Le covid-19 et le triptyque

Si l’arrivée d’une nouvelle vague épidémique s’avère chaque jour plus certaine, celle-ci contribuera à alourdir un constat déjà violent où se côtoient faiblesses des systèmes de santé, lenteur d’intégration des réalités environnementales et omnipotence coupable des flux mondialisés.

Bien que le Gouvernement, par la voix du Premier Ministre Jean Castex, ait réfuté tout nouveau reconfinement général, propos par ailleurs confirmés par le Président de la République, se pose désormais, en dépit des intentions et des plans affichés pour sauver l’économie française, la gestion de la seconde vague épidémique qui semble progressivement se dessiner dans l’Hexagone. Que faire ? L’équation tant à l’Hôtel de Matignon qu’au Palais de l’Elysée semble insoluble car si une deuxième vague devait véritablement se déclarer, quid de l’accueil des futurs patients dans les hôpitaux ? (lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/planete) Rappelons que le confinement général décrété le 16 mars dernier a été décidé, certes pour limiter la propagation du virus, mais surtout pour éviter une saturation des services de réanimation des hôpitaux qui avaient manqué de très peu une situation d’engorgement lourd de conséquences, non sans épargner des personnels soignants encore très éprouvés par les effets de la première vague.

Limites et épouvantail

Car la crise sanitaire actuelle a su révéler les limites de nos infrastructures sanitaires à qui l’on a préféré, et à raison, éviter un afflux massif de patients sans pour autant, au lendemain de la première vague, exposer clairement solutions et financements à l’appui afin de faire face à une autre vague. L’exceptionnalité du virus, tant dans sa diffusion que dans sa forme, ne doit pas pousser à imaginer qu’il restera un cas isolé dans l’Histoire de l’Humanité. Et occulter que d’autres crise sanitaires pourraient dans les années, voire plus simplement dans les mois à venir, à nouveau frapper la planète, serait une erreur aux conséquences encore insoupçonnées. Le réchauffement climatique et le dégel progressif du permafrost (zone de gel permanent, imperméable car gelé, qui se situe dans les régions arctiques du globe et représente environ 20 % de la surface de la Terre) font ici figures d’épouvantail à l’échelle planétaire car chacun d’eux renvoient nos sociétés à des réalités devant désormais servir de modèles de pensées et non plus de références lointaines. Les réservoirs à bactéries qu’abritent ces zones polaires ne doivent en rien être négligés car les dites bactéries, endormies depuis des milliers, voire des millions d’années, pourraient aisément se réveiller et causer l’apparition de pandémies peut-être plus mortifères que le covid-19. (Lesechos.fr : https://www.lesechos.fr/idees-debats) En outre, les dynamiques économiques et humaines propres à la mondialisation ont, la crise du printemps l’a démontrée, favorisé la propagation du virus à l’échelle planétaire.

Défi et coup de semonce

C’est donc un triple défi qui se pose l’Humanité et non pas seulement à la France ou à tout autre pays : Repenser les systèmes de santé afin d’être en mesure d’affronter tout type de crises sanitaires à venir, intégrer dans les politiques publiques la donnée environnementale de manière beaucoup plus avancée qu’à l’heure actuelle au point de l’ériger en priorité et non plus en aspect secondaire, repenser les schémas de la mondialisation en s’interrogeant sur la pertinence de certains flux. Certes d’aucuns argueront, et à raison, que ce triptyque de mesures a déjà été initié, mais à un rythme encore trop lent. Bousculer la planète entière en l’espace de quelques mois n’est en rien une sinécure car les oppositions sont, en plus, nombreuses et arrêtées mais n’appartient-il pas à l’Humanité, qui l’a déjà démontrée dans le passé, de faire fi de ces réticences pour assurer son avenir. Le covid-19, pandémie qui finira à terme par se résorber, n’est en fait que le premier coup de semonce d’une histoire bactériologique qui elle ne fait que commencer. Affirmer que le Monde est sur le point d’entrer dans une nouvelle ère ne relève ni de la spéculation ni de la divination mais bien du constat. Et porter un masque à longueur de journée, même si la mesure est éminemment utile et nécessaire pour tous, elle n’entravera en rien l’ouverture de cette nouvelle ère.

