Berlin a le choix

Le nouveau chancelier devra choisir entre une relance de l’Union européenne ou l’enracinement de la position dominante de l’Allemagne en Europe.

Quel qu’il soit, le nouveau chancelier allemand aura devant lui deux options : renforcer la position de l’Allemagne afin de servir ses propres intérêts ou travailler au renforcement de l’Union européenne en qualité d’acteur géopolitique de demain en fondant la puissance allemande dans ce dessein.

Rarement les élections législatives outre-Rhin n’auront suscité autant d’intérêt. Et pour cause, appelés à voter pour élire une nouvelle majorité au Bundestag, les Allemands tiennent dans leurs bulletins de vote plus que l’avenir de la nation de Schiller. Car celui ou celle qui sera choisi par le Président de la République fédérale allemande, une fois le scrutin entériné, pourrait, ou pas, donner à l’Union européenne une nouvelle orientation. (lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/international/live) Fer de lance de la construction européenne avec la France, l’Allemagne, première économie du continent, première puissance démographique européenne avec près de 83 millions d’habitants (2019), dispose de toutes les cartes en main pour donner à l’Europe politique un second souffle. L’affaire des sous-marins australiens, qui a récemment mis en exergue la fragilité diplomatique de la France et plus largement celle de l’Union européenne, incapable de proposer un front uni et solidaire, a laissé de profondes traces dans les relations Etats-Unis / Europe en dépit de l’atlantisme affiché d’Angela Merkel, peu pressée de monter au créneau afin de défendre Paris et Bruxelles.

Orientation et solidarité

Il appartiendra donc au successeur de la chancelière d’affirmer ses convictions européennes, quelles qu’elles soient. Angela Merkel, qui avait fait de la question économique la priorité de ses mandats, s’est peu penchée sur les questions géostratégiques et géopolitiques, plus préoccupée par la place de l’Allemagne sur le continent en qualité de puissance économique que d’acteur géopolitique. (lesechos.fr : https://www.lesechos.fr/weekend/business-story) Cette orientation, qui a longtemps satisfait outre-Atlantique, faisant ainsi passer en premier lieu les intérêts de Berlin avant ceux de l’Union européenne, a pour autant déstabilisé ou plus précisément déséquilibré l’Europe politique qui ne trouvait pas, ou plus, dans l’un des ses premiers membres fondateurs l’enthousiasme nécessaire à la croissance de l’Union ver une forme de maturité politique et géostratégique. L’atlantisme tacite de l’Allemagne, qui se rapprochait par certains aspects de celui des Britanniques, a quelque peu plombé un ensemble politique qui avait plus besoin du soutien et de la solidarité de tous ses membres que de pays jouant des partitions isolées dédiées à leurs seuls intérêts. Est-ce à dire que la France était seule dans cette entreprise face à l’égoïsme allemand ? Loin s’en faut mais la réussite économique allemande autorisait, et autorise encore aujourd’hui Berlin à décider, parfois à coup de négociations âpres et que d’aucuns jugeraient péremptoires, sans réellement se préoccuper de l’avis de ses partenaires L’exemple grec en 2008, face à un Alexis Tsipras, otage de la dette souveraine hellène, en est la parfaite illustration.

Germany First et tensions géopolitiques

Que faut-il donc attendre du nouveau chancelier ? Les plus pessimistes diront qu’il n’est utile de nourrir d’espoirs particuliers. L’Allemagne, forte de sa position dominante en Europe, cautionnée par les Etats-Unis, n’aurait pas de raisons évidentes de changer de politique sans pour autant négliger son rôle dans la construction européenne à achever, du moins à poursuivre. Une forme de Germany First, édulcoré et moins agressif que celui promu par Donald Trump, pourrait dès lors se poursuivre sans excès ni débordement afin de ne heurter ni la France ni l’Union européenne. Les plus optimistes avanceront que Berlin, cherchera en revanche et très certainement à s’engager plus encore dans l’entreprise européenne pour épauler une France bien isolée dans un attelage certes efficace mais qui pourrait l’être davantage. La vérité est finalement peut-être entre les deux. Forte de son image et de son statut avéré de puissance continentale, l’Allemagne a tout intérêt à d’abord jouer le jeu européen alors que se profilent des tensions géopolitiques et géostratégiques lourdes notamment en Asie-Pacifique ou en Indo-Pacifique où la seule puissance économique ne suffira plus.

Se penser grand ne signifie pas l’être

Par ce contrat prévoyant la livraison de plusieurs sous-marins d’attaque à l’Australie, la France pensait maintenir son influence industrielle et diplomatique dans la zone indo-pacifique.

