De l’Affaire Kennedy à la raison d’Etat

Kennedy
La mort du président Kennedy restera-t-elle encore longtemps un mystère irrésolu ? (Crédit photo : wikimédia.org)

Un motif est à l’origine du renoncement de Donald Trump à publier la totalité des documents concernant l’affaire Kennedy : La raison d’Etat. Puissante et discrète, elle alimente tous les fantasmes mais s’exprime ici avec force. Explications.

Evidemment, nombreux étaient ceux qui attendaient beaucoup de la publication des archives relatives à l’assassinat du président John Kennedy le 22 novembre 1963. (Lire l’article sur lemonde.fr : Dossiers Kennedy : Donald Trump renonce à la publication de certains documents « sensibles » ) Mais le soufflé est retombé, le président Donald Trump ayant cédé devant l’insistance, pour ne pas dire la pression exercée sur lui, par le Bureau Fédéral d’Investigation (FBI) et l’Agence centrale du renseignement (CIA). Et la déception d’être à la hauteur du mystère et de l’énigme que revêt cette affaire qui pourrait bien ne jamais être résolue. Tout, ou presque, a été dit. Complot d’Etat, Mafia, KGB, Cubains, Oswald, Les Martiens (Qui sait ?)…Tout le gotha de la Guerre Froide a été passé en revue sans que jamais n’émerge la seule vérité. Pour autant, indépendamment de l’enquête et des théories qui l’entourent, il convient de s’attarder aujourd’hui sur ce qui a réellement poussé Donald Trump à renoncer à la publication totale des documents.

Transgresser la Loi

La réponse réside peut-être dans une expression forgée à la Renaissance et développée avec talent et, avouons-le, une forme de cynisme par Machiavel : la raison d’Etat. Qu’est-ce que la raison d’Etat ? Un principe simple in fine qui fait valoir les intérêts de l’Etat quitte à transgresser la Loi et la souveraineté du peuple pour assurer la conservation ou la pérennité de l’Etat en question. Et il semble bien que ce soit le motif qui a motivé le président américain à ne pas publier la totalité des documents dont certains contiennent, peut-être, des informations susceptibles de contrarier l’autorité ou d’atteindre l’aura du FBI et de la CIA. Certes. Mais quid en ce cas là des libertés fondamentales que sont la liberté d’information et le droit inaliénable d’un peuple en démocratie d’être tenu au fait des agissements de l’Etat ? Visiblement, la question ne touche pas les deux agences concernées. L’Affaire John Kennedy, qui ne ressemble à aucune autre, renvoie ainsi aux fondements même de la démocratie en mettant sous les feux de la rampe les contradictions d’un système politique – ici la démocratie américaine – où le peuple est présenté comme souverain mais finalement otage d’institutions ou d’organes d’Etat extrêmement puissants. Inutile de crier au complot. Point de complot dans la volonté d’un Etat de se protéger. Juste le constat d’une dérive des pouvoirs accordés à certains organes publics (FBI et CIA). Preuve aussi que le Président américain quel qu’il soit, ne dispose pas de tous les pouvoirs et reste faible face à deux agences tentaculaires et soucieuses de préserver leur image et leurs champs d’action respectifs. La raison d’Etat souvent invoquée, souvent appliquée a, une fois encore, prévalu sur la volonté d’un homme, fut-il président de la première puissance du monde. Car la question qui se pose désormais est : que recèle les documents non divulgués ? Sont-ils réellement si lourds de secrets que CIA et FBI seraient menacés d’implosion ? Les Etats-Unis, si prompts à dispenser au Monde entier des leçons de démocratie appliquée, seraient-ils à leur tour au cœur d’un immense scandale à la lecture de ces ultimes documents ? La porte à tous les commentaires est ouverte et les complotistes de tous horizons ne manqueront pas de s’y engouffrer. Mais leurs propos (ou délires) ne resteront pas dans l’Histoire comme des éléments de réflexion. A ce jour prévaut le constat : les Etats-Unis n’ont toujours pas digéré l’assassinat de leur 35ème président.

Donald Trump l’apprenti-sorcier n’est pas Harry Potter !

17008539407_ebdbab4eae_c
L’inexpérience et l’inconséquence du Président américain tendent des relations diplomatiques avec des pays implantés dans des zones explosives. (Crédit photo : flick.fr)

Si l’inexpérience diplomatique de Donald Trump accroît la dangerosité du Monde par une ligne de conduite aussi incompréhensible qu’incohérente, il est aussi le frein aux processus de pacification amorcés, ou amorçables, dans des régions sous tension. Explications.