La diplomatie de la provocation

La décision unilatérale des Etats-Unis de réactiver les sanctions d’essence onusienne contre l’Iran s’inscrit dans la politique sensationnaliste et provocatrice de Donald Trump. Mais le coup d’éclat ne révélerait-il pas une faiblesse du discours de l’actuel président ?

Sans vouloir tomber dans la trivialité facile, il semble, à quelques semaines de l’élection présidentielle et légèrement dépassé dans les sondages par son concurrent démocrate Joe Biden, que Donald Trump essaie de sauver les meubles d’une présidence finissante. Dernier coup d’éclat en date, la décision unilatérale des Etats-Unis de réactiver les sanctions décidées par l’Organisation des Nations Unies contre la République islamique d’Iran (Lemonde.fr :https://www.lemonde.fr/international). L’annonce, qui ne s’appuie sur aucun fondement juridique, a d’ailleurs été rapidement contredite par le Royaume-uni, France et l’Allemagne qui ont de concert souligné l’inanité de la mesure. Alors pour quelle raison, Donald Trump, par la voix de Mike Pompeo, secrétaire d’État, s’est-il fendu d’une telle annonce ?

Nationalisme et convictions

La réponse paraît tout à la fois simple et complexe, du moins dans ses conséquences. Simple car le président Trump sait que chaque coup d’éclat, fut-il inutile ou voué à l’échec, satisfera et rengorgera un électorat, ici le sien, friand de sensationnalisme prêt à flatter le nationalisme nord-américain. Toujours ancré dans son slogan de campagne de 2016, America great again, et convaincu tant de la formule que de son contenu, Donald Trump, en homme d’affaires avisé conscient des effets d’une communication bien rythmée, sait que ce type d’annonce est capable de remobiliser un électorat en mal de convictions ou de certitudes quant aux capacités du président d’assumer un second mandat. Mais complexe car s’aventurer sur le terrain de la politique étrangère, notamment la question du nucléaire iranien implique non seulement les Etats-Unis mais aussi des partenaires européens et internationaux. La question iranienne qui hante la Maison Blanche depuis 1979 ne pourra certainement pas se régler à coup d’annonces cavalières ou va-t-en-guerre comme celle-ci. Pourtant, si cette annonce peut dénoter une forme de méconnaissance des méandres du problème iranien, elle n’en possède que la façade car diplomates et experts nord-américains maîtrisent parfaitement le problème.

Lassitude et pondération

Mais l’art de la provocation et de la bravade font partie intégrante de la politique de Donald Trump qui a habitué son auditoire national et international à ce type sortie toujours médiatique. Habitué certes mais au risque aussi de lasser car la politique du tweet ou de la déclaration à l’emporte pièce comporte des risques que le scrutin du 3 novembre pourrait mettre en exergue. Et une analyse plus fine de renvoyer la dite déclaration à fondre dans un discours électoral qui, sur fond de covid-19, de réunions de campagnes perturbées, de difficultés économiques et de sondages à ce jour défavorables (voir realclearpolitics.com : https://www.realclearpolitics.com/epolls), peine à séduire un peuple américain peut-être soucieux de confier les rênes du pays à un président plus pondéré. In fine, simple ou complexe, la raison qui a poussé Donald Trump à lancer une telle déclaration témoigne peut-être d’une présidence en fin de course, d’un candidat conscient des faiblesses de sa candidature et de son bilan. Mais une élection n’étant jamais jouée, le pari provocateur de Donald Trump sera peut-être payant…ou pas.

