Le Brexit, un vrai british soap

Les manifestations de soutien au sentiment pro-européen organisées à Londres témoignent aussi de la peur ressentie par nombre de Britanniques de se retrouver esseulés dans un monde traversé de concurrences face auxquelles la Grande-Bretagne se retrouverait placée en situation de faiblesse.

Décidément, le feuilleton du Brexit n’en finit pas de rebondir ! Ce London soap ou British soap, c’est selon, tient en haleine tout le continent au point d’en devenir presque pathétique. Non que la manifestation qui s’est déroulée le 23 mars dernier dans les rues de Londres en soit l’exemple, loin s’en faut, elle est surtout la conséquence logique et responsable d’un Brexit où les atermoiements se disputent aux coups de mentons (Lire lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/international/article/2019/03/23/les-opposants-au-brexit-se-mobilisent-a-londres-pour-appeler-a-un-second-referendum_5440290_3210.html). Car à ce jour, personne n’est capable de dire si oui ou non et surtout quand la Grande-Bretagne sortira de l’Union européenne. Le gouvernement britannique, coincé entre les résultats du référendum qui a validé démocratiquement la sortie de la Grande-Bretagne, l’Union l’Union européenne qui a posé ses conditions et désormais la volonté de certains d’organiser un nouveau référendum pour décider du sort du pays, doit résoudre une impossible équation. Et le temps presse…

Attachement et peur

Pourtant en se penchant sur les causes de l’agitation actuelle, il en est une qui semble émerger plus que d’autres. Certes il a longtemps été fait reproche aux Britanniques de se tourner vers le grand large selon le mot de Winston Churchill, mais il convient aussi de souligner qu’aujourd’hui leur attachement au continent reste entier car même exclus de l’Union douanière, la Grande-Bretagne reste un partenaire essentiel. Pour autant, la raison qui semble donc être à l’origine de cette agitation, c’est la peur de se retrouver seul. Car défaite de l’Union européenne, de ses structures, de ses avantages et de ses obligations, d’ailleurs à la base du référendum de juin 2016, la Grande-Bretagne se retrouverait seule, à savoir n’appartenant plus à au aucun ensemble économique massif susceptible de la protéger ou de l’épauler en qualité de partenaire économique chose qui dans le monde actuel, traversé de concurrences féroces, serait pour le moins extrêmement risqué. Et les manifestants ayant battu le pavé londoniens le 23 mars en sont naturellement conscients. Que faire alors ? Il sera difficile pour le gouvernement britannique de nier la volonté populaire sortie des urnes en juin 2016 tout comme il sera fatal pour ce même gouvernement de sortir de l’Union sans accord. Non qu’une sortie avec un accord a minima soit la solution pour les Britanniques mais il est clair que la solution idéale n’existe pas. Et tout report, à savoir au-delà des élections européennes, élections auxquelles les Britanniques participeraient de fait, entérinerait sans le dire officiellement une sortie à court ou moyen terme.

Annulation et méfiance

Autre conséquence, la fragilisation de la Grande-Bretagne sur la scène européenne qui aurait alors beaucoup de mal à faire valoir ses principes insulaires et notamment sont attachement viscéral à la Livre Sterling. La question se pose alors de savoir si les manifestant pro-européens ont songé à cette éventualité parmi tant d’autres d’autres…
Un report du Brexit ou une annulation pure et simple obligerait la Grande-Bretagne à opter pour un profil bas car en retrouvant hypothétiquement sa place dans l’Union européenne (place que jusqu’au 12 avril elle occupe d’ailleurs encore), cette même place serait marquée du sceau de la méfiance. Inextricable situation à laquelle Theresa May, le Premier Ministre anglais doit faire face, (Lire l’article sur lesechos.fr : https://www.lesechos.fr/monde/europe/0600959106178) et qui trouve ses racines dans l’agitation populiste d’hommes comme Nigel Farage ou Boris Johnson, prompts à leurs heures passées, à conspuer une Union européenne accusée de tous les maux mais visiblement moins lourds que ceux que le Brexit apporte. Leur silence est d’ailleurs l’illustration de la limite des discours populistes capables d’enflammer les foules mais incapables d’en gérer les conséquences. Il apparaît évident que les prochains jours seront déterminants pour l’avenir de la Grande-Bretagne tout comme de l’Union Européenne qui sortirait somme toute grandie de cette aventure car celle-ci sera restée fidèle à sa ligne de conduite, atout majeur alors que l’Union est souvent brocardée pour sa faiblesse diplomatique.