A force de jouer avec les allumettes de la diplomatie internationale sous couvert de défendre les intérêts américains dans le Monde, Donald Trump finira par se brûler. Si encore il était le seul à assumer les frais d’une politique internationale marquée par le sceau de l’incohérence la plus complète et de l’ignorance la plus inquiétante qui soit des ressorts des relations internationales, alors le mal serait moindre, à tout cas limité. Mais en persistant dans une ligne dure et difficilement compréhensible, le président américain expose la planète entière à des risques sinon majeurs, du moins franchement compliqués à affronter. L’exemple coréen tout comme l’exemple iranien en sont de parfaites illustrations. Car non seulement Donald Trump agit, au regard de la question coréenne, de manière totalement irraisonnée face à un dirigeant Kim Jung Un plus préoccupé par la volonté de faire exister son pays à l’échelle internationale via l’arme nucléaire, que par la volonté réelle de déclencher un conflit mondial (ce qui n’exonère en rien la dictature coréenne et les provocations du dirigeant coréen), mais en plus il participe à une forme de surenchère diplomatique sans issue. Idem dans le cas iranien.

Contentieux ancien

Justement conseillé par ses collaborateurs qui précisent que l’Iran respecte dans les grandes lignes l’accord signé en 2015 (lire l’article sur lemonde.fr : Accord historique sur le nucléaire iranien ) avec les membres permanents du Conseil de Sécurité de l’Organisation des Nations Unies plus l’Allemagne (Groupe du P5+1), Donald Trump préfère jouer la carte de la dureté, ici excessive, à l’endroit des Gardiens de la Révolution. Certes le contentieux entre l’Iran et les Etats-Unis est ancien mais les efforts accomplis par l’Iran et le président Rohani, d’ailleurs salués par l’accord international cité précédemment, avaient engagé les relations entre les différentes parties sur la voie de la concertation et de l’apaisement. Preuve en est, et à titre d’exemple, les différents projets de coopération économique lancés entre la France et l’Iran. Mais la position de Donald Trump qui semble n’être que la sienne au demeurant, l’isolant plus encore au sein de sa propre administration et de son propre pays, vient handicaper des relations encore fragiles et qui ne demandaient en rien de telles prises de positions aussi tranchées. Donald Trump aurait voulu saboter la réinsertion de l’Iran à l’échelle internationale qu’il ne s’y serait pas pris autrement. Parallèlement, son cavalier seul face à la question iranienne est aussi de nature à complètement bafouer ses alliés alors qu’au regard des traités en vigueur, la coopération prévaut. Entre bravades et mépris, Donald Trump tend à rendre le Monde plus dangereux encore qu’il ne l’est devenu en créant d’inutiles tensions avec des acteurs locaux, en particulier l’Iran, qui pourraient, bien accueillis et bien accompagnés par la communauté internationale, jouer un rôle de pivot au sein de leur sphère d’influence (Lire l’article sur lemonde.fr : Trump rend le monde encore plus dangereux ). Quant à la Corée, son isolement, qu’elle tente de rompre en se donnant une substance diplomatique, se rompra de lui-même lorsque le régime, épuisé par une politique uniquement animée par le fantasme de puissance que génère la possession de l’arme atomique, implosera. Mais pour l’heure le Monde continue de s’interroger sur les intentions de Donald Trump tout en regrettant le temps perdu à tenter de pacifier des régions explosives.

De la crise identitaire à la crise institutionnelle

Drapeau catalan 2
Les revendications des séparatistes catalans mettent en évidence les limites du système d’autonomie des régions. Mais quelle solution apporter ? Crédit photo : pixabay.com

La revendication indépendantiste catalane pose aussi la réalité d’une démocratie espagnole dépassée par le modèle d’autonomie régionale. A Madrid de choisir : le statu quo ou l’évolution vers un autre système institutionnel.

Alors que la Catalogne espagnole occupe aujourd’hui le devant de la scène, il n’est pas interdit de s’interroger désormais, non pas sur les revendications des séparatistes catalans mais plutôt sur les limites posées par le modèle espagnol d’autonomie des régions. Car c’est peut-être bien là que réside aussi le malentendu qui n’a cessé de croître depuis des années entre Madrid et une partie de la population catalane (comme il s’était posé, plus violemment encore, avec le Pays basque). Si la Constitution, approuvée par les urnes en 1978, prévaut encore aujourd’hui, force est de constater que le régime validé il y a près de quarante ans ne semble plus satisfaire une partie de la dite population. Pourtant, le système dont voudrait se détacher une partie des Catalans offrent à ces derniers une liberté d’action somme toute assez large, identique à celle dont jouissent les autres régions d’Espagne. Ainsi, comme le précise la Constitution de 1978, seule l’indépendance judiciaire (art. 149 de la Constitution alinéa 5 et art. 150) échappe au contrôle des régions.

