Avoir ce que l’on mérite

Alors que les Etats-majors politiques sont pleinement entrés dans la campagne présidentielle, la question de la crédibilité et de la compétence de nombreux candidats se pose. Essai d’explication.

Pour débuter cette chronique, replongeons-nous, une fois n’est pas coutume au milieu des années quatre-vingt-dix, lorsque les idéologies encore empreintes de parfums d’utopie avaient encore cours. Ainsi, il y a presque trente ans, le paysage politique français se décomposait-il simplement, entre une droite libérale et une gauche progressiste qui se disputaient régulièrement le pouvoir, titillés l’un et l’autre par une extrême droite montante mais qui ne semblait pas réellement inquiéter les deux grands partis d’alors, le RPR et le PS. Chacun pouvaient, légitimement, présenter des candidats crédibles, compétents, cultivés et empreints du sens de l’Etat lors des grandes échéances électorales, notamment l’élection présidentielle. En 1995, les différents Etats-majors avançaient donc leurs pions et sondaient l’opinion afin de savoir quel candidat proposer aux électeurs en vue de l’élection devant se tenir la même année. Pour le RPR, ce fut, sans surprise, Jacques Chirac, qui sera d’ailleurs élu après une remontada restée dans l’histoire face à Edouard Balladur. Pour le Parti socialiste, ce fut, en revanche, à la grande surprise de nombreux électeurs, Lionel Jospin, arrivé en tête au soir du premier tour. On connaît la suite de l’Histoire.

Succession et faiblesse

Et trente ans plus tard, si le paysage politique a considérablement changé, il en est aussi de même pour ceux qui se sont déclarés candidats à la charge suprême. Les grandes figures de la politique nationale, Jacques Delors, Alain Juppé, Robert Badinter, Philippe Seguin et tant d’autres… se sont retirés ou ont simplement disparus, laissant derrière eux un désert que leurs héritiers, réels ou auto-proclamés ont du mal à fertiliser. Et dans l’attente de savoir si le président actuel sera candidat à sa propre succession, ce qui laisse peu de doute cependant, force est de constater que les forces en présence brillent par une affligeante médiocrité. Absence de vision, programmes économiques et sociaux flous, atermoiements et approximations sur la question environnementale poussent à s’interroger sur la qualité intrinsèque de chacun d’entre eux. Car s’il est devenu commun d’affirmer que chaque pays dispose de la classe politique qu’il mérite, cette allégation n’a jamais été aussi pertinente qu’en ce début de XXIème siècle. De toutes parts, l’échiquier politique ploie sous la faiblesse de candidats obsédés par les sondages et pétris de rancoeurs cuites et recuites. A telle enseigne que l’on pourrait aisément se demander si certains candidats n’ont pas été choisis par défaut. A gauche, Anne Hidalgo, s’est imposée face à Stéphane Le Foll, fidèle lieutenant de François Hollande, mais qui était un relatif inconnu pour l’ensemble des électeurs. Vainqueur d’une primaire sans valeur, Anne Hidalgo est aujourd’hui crédité de 5 % des intentions de vote. A vaincre sans péril,…

Inertie et incapacité

A droite, terrorisée par la montée en puissance de l’agitateur d’extrême droite, Eric Zemmour, Les Républicains ambitionnent, via un congrès national, de choisir un candidat capable de l’emporter tout en muselant l’attraction Zemmour. Mais avec quel candidat ? Valérie Pécresse, présidente de la région Île de France, Michel Barnier, ex-négociateur du Brexit, Xavier Bertrand, Président des Hauts de France ? Tous à couteaux tirés, pétris d’egos surdimensionnés, écartelés entre la nécessité de s’opposer à Emmanuel Macron mais sans trop pour éviter de froisser l’électorat de centre-droit mais tenus de porter un discours ferme pour éviter de nourrir la campagne de Marine Le Pen et d’Eric Zemmour, si celui-ci se présente, la droite française brille par son inertie et ses contradictions idéologiques quand la gauche lui dispute une incapacité désormais chronique à tenir un discours social et progressiste nouveau. Dans un quinquennat qui s’achève sur fond de pandémie, il semble que les élites politiques françaises peinent à s’imposer dans un électorat fatigué de discours éculés et anachroniques au regard des enjeux actuels essentiellement liés à la transition énergétique. Alors qu’elles solutions apporter pour tenter de redynamiser une classe politique en panne d’idées, dépassée il y a cinq ans par le phénomène Macron et aujourd’hui l’incongruité Zemmour ? Peut-être que se focaliser sur les vides de nos sociétés plus que les pleins, qui le sont déjà depuis longtemps, pourrait faciliter cette redynamisation. Car c’est sur les vides que prospèrent les extrêmes. Donc…

L’Europe à la recherche d’une énergie nouvelle

Articulée autour des énergies carbonées, l’économie européenne souffre de la hausse des prix de l’énergie renforçant sa dépendance et attentant à son influence internationale. Photo : Floréalréal – DR.