Si la crise franco-américaine constitue un des multiples aléas de la relation entre la France et Etats-Unis, celle-ci met surtout en évidence la faiblesse diplomatique de l’Hexagone tant à l’échelle mondiale que régionale. Essai d’explication.

D’un point de vue industriel, c’est une désillusion. Mais d’un point de vue diplomatique, c’est un camouflet, presque une gifle. La rupture du contrat liant la France et l’Australie et portant sur la livraison de douze sous-marins conventionnels à l’horizon 2030 au profit d’une alliance diplomatico-industrielle dirigée par Washington avec l’aide du Royaume-Uni (AUKUS) a plongé les alliés historiques, France et Etats-Unis dans une crise qui laissera, des traces. Pour autant, si la colère du gouvernement français et du Président de la République est légitime et justifiée, arguant d’une trahison incompatible avec le statut d’allié, celle-ci ne sera que passagère et se réglera dans les prochains mois par des réparations financières imputées à l’Australie. (lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/international) Car derrière cette décision qui marginalise la France dans la région indo-pacifique, se profilent aussi des enjeux de pouvoirs lourds qui échappent à l’Hexagone, non par méconnaissance des réalités géopolitiques (rivalités australo-chinoise, tensions sino-américaines, domination de la mer de Chine,…) mais par faute d’influence et d’aura suffisante à l’échelle mondiale. Ainsi, la ire du gouvernement français et plus spécialement d’Emmanuel Macron tient plus à une prise de conscience de la faiblesse diplomatique de la France qu’autre chose. Concrètement, l’alliance qui lie désormais l’Australie, les Etats-Unis et le Royaume-Uni met en évidence le rang de puissance de second rang, voire de puissance moyenne, la France.

Rivalité et romantisme

La réalité, difficile à accepter tant par le Quai d’Orsay que par l’Elysée est pourtant mise à l’épreuve des faits : La France, toute puissance économique mondiale qu’elle soit, ne peut rivaliser avec Etats-Unis, première puissance mondiale et seule capable de contrarier les ambitions chinoises dans la région. Cette réalité, jetée à la face de Paris et du monde, renvoie ainsi la France au rang de puissances subalterne, humiliée par l’indélicatesse australienne et le pragmatisme nord-américain. Encore bercée par l’illusion d’une alliance empreinte de romantisme éthéré où La Fayette se poserait en sauveur et libérateur des anciennes colonies outre-atlantique écrasées par une Angleterre omnipotente, vivant dans l’illusion d’une puissance retrouvée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale quand le Général De Gaulle réussit le pari d’imposer la France comme l’un des vainqueurs du conflit et se targuant d’une relation privilégiée nourrie par l’Histoire avec Washington, la France ne peut que constater, nue et démunie, la faiblesse de son influence devant des Etats-Unis indifférents aux gesticulations hexagonales. Dans un monde à l’économie intégrée, où géopolitique, géostratégie, stratégie militaire, raison d’État et nécessités économiques, se mêlent et se répondent dans un concert d’intérêts que chacun souhaite défendre sans scrupules, fut-ce au prix de trahisons, la France a naïvement et honnêtement cru que sa place dans l’échiquier mondial suffirait à lui assurer aura et respect. La colère qui prévaut aujourd’hui n’est ainsi qu’une réaction de circonstance car celle-ci occulte plus la difficile acceptation par Paris d’une réalité diplomatique internationale où se conjuguent marginalisation et indifférence que la rupture de contrat qui n’en reste pas moins le symptôme premier.

Etre et se penser une puissance

Certes, le président Macron doit s’entretenir dans les jours à venir avec son homologue américain, Joe Biden, par ailleurs demandeur de cet entretien (lemonde.fr : https://www.lefigaro.fr/international). Mais qu’attendre de ce rendez-vous téléphonique si ce n’est un rappel poli de la part du locataire de la Maison Blanche de la solidité de la relation franco-américaine, de la nécessité d’une relation claire, nette et pacifiée entre les deux pays mais aussi et surtout des enjeux géopolitiques, stratégiques et économiques qui se jouent dans la zone indo-pacifique au sein de laquelle la France est invitée à jouer sa partition mais sans interférer sur celle des Etats-Unis. Plus globalement, si l’orgueil français a été égratigné dans cette crise, et il l’a été, celui-ci survivra car passée la vexation, d’aucuns parleraient d’humiliation, la France, consciente des risques qu’ouvrent une brouille durable avec le Etats-Unis, se drapera dans le linceul de l’indignation, question d’honneur, sans pour autant continuer à pousser des cris d’orfraie qui pourraient vite irriter outre-atlantique. Car, in fine être une grande puissance et se penser une grande puissance sont deux choses différentes.

Vers un nouveau monde…

Les attentats du 11 septembre ont bouleversé une humanité enfermée dans ses certitudes au point d’imaginer que s’ouvrirait aujourd’hui une nouvelle ère.

