Samba contrariée à Rio…

Si l’arrivée de Jair Bolsonaro à la tête du Brésil exposerait  le pays plus à l’isolement qu’à la sortie de crise, sa potentielle élection nourrit encore le débat sur la montée des régimes populistes et interroge sur les doutes d’une Humanité angoissée.

Faut-il s’inquiéter de la possible arrivée à la tête de l’Etat brésilien de Jair Bolsonaro, candidat de l’extrême droite et ardent défenseur d’un pays qu’il entend placer, une fois élu, sous la coupe d’une dictature militaire qui ne dira pas son nom mais qui en aura tous les atours ? La réponse semble évidente où que l’on se trouve sur la planète et ce pour plusieurs raisons. Une des premières relève de la conception que nombre d’entre nous se font de la démocratie. Système certes imparfait, parfois discuté et discutable mais qui a au moins le mérite de laisser à chacun le droit de s’exprimer en vertu des libertés fondamentales qu’elle défend. Mais l’expérience Lula puis Dilma Roussef, figures de proue du Parti des Travailleurs a laissé des traces et a abîmé, à tort ou à raison, l’image que les Brésiliens avaient de la démocratie. (Lire l’article sur lemonde.fr : Election au Brésil : « Mon doigt ne tremblera pas pour voter Bolsonaro ») Et il semble clair que si le Brésil devait basculer dans la dictature, du moins dans un régime autoritaire, les libertés en question seraient, de fait, considérablement réduites. La seconde réponse en revanche relève d’approches peu évidentes de prime abord mais sont cependant, ou pourraient à terme le devenir, lourdes de conséquences d’un point de vue économique pour le Brésil.

Protectionnisme

Poids lourd de l’Amérique Latine, puissance agricole mondiale, deuxième producteur de soja après les Etats-Unis, le Brésil appartient au club fermé des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), ensemble de pays émergents devenus au fil des années et par le biais de la mondialisation des acteurs incontournables du commerce international. Or l’arrivée de Jair Bolsonaro au pouvoir pourrait engendrer la mise en place d’une politique protectionniste aux conséquences difficiles à établir tant les entrelacs commerciaux qui unissent les puissances internationales sont nombreux, obscurs et parfois abscons. Pour autant, le Brésil, aujourd’hui rongé par une corruption quasi-endémique, une pauvreté récurrente, et une profonde crise économique et sociale, qui lui confèrent tous l’image d’un pays à la dérive prêt à se jeter dans les bras du militarisme défendu par Bolsonaro, aurait beaucoup à perdre à durcir sa politique commerciale au regard de sa situation. D’un point de vue économique naturellement car tout aussi puissant soit-il, le Brésil reste en priorité un pays exportateur de matières premières agricoles diffusées sur l’ensemble de la planète. Et un retournement de situation politique, et son corollaire l’atteinte aux Droits de l’Homme, (Lire l’article sur lesinrocks.com : Brésil: Bolsonaro promet « la prison ou l’exil » pour les « gauchistes » quand il sera élu) serait susceptible de détourner nombre de pays de Rio ou de décourager toutes velléités commerciales. La conséquence directe serait donc évidente et du moins se traduirait-elle par un refroidissement de ses relations internationales.

Considérations et doutes

Enfin,le retour aux années de plomb, qui semble plébiscité par une majorité de Brésiliens, pourrait aussi s’inscrire dans la volonté d’un peuple d’achever, comme le rappelle l’historienne spécialiste du Brésil Maud Chirio, l’action de répression engagée par la dictature militaire à l’heure où celle-ci était au pouvoir (Lire l’article sur lemonde.fr : Maud Chirio : « Bolsonaro va mettre en place un régime fascisant »). Loin de toutes considérations philosophiques, commerciales ou économiques, le peuple brésilien donne aujourd’hui le sentiment de se moquer des conséquences de ses choix, agissant certes en nation souveraine et démocratique mais aussi insouciante et immature. Car si l’arrivée de Jair Bolsonaro à la tête de l’Etat devait se confirmer, la notion de souveraineté du peuple brésilien n’apparaîtrait plus alors comme une question prioritaire mais comme un artifice démocratique gênant dans toute démoctature. Mais l’évènement traduirait aussi la montée constante de mouvements autoritaires au sein d’une Humanité en plein doute. Ne serait-ce pas aussi cela le plus dangereux ?