Alors que la hausse des prix de l’énergie a mis en exergue la dépendance de l’Europe en la matière, les solutions pour réduire cette faiblesse ne semblent en rien immédiates. Et le Vieux Continent d’acter sa perte d’influence, otage de réalités à la dimension géopolitique.

La flambée des cours du gaz et du pétrole ont confirmé une réalité qui semblait s’être estompée alors que faisait rage l’épidémie de covid-19 mais sans pour autant totalement disparaître : la dépendance de l’Europe du point de vue énergétique. La faiblesse de la consommation pendant la pandémie avait relégué la question au second plan. Mais la reprise de l’activité et de la croissance notamment chinoise a relancé le débat non sans un certain cynisme. S’abreuvant de gaz russe (lesechos.fr : https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyse), et s’exposant par la même aux caprices de Vladimir Poutine qui use de la question énergétique comme levier d’influence géopolitique, victime de la hausse des cours du pétrole à l’échelle mondiale, prise en otage par les pays producteurs de pétrole (OPEP) tous aussi attachés que la Russie, qui fait d’ailleurs partie de l’OPEP, à l’influence que génère la production et la vente de pétrole, l’Europe se retrouve aujourd’hui acculée et obligée de recourir à des solutions internes coûteuses pour amortir l’emballement des cours. En France, chèque énergie, allègement des taxes et autres solutions existantes ou à venir sont désormais avancées pour éviter tout ralentissement économique dû à une facture énergétique trop lourde libellée en dollars et non euros.

Transition et impulsion

Pour autant, passé ce constat qui relève plus du leitmotiv que de la proposition de solutions, il convient désormais de s’interroger sur la position de l’Europe face aux producteurs d’énergie dans un contexte de transition énergétique et écologique acté. D’aucuns avancent que le nucléaire présente tous les atouts pour assurer une transition réussie tout en s’affranchissant des fluctuations des énergies fossiles. Certes mais que faire des déchets nucléaires, véritables poisons, dans tous les sens du terme ? L’éolien ? Là encore des levées de boucliers sont à craindre car bien qu’efficaces, les éoliennes se révèlent bruyantes et seulement adaptées à de faibles concentrations de populations. Reste l’hydrogène. Inépuisable, facilement concevable productible et sans résidus carbonés dans l’atmosphère, il se présente comme une solution miracle mais les chaînes de fabrication susceptibles d’en accueillir ne sont en rien encore adaptées et sont loin de l’être tant qu’une impulsion globale ne sera pas donnée dans ce sens. Esseulée dans la compétition énergétique et désarmée face à des Etats-Unis peu enclin à se lancer dans la bataille, face à une Russie et des pays producteurs de pétrole qui voient là l’opportunité de s’affirmer et d’exister à l’échelle internationale dans le jeu géopolitique, l’Europe est contrainte de subir une situation pour l’heure insoluble si aucune solution pérenne de substitution n’est pas trouvée dans les années à venir.

Influence et divergences

Perdant par la même une partie de sa crédibilité et de son influence, déjà l’une et l’autre faibles, à l’échelle mondiale, l’Europe se révèle bien plus passive qu’active sur ce dossier pourtant crucial au carrefour de l’économie, de la diplomatie et de la géopolitique. Sauf à imaginer une remise en question mondiale des intérêts de chacun au regard de la question énergétique, il est peu probable que l’Europe en devienne un acteur majeur. Avancer, comme le fait actuellement le président de la République, Emmanuel Macron, la solution nucléaire renvoie à des problématiques obsolètes de plus de quarante ans alors que la situation appelle à se projeter vers des solutions d’avenir pourtant elle-même discutables (lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/10/18l) Et évoquer une remise en question mondiale des intérêts de chacun au regard de la question énergétique supposerait que soit aplanies toutes les divergences politiques, financières et diplomatiques qui éloignent les acteurs du marché de l’énergie. Ainsi, la dépendance énergétique de l’Europe n’est en réalité que l’arbre qui cache la forêt d’une impérieuse décarbonation de l’économie mondiale et ce dans les meilleurs délais. Poussés par cette nécessité désormais acquise, les pays producteurs de pétrole, de gaz ou de charbon entretiennent des cours élevés certes à des fins de rentabilité immédiates mais aussi à long terme, qui par procédé capitalistique d’accumulation, permettra de financer leur propre transition énergétique. Or, à cette heure, la question qui se pose n’est pas tant de savoir qui financera la transition énergétique mais plutôt qu’elles solutions seront à financer. Et pour l’instant….