Les attentats du 11 septembre 2001 ont marqué la mémoire collective au point de bouleverser l’appréhension du monde tel qu’il se présentait alors. Vingt-ans plus tard, une question se pose : ces bouleversements n’ouvrent-ils pas la voie à une nouvelle ère ?

Les commémorations des attentats du 11 septembre 2001 ont donné lieu, tant aux Etats-Unis que dans une grande partie du monde entier, à de nombreux commentaires tant sur les raisons d’un tel acte que sur les conséquences qui en découlèrent. Parmi ces dernières, l’une d’entre-elle est souvent revenue comme un leitmotiv mettant en exergue la fin de l’hyperpuissance nord-américaine, thèse avancée par le diplomate Hubert Védrine. Avérée ou non, il apparaît cependant que les Etats-Unis ont perdu depuis ces attentats une certaine influence mondiale laissant émerger des pôles d’agitation et de contestation à même de déstabiliser les équilibres régionaux et mondiaux. Non que les Etats-Unis avaient la charge de la sécurité du monde, même si les faits pouvaient le laisser penser, mais l’hyperpuissance nord-américaine, fruit de la désintégration de l’Union soviétique en 1989, a masqué une forme d’agacement et d’irritation, parfois menant à une haine profonde, à l’endroit de la patrie des Pères Fondateurs. L’omnipotence politique, économique, militaire et surtout culturelle des Etats-Unis durant la décennie quatre-vingt-dix a généré en des points spécifiques du monde des rancoeurs qui se sont pour certaines tues et éteintes d’elles-mêmes quand d’autres se sont matériellement concrétisées, les attentats du 11 septembre le prouvant.

Monde a-polaire et micro-conflits

Parallèlement, il n’est pas erroné d’avancer que, aveuglés par leur puissance, fruit d’un mode de fonctionnement propre à leur nation, les Etats-Unis n’ont pas su apprécier l’apparition d’un monde a-polaire libéré de la pression idéologique imprimée par l’Union soviétique. Faute politique ou excès de confiance ? Les deux raisons s’avancent et se répondent et ont fini par occulter le drame de septembre 2001. Autre erreur, peut-être plus sous-jacente, qui résiderait dans une interprétation trop manichéenne de l’Histoire. La chute de l’Union soviétique, d’un monde bi-polaire, par certains aspects rassurants, réglé par l’équilibre de la terreur nucléaire, a totalement rebattu les enjeux de la diplomatie internationale laissant les Etats-Unis dans une position dominante faute de rival suffisamment puissant pour les contrarier. L’idée d’une hyperpuissance accouchée de la défaillance de l’Union soviétique exsangue n’est donc pas non plus à exclure ou à totalement écarter. Pour autant, au-delà de l’explication diplomatique, se pose désormais la question de la définition de la réalité dans laquelle ces attentats ont influencé le monde. Qu’il soit occidental ou non, ces actes alors qualifiés en leur temps d’actes de guerre, ont profondément bouleversé notre rapport au XXème siècle. Ainsi, et a contrario, si le XIXème siècle s’est éteint avec la Première Guerre mondiale, le XXème a péri avec le début du XXIème. Temps de conflits, armés ou secrets, de nucléarisation à outrance, le XXème est mort avec ces attentats, faisant basculer l’humanité dans une autre ère, faite de micro-conflits aux répercussions planétaires de part les interactions diplomatiques et politiques induites.

Civilisations et opposition

La menace terroriste, lancinante et continue depuis deux décennies, souvent sous-jacente à ces conflits, a prouvé et prouve encore que la puissance des Etats, fussent-ils auréolés comme les Etats-Unis de la première puissance mondiale, est capable de déstabiliser un ensemble global, finalement fragile et exposé. Les relations internationales, longtemps articulées autour de la notion de guerre ou de choc de civilisations, thèse défendue en 1996 par Samuel Huntington, semble avoir montré ses limites devant la complexité idéologique du siècle en cours. Bréviaire de nombreux diplomates pour expliquer rapidement et justifier dans le même temps des politiques agressives ou des ingérences diplomatiques discutables, le postulat d’une opposition civilisationnelle ne tient plus à l’heure d’une globalisation qui implique parmi les régions les plus isolées de la planète. Force est donc de constater que les attentats du 11 septembre 2001 ont modifié plus que l’appréhension du monde qu’avaient les Etats-Unis. Le bouleversement s’est voulu mondial, diplomatique et politique, mais aussi et surtout culturel renvoyant chacun de nous à des conceptions différentes de l’Histoire, conceptions, (les historiens auront à charge de le confirmer ou non dans plusieurs décennies), ouvrant la page à une nouvelle ère, voire à de nouvelles civilisations.