De Minsk à Moscou, autre temps et autre Histoire

La contestation qui fait rage depuis des mois en Biélorussie met en évidence la faillite d’un système politique obsolète mais aussi toute la puissance et l’influence diplomatiques du Président russe Vladimir Poutine, dernier soutien d’Alexandre Loukachenko, le dirigeant biélorusse.

Dernier survivant de l’ère soviétique, attaché au passé d’un système politique et idéologique mort et enterré depuis plus de trente ans, Alexandre Loukachenko, Président sans interruption de la Biélorussie depuis 1994 ne se résout pas à abandonner le pouvoir que les Biélorusses lui contestent. (lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/international) A coup d’arrestations massives et de violences politiques, le pouvoir d’un président de plus en plus isolé, tente de sauver un régime qui subit au quotidien la réprobation de l’ensemble de la communauté internationale, notamment de l’Union européenne. Pourtant, Alexandre Loukachenko, peut encore compter sur le soutien de Vladimir Poutine, président de la Russie qui a longtemps vu dans la Biélorussie un allié puissant capable de stabiliser une région encore agitée par les soubresauts ukrainiens.

Géostratégie et double-jeu

Seulement, ce soutien, jusqu’alors indéfectible, pourrait se transformer en compréhension polie pour s’achever en désolidarisation totale tant Vladimir Poutine sait avoir besoin de l’Union européenne et de la communauté internationale pour assurer l’avenir de son pays. Le président russe, fin stratège et au fait des alliances internationales, a depuis longtemps compris que le régime biélorusse, certes utile d’un point de vue géostratégique régional, n’avait guère plus de raison d’être tant les aspirations libertaires qui ont traversé le monde ces dix dernières années étaient suffisamment profondes pour renverser les caciques de l’ordre ancien. Alexandre Loukachenko, qui s’attache à réprimer la contestation au sein de son pays, est certainement conscient du dilemme qui anime son partenaire historique russe mais n’a, à ce jour, guère d’atouts dans sa manche pour s’assurer du soutien éternel de Moscou. Or, fâcher la communauté internationale n’est certainement pas dans les intentions de Vladimir Poutine au regard du double-jeu mené par Moscou à l’endroit de la crise syrienne où le Kremlin s’est toujours montré globalement conciliant avec Bachar El-Assad, au grand dam des Européens. Les condamnations qui frappent le régime biélorusse, certes utiles car promptes à tourner les yeux du monde vers ce pays de 9,5 millions d’habitants, pro-européen et avide d’ouverture à l’international, ne sont cependant pas suffisantes pour infléchir la position d’ Alexandre Loukachenko.

Pression et Etat-Tampon

Celui-ci, en dinosaure de l’ère communiste, attend le signal de Moscou pour céder un pouvoir qui lui échappe pourtant tous les jours un peu plus car seule une position tranchée de Vladimir Poutine le décidera à abandonner ses prérogatives de dictateur. Pour autant, bien que ne disposant pas d’atouts majeurs pour résister à la pression populaire, Alexandre Loukachenko peut encore compter sur la position géographique de la Biélorussie pour pousser Vladimir Poutine à ne pas lâcher un allié fidèle. Frontalière de la Lituanie et de la Pologne, toutes deux membres de l’Union européenne, de l’Ukraine encore rongée par une guerre civile larvée entre groupes pro-russe et pro-Union européenne, la Biélorussie occupe une place d’État tampon entre les pays cités et la Russie qui ne souhaite en aucun cas se retrouver frontalière avec l’Union européenne et par conséquence avec l’Europe occidentale. Alors quel avenir se dessine-t-il pour la Biélorussie ? Soit Vladimir Poutine joue le jeu diplomatique de l’ouverture en abandonnant Alexandre Loukachenko, soit celui-ci reste fidèle à l’histoire de feu l’Union soviétique et du Pacte de Varsovie en tenant ses distances avec le monde occidental. Dans les deux cas, il semble bien que ce soit Moscou qui soit en position d’arbitre, Alexandre Loukachenko occupant celui de pion, et le peuple biélorusse, de victime.