Le pardon ne suffira pas

La confession ne pourra plus servir de rempart à l’Eglise pour se protéger des souffrances des victimes.

La publication du rapport Sauvé impose à l’Église catholique de France plus que la reconnaissance des abus sexuels commis pendant des décennies. Une réforme complète de l’institution, de son rôle et de ses objectifs est désormais impérative.

Il est peut de dire que la publication du rapport Sauvé révélant les abus sexuels commis par des religieux ou des prêtres religieux catholiques en France entre 1950 et 2020 a causé une véritable déflagration tant au sein de l’Église catholique qu’au sein de la société civile. (huffingtonpost.fr : https://www.huffingtonpost.fr/entry/) Déflagration tout d’abord en raison de l’ampleur du nombre d’abus et des conséquences juridiques et judiciaires qui en découleront. Mais déflagration aussi peut-être, et surtout, sans naturellement minimiser ou reléguer au second rang la gravité des abus et des violences commis, en raison des changements auxquels l’institution catholique devra, bien qu’elle fasse preuve pour l’heure de réticence en la matière, engager. Ce changement passera, d’aucuns l’auront compris, par une refonte totale des instances dirigeantes de l’Église de France, sans épargner le Vatican, qui, silencieux pendant des décennies, a de fait cautionné ces agissements, mais aussi par un aggiornamento des objectifs, du rôle de l’Église et de ces serviteurs.

Troisième ordre et sélection drastique

Le chantier qui s’ouvre devant l’institution, trop longtemps engoncée dans l’idée que son histoire lui conférait encore le rôle tacite de troisième ordre (ndlr : allusion faite aux trois ordres qui prévalaient avant la Révolution française, le Clergé, la Noblesse et le Tiers état), est gigantesque car à même de bousculer son seulement la hiérarchie catholique mais plus encore le rapport que celle-ci entretenait avec les fidèles. La pédocriminalité qui a ainsi prévalu au sein de l’Église catholique de France a donc jeté l’opprobre sur une institution que l’on pouvait croire sans tâche mais qui devra désormais composer avec la honte et la culpabilité qu’elle n’hésitait pas à imposer à ses fidèles. Trop déconnectée de la société contemporaine, en dépit d’une sécularisation de façade, l’Église catholique a désormais le devoir se se plier à une sélection des plus drastiques de ses serviteurs. Ouvrir le mariage aux prêtres peut apparaître comme une première étape mais celle-ci répond plus à une modification du dogme qu’à une réelle nécessité sociale. Certainement plus que toute autre institution amenée à côtoyer du public, a fortiori jeune, fragile et influençable, d’où le silence qui a régné sur la question pendant des années, l’Église doit engager une vraie politique de recrutement et se muer en Directeur des Ressources humaines afin de choisir les bons candidats , laïcs ou religieux. Souvent prompte à se réfugier derrière le secret de la confession, arguant de son aspect sacré et divin, imposant de fait la primauté du droit canon sur le droit civil, de la justice de Dieu sur la justice des Hommes, l’Église a volontairement niée les évolutions culturelles, sociales et politiques de la société qu’elle était sensée spirituellement, et rien d’autre, servir. (lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/societe/article/)