Marianne, Marie-Jeanne et le fisc

Les exemples canadiens et californiens sauront-ils pousser le législateur français à dépénaliser le cannabis ? La réponse se trouve peut-être dans la fiscalité actuellement liée au tabac et qui pourrait aussi s’appliquer par transfert au cannabis.

Après que l’Etat de Californie et Canada ont respectivement décidé de légaliser la consommation de cannabis récréatif, la question qui brûle les lèvres de nombre de consommateurs dans le Monde et en France en particulier est : Quel sera le prochain pays à légaliser l’usage de cette substance pour certains encore illicite ? (Lire l’article dans lemonde.fr : Légalisé, dépénalisé, prescrit… le cannabis dans le monde en neuf graphiques) Arrêtons-nous au seul cas de la France et pour cause, c’est celui qui nous concerne. A ce jour, dans l’Hexagone, la possession de cannabis est interdite et illégale, et la loi prévoit une amende maximale de 3.750€ et une peine de un an de prison pour qui s’en rend coupable. Voilà pour ce qui est de la loi. Dura lex, sed lex ! Mais l’autre question qui émerge derrière la décision canadienne et qui pourrait finalement faire école en France ou ailleurs renvoie aux bénéfices que les pouvoirs publics pourraient tirer de la légalisation du cannabis dans un cadre strictement récréatif. Et cette consommation de pousser naturellement à s’intéresser à une autre consommation, celle de cigarettes. En chute libre depuis de nombreuses années (Lire article dans lesechos.fr : Tabac : baisse historique du nombre de fumeurs en France), la baisse du nombre de fumeurs (moins un million de fumeurs entre le deuxième semestre 2016 et le deuxième semestre 2017) est aussi le corollaire d’une baisse significative des recettes fiscales liées au tabac, même si l’augmentation récente du prix du paquet compense automatiquement et sans délai la baisse des recette fiscales.

Transfert de fiscalité

Pour autant, si la Sécurité Sociale peut se réjouir de cette baisse en raison de la raréfaction des maladies engendrées par la consommation de tabac (lire l’article sur europe1.fr : Un million de fumeurs en moins, une aubaine pour les caisses de l’État ?), il est toutefois peu probable que l’Etat laisse filer la manne d’une consommation de cannabis, fut-il récréatif, sans prendre sa part. Aussi, n’est-il pas interdit de penser qu’un transfert de fiscalité s’opérerait, ou s’opérera, si le cannabis devait un jour être légalisé en France. Pour résumer simplement le raisonnement : la baisse de la consommation de tabac ne générant plus assez de recettes au regard de la consommation croissante de cannabis, pourquoi ne pas imaginer taxer la consommation de cannabis ? Il ne s’agirait donc en réalité que d’une seule question de fiscalité et de recettes induites ? Le raccourci est certes facile et fleure bon le cynisme mais dans un Etat-Providence, à l’image de la France, toute consommation, naissante ou confirmée, est prise dans l’étau de la fiscalité. Certains crieront au scandale, d’autres à la normalité. Or, il convient de préciser que près de 80% du prix d’un paquet de cigarettes est composé de taxes dues à l’Etat. Tout cela convenons-en n’est pour l’heure que pure spéculation mais devant la dérèglementation progressive du cannabis dans nombre de pays, devant l’hypocrisie qui prévaut en la matière et la demande sociale qui plaide pour une légalisation du moins récréative, il est fort à penser que la France cèdera aussi à cette pression. Mais que Marianne se rassure, cette concession saura être certainement compensée par un effort fiscal qui gommera ses réticences…

Encore un peu de Trump Cake… !?

