébreu, Donald Trump sait qu’il légitime la politique de colonisation engagée par Israël, réduit à néant les espoirs des Palestiniens d’être pleinement reconnus comme ensemble souverain et assoit sa posture, du moins l’imagine-t-il, internationale en se présentant comme un dirigeant ferme et déterminé. L’erreur réside cependant dans l’idée d’utiliser les affaires internationales à des fins de politiques intérieures. Pour nombre d’Américains, pro-Trump ou non, le Proche-Orient reste une région lointaine et dangereuse, complexe et mal appréhendée. Et l’Europe dans tout cela ? Et bien ne serait-ce pas à elle désormais de s’affirmer et de s’afficher comme le premier négociateur de la crise ? La fragilité actuelle de la politique extérieure des Etats-Unis s’y prête et lui en offre l’opportunité. Reste à savoir si l’Europe en question fera, à son tour, preuve de suffisamment de détermination et d’unité.

Les indépendantistes jouent l’union

Si les mouvements indépendantistes européens s’avèrent très virulents à l’endroit de leurs Etats de tutelle, les velléités envers l’Union européenne sont moindre. Erreur de cible ou fin calcul politique ?

Et si les indépendantistes, ceux qui à ce jour, dénoncent le poids devenu insupportable de leurs états de tutelles respectifs se trompaient d’ennemis ? Précision faite que la question s’adresse aux indépendantistes européens, il n’est donc pas inutile de s’interroger sur cette hypothèse. Ainsi, qu’ils soient Basques, Catalans, Corses, Flamands ou autres, tous rejettent généralement en bloc les gouvernements qui les dirigent et les Etats dans lesquels ils sont inclus. En dépit d’avancées démocratiques locales, qui passent par des statuts d’autonomie très avancés à des assemblées territoriales aux pouvoirs élargis, la contestation envers l’Etat de tutelle reste entière, souvent virulente comme l’a récemment montré l’exemple catalan. Jugés inhibiteurs d’identité locale, castrateurs économiquement et à même d’étouffer tout sentiment d’appartenance à une histoire jugée par les intéressés comme remarquable (ce qui est d’ailleurs souvent le cas), ces gouvernements sont donc devenus la cible favorite et unique des velléités indépendantistes.

Eloignement et velléités

Et c’est peut-être bien là que le bât blesse. Car si les indépendantistes ont, à leurs yeux, d’excellentes raisons d’honnir leurs gouvernements respectifs, ils oublient (ou préfèrent-ils en donner l’impression), aussi que ces mêmes gouvernements sont aujourd’hui grandement liés à l’Union européenne. Elle-même souvent critiquée pour sa technocratie et son éloignement des réalités contemporaines locales, l’Union européenne, qui n’a de cesse de surveiller ces mouvements locaux réclamant plus d’autonomie en insistant sur l’unité des pays concernés, n’est jamais réellement attaquée de front par les indépendantistes. Pourtant, les directives de la Commission européenne et les lois promulguées par le Parlement européen travaillent elles aussi à façonner, et ô combien, l’univers des régions animées de velléités indépendantistes. Est-ce à dire que les potentielles régions d’Europe amenées à être un jour peut-être indépendantes voient l’Union européenne comme un partenaire ? Il n’est pas interdit de le penser, ce qui reviendrait aussi à croire que les autonomistes, quels qu’ils soient, ont intelligemment articulé leur réflexion démentant ainsi l’idée de s’être trompé de cible. Mais parallèlement, pourquoi faire le choix d’une superstructure telle que l’Union européenne et rejeter une infrastructure nationale certainement plus souple en matière de négociation que ne le sont les institutions bruxelloises ?

Politique et fiscalité

La réponse réside peut-être aussi dans le fantasme de grandeur supposée des autonomistes, fantasme empreint d’une forme de romantisme qui aurait cependant tendance à déteindre en nationalisme parfois inquiétant. Les Etats de tutelle, jugés castrateurs, sont donc considérés comme les seuls responsables des tentations indépendantistes du fait d’institutions politiques ou fiscales jugées trop écrasantes économiquement, culturellement ou socialement, telle que la République française ou la Constitution espagnole de 1978 qui régit le fonctionnement des régions. Ces rouleaux-compresseurs institutionnels, jugés comme tels en tous cas, seraient donc les responsables de ces envies de liberté qui semblent finalement conciliables avec l’Union européenne qui, rappelons-le, est aussi une addition d’Etats répondant tous à des critères d’adhésion définis. Et rien ne dit que les futurs et potentiels nouveaux Etats ne seront pas enclins à vouloir intégrer le giron bruxellois…