Pragmatisme ou vision 

La pandémie de covid-19 et ses conséquences économiques et sociales ont poussé l’exécutif à dévoiler un plan de relance d’envergure. Clairement pro-entreprise, celui-ci est présenté comme un modèle de pragmatisme. Mais ce-dernier ne s’affranchirait-il pas d’une vision plus ample des décennies à venir ?

Le pragmatisme peut-il tenir lieu de politique ou d’idéologie ? C’est la question qui se pose à ce jour alors que le Président de la République a largement dépassé les trois ans de mandat mais est encore loin de l’échéance de mai 2022. (lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/idees) Entre croissance économique florissante brisée sur les écueils du coronavirus et plan de relance destiné à sauver l’économie française en donnant un quasi blanc-seing aux entreprises, le Président Macron, a non seulement affiché sa préférence, mais a aussi rompu avec l’idée de vouloir se réinventer comme proposé durant le confinement. Les méthodes et les plans avancés ne rompent guère avec l’ancien monde qu’Emmanuel Macron voulait pourfendre pour donner au pays un souffle nouveau.

Reproche et conséquences

Sauf que le locataire de l’Elysée ne pouvait se douter que le coronavirus anéantirait tous ses espoirs de grandeurs et de puissance tant espérés. On ne peut lui faire le reproche de s’être heurté aux effets de la pandémie, il n’est d’abord par le seul, mais on pourrait cependant lui tenir rigueur d’avoir comme apportée comme seule réponse une option plus libérale que sociale, plus entrepreneuriale que salariale. Certes, d’aucuns argueront que la survie de l’économie est tout aussi impérieuse que nécessaire et que rien ne doit entraver le redémarrage de l’activité. L’argument est valable et séduit un électorat plus proches des thèses libérales que progressistes et à quelques mois de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron a dû juger cette option plus utile. Mais peut-aussi que le pragmatisme aurait-été de s’interroger sur les désirs profonds des Français en ces temps troublés de pandémie, de menaces sur l’emploi et de craintes réelles sur l’avenir ? Sans pour autant négliger l’aspect économique de la situation, un intérêt plus grand apporté aux conséquences sociales et sanitaires générées par la pandémie (mise en évidence de la sous-capacités des hôpitaux, fragilité des établissements d’accueil des personnes âgées, impuissance de l’Education nationale face aux élèves décrocheurs pendant le confinement, inquiétudes des salariés en chômage partiel,….) n’aurait en rien gâché la conception pragmatique de la gestion des affaires de l’État au sens large du terme.

Contraintes et audace

Certes devant le procès fait au Gouvernement suite à l’annonce du plan de relance qui ne demandait in fine aucune contrepartie aux entreprises bénéficiaires du plan en question, le Ministre de l’Economie, Bruno Lemaire, a admis étudier l’idée d’imposer certaines contraintes aux entreprises. (lesechos.fr : https://www.lesechos.fr/economie-france). Mais est-ce que l’annonce à doubler d’une obligation sera suffisante pour gommer l’impression par trop libérale laissée par la décision initiale. A l’heure, où les Français et bien d’autres peuples à la surface de la Terre tentent de se remettre de la pandémie et de ses conséquences, comprennent que les prochaines décennies ne pourront être envisagées comme les précédentes, le pragmatisme aurait peut-être dû se confondre avec une audace bienvenue. Ainsi, et par exemple, verdir le plan de relance pour se dédouaner de toute indifférence à l’endroit des considérations environnementales n’est pas suffisant. A l’arrivée, si le pragmatisme rime avec gestion de l’urgence, on peut avancer que le plan proposer par le Président de la République et le Gouvernement est globalement, bien qu’imparfait, adapté à la situation. Mais si le pragmatisme se veut plus ample, alors cela se nomme une vision de demain et d’après demain. Et pour l’heure, le compte n’y est pas.