Croissance et options

Parallèlement, de nouvelles modifications d’ordre fiscal ont aussi été introduites en 2009 précisant que si les communautés autonomes ne disposaient pas de ressources propres, l’État central reversait le produit des impôts nationaux proportionnellement à la population de chaque communauté. Ainsi, même si la somme totale payée par les Catalans au titre de l’impôt est la deuxième somme la plus élevée d’Espagne, et celle payée par les Andalous l’avant-dernière, les deux communautés autonomes reçoivent environ autant de subventions de la part de l’État central (la population de la Catalogne et de l’Andalousie étant comparables en nombre). Au-delà de la présentation des articles de lois, il semble bien aujourd’hui que la démocratie espagnole traverse une crise de croissance qui la pousse, bon gré mal gré à clarifier ses textes institutionnels. Dès lors plusieurs options se posent à l’Espagne. Le maintien de la Constitution actuelle avec le risque de voir s’enliser la crise sans en connaître l’issue et de pousser d’autres régions à revendiquer leur complète autonomie (éventualité peu probable) ; Décider une refonte totale ou partielle de sa Constitution ce qui pourrait alors entraîner aussi la chute de la monarchie constitutionnelle au profit d’une République. La question qui se pose alors est : Les Espagnols le souhaitent-ils ? L’Histoire a montré que l’expérience avait tourné court pour s’achever dans le sang de la guerre civile. Mais l’Histoire n’est pas nécessairement faite pour se reproduire. Opter pour la solution républicaine serait un bouleversement considérable pour l’Espagne et reste à savoir si les indépendantistes catalans, voire d’autres (au risque de réveiller des passions endormies) accepteraient de passer sous le joug d’une République, fut-elle fédérale à l’image de la République allemande ?

Réalité et dilemme

Autre question posée par les velléités catalanes, le poids de l’Union européenne. Même si le mot n’est que rarement prononcé par les indépendantistes, la Commission et le Parlement européens suivent avec attention l’évolution de la crise appelant au dialogue. Mais lequel ? Car autour de quel compromis est-il possible aujourd’hui de négocier ? Madrid entend, au nom de l’unité espagnole, conserver la Catalogne dans son giron pour de multiples raisons ; Une partie de la Catalogne souhaite s’en défaire. Le champ de la négociation est donc étroit. Et quand bien même la crise se tasserait-elle d’elle même, notamment au lendemain du coup de force des partisans de l’unité avec Madrid (Lire l’article sur lemonde.fr : Catalogne : démonstration de force des opposants au référendum, à Barcelone) , la question de l’indépendance ne s’éteindra pas définitivement. Elle resterait discrète mais prégnante dans un pays qui compte autant de particularismes culturels (langues, traditions, identité…) que de régions. Aussi, mettre fin à la crise catalane aujourd’hui ou demain résoudrait temporairement le problème posé sans nécessairement mettre Madrid face à la réalité institutionnelle actuelle, d’évidence défaillante. Car en y regardant de plus près, la démocratie espagnole est encore très jeune, sujette, preuve en est à de violents soubresauts, celle-ci n’étant sortie du franquisme qu’en 1975 après la disparition du dictateur. Et évoquer, comme précédemment une crise la démocratie espagnole n’est en rien un effet de manche car rien n’empêche l’Espagne de changer ou de modifier son régime institutionnel. Dilemme ô combien cornélien car si l’autonomie actuelle est plébiscitée par une majorité d’espagnols, il conviendra de proposer un système différent mais qui ne rognera en rien les libertés régionales actuelles, qui accordera sa place aux identités locales mais sans leur laisser un espace de contestation trop large susceptible de se retourner contre le pouvoir central.

Les Ultras, fossoyeurs du football professionnel

Ultras foot
Souvent impressionnantes, les actions des Ultras peuvent prendre des allures de violences qui discréditent le football et effraient un public en quête de divertissement. (Crédit photo : wikipédia.org)

La question de la violence dans les enceintes sportives à nouveau relancée par les incidents survenus à Amiens, se pose un impératif de gestion des groupes ultras. Sous peine de voir les stades désertés et le football professionnel discrédité.