Primaires, de l’utile à l’inutile ?

Les Primaires se sont longtemps voulues un exercice démocratique novateur dans le paysage politique français. Mais leur lourdeur a lassé des électeurs sans pourtant défaire ce vote interne de sa valeur désormais essentielle.

Présentées depuis leur introduction dans la vie politique comme un élément de revitalisation du débat, les Primaires semblent s’essouffler au point d’en perdre leur intérêt originel. Pourtant, celles-ci s’avèrent presque essentielles. Explications.

A quelques mois du premier tour de l’élection présidentielle et après que sont tenues en ordre dispersé les universités d’été des différentes formations politiques, s’ouvrent désormais le bal des Primaires. L’exercice, qui mêle exigences démocratiques et présentation des multiples sensibilités qui peuvent parcourir tel ou tel parti, s’avère toujours périlleux pour ceux qui s’y prêtent. D’abord car un seul candidat est choisi par les militants et sympathisants mais surtout, conséquence directe, car ce n’est pas toujours le favori des sondages qui sort vainqueur de l’épreuve. Alain Juppé en fit l’amère expérience en 2016 au profit de François Fillon tout comme Manuel Valls, évincé au profit de Benoît Hamon, et ce la même année. A vrai dire les Primaires, importées dans leur forme des Etats-Unis, ont la vertu de dessiner une image plus ou moins précise des contours idéologiques, des grandes orientations ou des idées essentielles pour l’avenir du pays que prendra la future campagne.

Enjeux et réflexion

Or en cette année électorale où les Français sont appelés à voter pour le Président de la République, point d’orgue de la vie politique de la Vème République, les sujets de débats, disons ceux qui ont longtemps charpentés les campagnes précédentes, à savoir, emploi, croissance, dette publique et sécurité ne sont plus véritablement au centre des enjeux. La question centrale qui anime désormais les formations politiques est de savoir comment gérer le pays après l’épisode pandémique et les conséquences induites. Parallèlement, nombre de partis, hormis le sien naturellement, cherchent à articuler un programme susceptible de contrarier le bilan du locataire de l’Elysée en oubliant que les Primaires sont sensées proposer des programmes aboutis, quintessence des réflexions menées par les formations désireuses d’assumer la charge suprême. Les écologistes, qui ont été les premiers à se lancer dans l’exercice de la primaire, articulent leur discours autour de la nécessaire transition écologique, évidence qui confine à la banalité, mais la dite nécessité suffira-t-elle à faire basculer l’électorat en sa faveur ? Les Républicains, toujours gênés par cette solution qu’offre la primaire car depuis longtemps bercés par le culte naturel du chef, doivent aussi composer avec un ancien baron, désormais dissident, Xavier Bertrand. (lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/politique/article) Et à ce jour, aucun vrai programme n’a vu le jour si ce n’est déclarations d’intentions qui tiennent plus de l’anti-macronnisme que de la réflexion politique de fond. Constat similaire pour le Parti socialiste, lui aussi, pris entre la passion déchaînée de Jean-Luc Mélenchon et le flegme d’Arnaud Montebourg, fraîchement déclaré à la succession d’Emmanuel Macron.

Vivacité et gestion

Ainsi, le parti né à Epinay en 1971, se cherche-t-il une orientation, entre social-démocratie à la française et défense des acquis sociaux, car dénoncer aujourd’hui les seules inégalités sociales ne suffit plus. Quand à l’extrême droite, où l’idée même de primaire s’avère urticante, les thèmes usuels, voire éculés propre à son ADN serviront encore de discours. Ainsi, passée la vertu première de cet exercice démocratique qui atteste aussi à sa manière de la vivacité du débat politique, il n’est pas illégitime de s’interroger sur sa finalité si ce n’est assurer plus de lisibilité entre les candidats et permettre à ces derniers de disposer d’un vrai socle électoral tout en confortant leur image dans l’opinion. Mais à part cela, a fortiori cette année, dominée répétons-le par la nécessité qui s’est imposée à l’exécutif de gérer, la pandémie sous tous ses aspects, qu’ils soient sanitaires, économiques et sociaux, les primaires revêtent presque, sans les offenser un caractère secondaire, tant l’urgence semble se situer ailleurs. Longtemps plébiscitées, ces dernières semblent passées de mode car jugées trop lourdes, trop fastidieuses, inutiles voire culturellement incompatibles au regard de l’histoire politique française. Pourtant, force est de constater, comme le note le politologue Pascal Perrineau, que celles-ci s’imposent comme essentielles au moins pour différencier des candidats en mal de charisme et d’influence au sein d’une opinion de moins en moins encline au débat politique. (lepoint.fr : https://www.lepoint.fr/politique)