Une fleur sans racine

Que restera-t-il du mouvement des Gilets Jaunes ? Nul ne saurait le dire mais l’actuel étiolement du mouvement trouve ses origines dans l’absence de structuration politique à même d’assurer sa pérennité.

Qu’arrive-t-il donc au mouvement des Gilets Jaunes ? Alors que l’Acte XVII n’a rassemblé que 28.600 manifestants sur l’ensemble du territoire, d’aucuns s’interrogent désormais sur les raisons qui expliquent l’étiolement d’un mouvement qui restera historique tant dans sa forme que dans foultitude de revendications que celui-ci a porté. Et c’est un fait, depuis la première manifestation organisée le 17 novembre 2018, le nombre de participants a inexorablement chuté, chute occultée par les différentes violences commises lors des rendez-vous parisiens ou tenus en région. (Lire l’article sur lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/03/09). Voilà un premier embryon de réponse susceptible d’expliquer la perte de vitesse et de popularité du mouvement : les actes de vandalisme ou de violence générés par les casseurs affublés de Gilets Jaunes ont lourdement porté atteinte au mouvement quand il ne s’agissait pas de Gilets Jaunes authentiques qui se sont adonnés à la violence.

Complexité et logique

Autre raison, la lassitude de certains Gilets Jaunes, dont les convictions et l’engagement ont été sapés par les dérives du mouvement, sans tenir compte des violences bien que celles-ci aient joué un rôle non négligeable, où se mêlaient sans véritable logique diverses revendications parfois totalement opposées. Autre explication possible, la mise en place du Grand Débat national qui a permis à certains de s’exprimer, soit à l’échelle communale, soit devant le Président de la République, Grand Débat non dénué de critiques à lui apporter mais qui a eu le mérite de mettre en évidence, par les propositions avancées, la complexité que suppose la gestion d’un Etat comme la France et surtout les difficiles solutions à générer pour solutionner les problèmes dégagés. Autant de raisons capables d’expliquer l’agonie du mouvement qui peine désormais à se trouver une cause viable et populaire. Et peut-être est-ce là la principale raison de la perte de vitesse du mouvement : son manque de logique politique (entendez ici au sens grec du terme, c’est-à-dire pour le bien de l’intérêt général) et de cause claires et définies. Le mouvement s’est, dès son origine, fait fort de multiplier les revendications mais en s’occupant plus d’occuper les ronds-points que de préciser et d’affiner un discours qui pour être audible, crédible et pérenne devait nécessairement se structurer et non pas ressembler à une vaste foire-à-tout où la démagogie se disputait avec un populisme rampant.

Histoire et révolutions

Ainsi, plaider pour la mise en place d’un Référendum d’initiative citoyenne (RIC) est une proposition élective sensée mais dans une démocratie où se succèdent régulièrement les rendez-vous électoraux marqués par de très forts taux d’abstention, est-il raisonnable de croire que les RIC organisés mobiliseraient plus que les scrutins prévus par la Constitution ? Il ne s’agit en rien d’une question rhétorique et chacun y apportera sa propre réponse mais il reste évident que le mouvement des Gilets Jaunes s’est écrasé sur l’absence de ligne politique ou sociale en rupture avec la doxa classique qui prévaut en matière de gestion des affaires publiques. Or, et l’Histoire, éternel recours, l’a maintes fois prouvé, sir la rue est l’origine de nombreuses révolutions, celle-ci ne peut s’affranchir pour arriver à son terme d’une expression politique structurée à même de porter les revendications défendues. A trop vouloir se détacher des structures politiques et syndicales, en arguant d’un apolitisme forcené et d’une indépendance intellectuelle détachée de toutes idéologies ou de tous modèles, qu’ils soient d’essence libérale ou marxiste, le mouvement a perdu toute crédibilité pour finir par devenir hors-sol. Reste désormais à savoir quel sera l’avenir de ce mouvement qui dans quelques années sera soumis à la patine de l’Histoire, à l’exercice de la mémoire et au risque de l’oubli ? Il est fort à craindre que dans un élan vulgarisateur, Gilets Jaunes et Grand Débat national soient placés dans le même chapitre, l’un expliquant l’autre et ce pour éviter que mouvement originel ne se perde dans les limbes de l’Histoire.