D’aucuns pensaient la question sinon définitivement réglée, du moins largement dominée. Mais l’incident survenue le 30 septembre dernier lors du match de football de Ligue 1 opposant Amiens à Lille au stade la la Licorne dans la capitale Picarde a relancé la question de la sécurité dans les stades au regard de la présence de groupes Ultras. Naturellement, l’enquête diligentée par le Parquet d’Amiens déterminera les responsabilités de chacun mais demeure la question prégnante de la gestion de ces groupes de supporteurs. Ces individus, rarement présents dans les enceintes sportives dédiées à la pratique du football pour la beauté du sport ou la candeur innocente du soutien bon enfant que l’on peut apporter à son équipe favorite, atteignent à l’image (déjà très écornée ! ) du football professionnel. Et il s’agit aujourd’hui d’un fait acquis, qui ne relève plus de l’épiphénomène : le football professionnel, voire amateur, génère des comportements violents et totalement asociaux. La question à se poser désormais, passé le constat, est de savoir comment dans un premier temps juguler cette violence, pour ensuite la faire totalement disparaître. Vaste tâche que celle-ci car la violence, majoritairement contenue au plus plus profond de chacun de nous, est pourtant affleurante chez certains et qui n’hésitent pas à l’exprimer lors des rencontres sportives. Et chacun de se renvoyer parmi les dirigeants de clubs la responsabilité des incidents ou des actes en prétextant une mauvaise gestion des groupes, d’insuffisantes mesures de sécurité, d’incomplètes installations à l’intérieur des enceintes afin d’isoler ces supporteurs qui n’en ont que le nom….

Subir et redouter ?

Que faire alors ? La réponse policière et judiciaire peut certes être avancée mais est-il possible de poser un agent des forces de l’ordre derrière chaque individu jugé ou supposé violent ? La multiplication des mesures, y compris les plus restrictives comme l’interdiction de stade finiraient par se heurter aux fondamentaux de la liberté individuelle. Donc question compliquée, juridiquement, matériellement et financièrement. Dès lors, ne reste-t-il plus qu’à subir et redouter le pire ? Si l’interrogation n’est pas en soi insupportable, la réponse pourrait déplaire et être jugée impensable. Pour autant, ne convient-il pas aussi de prendre la question de la violence des groupes ultras de biais et non plus frontalement ? Explications. Qu’es-ce qui génère cette violence ? La bêtise. C’est une réponse mais le terme est trop générique. Plus précisément, l’envie d’en découdre pour satisfaire un ensemble de frustrations propres à chacun des supporteurs appartenant à ces groupes. Il n’est pas ici question de transformer ces individus en victimes d’un société contemporaine dure et cruelle, loin s’en faut. Mais aborder plus encore la sociologie des groupes de supporteurs ultras ne serait pas inutile non plus. L’étude permettrait, peut-être, de dessiner les raisons et les origines de cette violence, condamnable naturellement, amplifiée par l’exposition médiatique du football professionnel. Parallèlement, nombreux arguent de l’omniprésence de l’argent dans le football professionnel pour expliquer cette violence. Cependant, le lien entre violence gratuite et flux financiers, ceux qui traversent le football professionnel aujourd’hui, n’est pas si direct et évident.

Hypocrisie du fair-play

La violence des groupes ultras cible généralement d’autres groupes de supporteurs ou l’équipe adverse et la dimension financière et économique ne semble pas être une des origines de cette violence. En témoigne l’observation d’Antoine Boutonnet, Commissaire chef de la Division de la lutte contre le hooliganisme (DNLH)* : « La définition d’un ultra est la suivante : Les ultras sont des supporters qui aiment se retrouver en groupe pour encourager leur équipe, qui créent des animations, des tifos, chantent… C’est le douzième homme. Ils aiment être autonomes par rapport à leur club et à sa gouvernance. Ils rejettent le fair-play qu’ils considèrent comme une véritable hypocrisie puisqu’ils considèrent le football comme un affrontement entre deux camps. Ils veulent avoir leur esprit critique et pouvoir peser sur un certain nombre de décisions. Ils ne sont pas forcément adeptes de la violence mais sont prêts à en user pour défendre leur groupe envers et contre tout. Ils ont d’ailleurs des relations très ambiguës avec les actes de violence. Ça peut être de la violence verbale mais aussi physique. Ils se chambrent entre eux et cela peut déboucher malheureusement sur des bagarres. » (Lire le dossier complet sur : Le mouvement ultra en France ) Passées toutes les analyses, demeure une réalité. Il est devenu, à des degrés divers, risqué, voire dangereux de se rendre au stade, seul ou accompagné, compte tenu de la présence de groupes de supporteurs, incontrôlables car indépendants des clubs qu’ils soutiennent. Néanmoins, tant pour des questions de survie du football professionnel que pour des questions de sécurité publique, la gestion de ces groupes devra être abordée sans tarder afin de rendre les enceintes sportives sûres pour tous.

In Foot365, décembre 2015.