Conviction et péchés

En bafouant l’intégrité de jeunes enfants, filles ou garçons, elle salit et traumatise simultanément l’individu amené par choix personnel vers la foi par conviction qui n’y trouve in fine que honte et culpabilité. Le message subliminal de l’Église où se tutoient écoute et pardon a ainsi été détourné, pour ne pas dire dévoyé, non pas au profit du croyant mais au profit de l’institution qui s’est trop longtemps appuyée sur le silence de ses victimes, trop effrayée pour dénoncer les abus, pour laisser ses prêtres et laïcs agir en toute impunité. Enfin, il n’est pas inopportun de s’interroger sur le poids des évolutions sociétales de ces dernières années, véhiculées et parfois amplifiées par les réseaux sociaux, tels que le mouvement MeToo, qui visaient à briser la chape de plomb qui protégeaient certaines pratiques désormais dénoncées et punies. Dès lors un constant s’impose : l’Église de France a péché par excès de confiance dans sa position de prétendue autorité morale à même de masquer les abus commis et dénoncés, par manque de réactivité de ses dirigeants trop occupés à défendre l’image de l’institution tout en étant conscients et informés des abus perpétrés et par incapacité, ou manque de volonté, de réformer une institution dépassée et loin d’être en phase avec la société dans laquelle elle veut s’inscrire.

Le passé…Simplement.

Affronter objectivement son histoire, tel est l’objectif de toutes politiques mémorielles.

Engager une politique mémorielle visant à replacer dans une réalité historique objective la place d’un Etat, tel est l’enjeu des politiques mémorielles. La France s’y est lancée et non sans difficulté.

C’est un fait, passager certes, mais la France et l’Algérie sont en léger froid. La cause ? Les propos du président de la République Emmanuel Macron qui, le 20 septembre dernier à l’Elysée, affirmait que le système politico-militaire algérien s’était construit sur une rentre mémorielle sciemment entretenue par les différents gouvernants qui se sont succédé à la tête de l’État d’Afrique du Nord. Tollé de l’autre côté de la Méditerranée suivi d’un rappel de l’ambassadeur d’Algérie en France et d’une interdiction de survol par les avions militaires français du territoire algérien. Pourtant, les propos du président français, partagés par une grande part des Algériens, ont heurté un régime qui cherche encore à masquer son inertie et ses échecs en prétextant des conséquences d’une colonisation jugée, à raison, injuste et inique. Pour autant, passée l’émotion des propos du président français et de la brouille ponctuelle qui finira par s’apaiser sous peu, se cache la difficile tâche pour chaque Etat, et pas seulement la France ou l’Algérie, de mener une politique mémorielle juste, cohérente et en phase avec la réalité historique. (lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/afrique/article)

Roman national et remise en question

L’exercice peut se révéler périlleux car il met en jeu des notions délicates telles que celles de l’identité, du regard, du sens et de l’écriture de l’Histoire. Or, le quinquennat d’Emmanuel Macron a tenté, chaque fois que l’occasion se présentait, de mettre en avant ou de nourrir cette politique mémorielle avec un seul objectif : remettre la France à sa juste place dans l’Histoire. Le roman national, cher à la IIIème République, a vécu et ne peut plus servir aujourd’hui de bréviaire encore moins de pilier fondateur à ceux qui souhaitent utiliser l’histoire de la France comme argument politique. Une politique mémorielle intelligemment menée saura s’affranchir des excès et des passions qui peuvent aisément l’envahir au point de la pervertir. Et encore une fois, l’exercice n’est en rien aisé car il suppose une remise en question d’acquis historiques dès lors ouverts à débats et une potentielle réécriture de ces derniers afin de proposer une lecture responsable et responsabilisante de l’Histoire et des faits qui la compose.

Nécessité et gageure

Il ne s’agit en rien d’accabler ou de vénérer qui que ce soit, de minimiser tel ou tel fait, mais de recontextualiser les composantes historiques afin de proposer un espace de réflexion dénué de scories nées d’interprétations hasardeuses. (courrierinternational.com : https://www.courrierinternational.com/article/) Le chantier est immense mais nécessaire. Et accepter d’ouvrir une réflexion, aussi douloureuse puisse-t-elle, sur le passé d’une nation relève de la gageure qui, achevée, ouvre le champ à de nouvelles relations diplomatiques et de nouveaux rapports sociaux. Si regarder son histoire en face assure d’un présent et d’un futur plus serein, il est aussi le gage pour les nations périphériques ou liées d’une manière ou d’une autre, d’un espace de dialogue défait de toutes ambiguïtés malsaines ou de non-dits cuits et recuits. Et si dans l’absolu, une démarche de cet ordre est salutaire, encore convient-il que celle-ci soit acceptée par tous et fasse l’objet d’une logique similaire dans les nations impliquées.