L’Algérie à l’heure de son histoire

Alors que grossissent les cortèges de manifestants refusant la nouvelle candidature du président Bouteflika à l’élection présidentielle, l’Algérie amorce un tournant décisif de son histoire : l’âge de l’émancipation.

Et si l’Algérie entamait enfin son printemps arabe ? Devant l’ampleur de la contestation liée à la volonté du président Abdelaziz Bouteflika, un homme de 82 ans malade, de se représenter à un cinquième mandat (l’ancien membre de l’Armée de libération nationale (ALN) a été élu pour la première fois en 1999), pourquoi ne pas imaginer que ce géant du monde arabe, qui possède tous les atouts (Ressources naturelles, démographie, exposition géographique,…) pour devenir une grande puissance, se libère des chaînes de l’armée qui l’étreignent depuis 1962  sous couvert d’une République démocratique qui n’en porte que le nom ? (Lire l’article sur le figaro.fr : http://www.lefigaro.fr/international/2019/03/02/). L’occasion se présenterait-elle enfin pour ce pays, riche d’une manne pétrolière mal exploitée et rongé par une corruption endémique, qui avait vu ses voisins tunisiens, lybiens et syriens s’émanciper respectivement de l’autorité de Zine el-Abidine Ben Ali, Muammar Khadafi et Hosni Mubarak en 2011 ?

Lassitude et intérêt général

En réalité, tout semble y concourir. La lassitude du peuple algérien, notamment sa jeunesse largement majoritaire (45% de la population totale, soit 42,2 millions d’Algériens, est âgée de moins de 25 ans ; 22,5% de moins de 30 ans)*, pressée d’expédier l’héritage des pères de la révolution de Houari Boumédiène à Ahmed Ben Bella en passant par
Abdelaziz Bouteflika, la volonté de ce dernier d’extraire le pays d’un immobilisme sclérosant où se disputent affairistes et hommes politiques souvent plus soucieux de leurs intérêts particuliers que de l’intérêt général et enfin la nécessité pour l’Algérie de rentrer de plain pied dans le XXIème siècle en se débarrassant de cette image de nation post-coloniale incapable de grandir sans l’aide d’un quelconque allié attiré par les ressources naturelles du pays. Et la contestation d’attester de cette volonté de changement. Mais étrangement, alors que le peuple algérien refuse de voir le président Bouteflika se présenter à nouveau, l’opposition reste silencieuse, incapable de présenter une solution alternative. (Lire l’article sur lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/03/02/) Or, et l’Histoire l’a maintes fois prouvé, tout mouvement populaire mal appréhendé et mal contrôlé peut donner lieu à des débordements ou des dérives à l’ampleur inconnus. L’Algérie, qui a longuement pansé les plaies de la guerre d’indépendance et de la guerre civile, est désormais prête à se tourner vers une démocratie digne de ce nom où son peuple, longtemps infantilisé et tenu sous perfusion grâce aux recettes pétrolières qui ne faisaient que cacher grossièrement une réalité sociale et économique devenue insupportable, semble vouloir clairement en finir avec son régime politique actuel pour enfin se nourrir de libertés fondamentales comme la liberté d’expression ou de la presse.

Maturité et privilèges

Or, au regard des premières manifestations, des slogans lancés, de la volonté de manifestants de n’être en aucun cas récupérés et de s’inscrire dans une logique pacifiste, il apparaît combien ce mouvement laisse exhaler une maturité et une densité que le régime actuel doit désormais plus que redouter. Rappelons-le, la population algérienne, jeune et cultivée, en dépit d’un système éducatif à bout de souffle, s’est nourrie des erreurs commises et de l’expérience des générations passées. Mais au-delà de cette jeunesse, c’est, semble-t-il, toute la société algérienne qui fait valoir son exaspération incarnée par le refus de voir le président Bouteflika se présenter à nouveau. Car pourquoi se représenterait-il si ce n’est pour assurer la survie d’un édifice politique, social et économique chancelant et dépassé où prébendes et privilèges ont pris le pas sur la collectivité. D’aucuns, au sens de la formule plus ou moins aiguisé, affirmeraient que l’Histoire est en marche. Pourtant, si celle-ci ne s’arrête jamais, elle aime à faire sentir son pouls par des à-coups parfois plus violents que d’autres, en témoignent les manifestations et cet embryon de révolution qui se fait jour dans les rues d’Alger. L’heure est venue !

  • Sources : Algérie Presse Service – Population au 1er janvier 2018.