La baisse du taux de chômage à son plus bas niveau depuis 1969 aux Etats-Unis tend à conforter Donald Trump dans ses choix économiques tout en ternissant les institutions de la démocratie américaine par la nomination de Brett Kavanaugh à la Cour Suprême.

L’article paru dans Le Monde (Lire lemonde.fr : Le chômage américain au plus bas depuis 1969) aurait presque pu passer inaperçu. Et pour cause : l’actualité de ces derniers jours a été si dense qu’elle a occulté la portée implicite de l’article en question. De quoi s’agit-il enfin ? De quelques lignes expliquant avec force détails que le taux de chômage Outre-Atlantique est tombé à son plus bas niveau depuis 1969, soit 3,7% de la population active des Etats-Unis. « Grand bien leur fasse ! » diront nombre d’observateurs distraits et plus préoccupés par la situation nationale qu’américaine. On peut les comprendre certes mais dans une certaine limite. Une explication s’impose.

Cynisme et dévoiement

La conjoncture économique, exceptionnelle pour de nombreux économistes, que vivent actuellement les Etats-Unis a naturellement été saluée par le Président Trump, trop heureux de vanter les effets de sa politique de réduction d’impôts et d’augmentation des dépenses avec pour objectif annoncé une croissance de l’ordre de 3,1% au terme de l’année 2018. De quoi réjouir un électorat pro-Trump qui n’en attendait pas moins du locataire de la Maison Blanche et surtout un président qui voit dans ces résultats ses propres résultats, ceux d’une politique résolument et volontairement libérale, à quelques semaines des élections de mi-mandat où les Démocrates sont, à ce jour, donnés vainqueurs. Rien de tel donc pour un président brocardé et vilipendé sur la Terre entière, ou presque, que de redorer son blason à l’échelle nationale, la seule qui vaille d’ailleurs pour Donald Trump. Car à désormais deux ans de l’élection présidentielle américaine, à l’heure où les Démocrates se cherchent encore un candidat valable et crédible, Donald Trump sait que des résultats économiques flatteurs porteront un mandat, certes pour l’heure jugé médiocre, vers une reconduction plausible de sa charge. Et le cynisme n’ayant pas de limite, à cet exceptionnel alignement de planètes qui confère depuis plus de neuf ans aux Etats-Unis une puissance économique insolente, s’ajoute à cela un dévoiement visible et patent des institutions de la première démocratie du monde par le Président Trump. Ainsi, c’est avec beaucoup d’attention qu’il conviendra de lire l’article de Roger Cohen, éditorialiste au New York Times (Lire l’article sur nyt.com : An Insidious and Contagious American Presidency), qui explique avec moult détails et précisions comment le président des Etats-Unis est parvenu à imposer à la Cour Suprême un candidat conservateur, Brett Kavanaugh, poursuivi dans une affaire d’abus sexuel, à la seule fin de préserver la juridiction ultime de la pyramide judiciaire américaine d’un potentiel revers aux élections de mi-mandat.

Scrupules et intérêt général

Qu’en tirer comme conséquences ? Donald Trump façonne, en dépit des écrits qui fleurissent sur sa personne (à l’image du dernier ouvrage de Bob Woodward – Fear, Trump in the White House), le pouvoir qui lui a été conféré au nom du peuple américain, les institutions dont il est sensé être le garant et le pays dont la gestion lui a été confié, à son image. Celle d’un homme d’affaires aux scrupules relatifs, voire amoraux et inexistants, prêts à placer à ses côtés des individus conscients de leur rôle nouveau et des missions qui leur seront confiées sans nécessairement se soucier de l’intérêt général. A l’arrivée, et sans alternative Démocrate valable et capable de démontrer, preuves à l’appui, les méfaits de la politique de Donald Trump, il est fort probable que le locataire de la Maison Blanche bénéficie d’un nouveau bail. Si tel était le cas, un seul point positif en ressortirait, il ne pourrait pas briguer un troisième mandat….