Rancoeur et exclusion: premiers agents recruteurs de Daesh

İD_bayrağı_ile_bir_militanSi les revers militaires de l’Etat islamique confirment l’efficacité des efforts engagés par la coalition internationale, ils ne sauraient occulter la rancoeur que nos sociétés contemporaines engendrent et nourrissent.

Ainsi, personne ne s’en plaindra, à commencer par les populations qui vivaient sous sa coupe brutale et manichéenne, l’Etat islamique recule. Les frappes de la coalition internationale associées aux investigations menées par les différents services de renseignements européens ont porté des coups, sinon définitifs, du moins lourds à Daesh. Pour autant, cette succession de bonnes nouvelles qui seront couronnées un jour par l’annonce de la disparition complète de l’organisation islamique ne saurait masquer une réalité plus inquiétante encore : la persistance d’un terreau propice au développement de mouvements tel que celui qui terrorise le Moyen-Orient et l’Occident aujourd’hui. Et la question ne règlera pas dans les sables qui bordent le Tigre, l’Euphrate ou ceux du Sahel mais dans nos sociétés contemporaines et prétendument modernes. Revenons à l’origine du recrutement par l’Etat islamique d’une partie de ces affidés, ceux en l’espèce issus des pays européens. Des hommes et des femmes à l’existence terne, vide, sans but ou objectif définis et qui voient dans l’Etat islamique le moyen de donner un sens à leur vie.

Fantômes de la société

Car pour nombre d’entre nous, les ambitions d’une vie se dessinent dès l’enfance, mues par l’espoir de reproduire peu ou prou le schéma familial. Mais pour d’autres, certes minoritaires, ce schéma et ces ambitions n’existent pas. La faute à de nombreux paramètres d’essence familiale ou sociétale, voire les deux, peu importe en réalité. In fine, ces individus, fantômes de la société dans laquelle ils ont grandi trouvent dans la radicalité proposée par l’Etat islamique (mais cela pourrait être une autre organisation) une forme d’exutoire social, la clef à la vie qui, soi-disant, les attendait mais que leur environnement originel ne leur offrait pas. Naturellement, on peut opposer à cela de nombreux exemples mais s’interroger sur la déshumanisation de nos sociétés contemporaines n’est pas un tort. Elle touche une minorité d’individus en manque d’exaltation, aveuglée par une propagande qui soudainement leur donne le sentiment d’être considéré, donc d’exister. Eux si transparents jusqu’alors voient au loin un groupe prêts à les accueillir, eux qui étaient sinon rejetés, du moins écartés. Mais ce concept de déshumanisation, qui peut se doubler de celui de désociabilisation, pourrait aussi toucher d’autres franges de la population telles que les demandeurs d’emploi isolés, les travailleurs pauvres ignorés de tous, les familles monoparentales tiraillées entre adversité et contraintes diverses et variées. Alors est-il faux de penser que nos sociétés contemporaines, sans engendrer ex-nihilo des terroristes en puissance, créent cependant les conditions, à tous le moins, les ferments de rancoeurs et de non-dits qui finissent un jour au l’autre pas exploser d’une manière ou d’une autre ? Lors des attentats de janvier et de novembre 2015, le profil global des meurtriers a longuement été étudié. Origines sociales, influences, convictions, entourage et fréquentations. Mais rares (pour ne pas dire jamais) ont été les discours s’interrogeant sur le désespoir que peuvent créer nos sociétés contemporaines porteuses, disons-le, d’exclusion (sous diverses formes), de xénophobie et d’inégalités sociales qui toutes conjuguées accouchent parfois de phénomènes dépassant l’entendement.

Briser des individus

Evidemment, la raison qui prédomine chez nombre d’entre nous empêche de franchir de telles extrémités et rien ne saurait justifier de basculer dans l’horreur. Mais rien non plus ne dédouane un modèle de société, le nôtre, lui aussi brutal (certes sous d’autres formes que celui que défend l’Etat islamique) et capable de briser ou disloquer des individus en manque de repères ou de principes faute de les avoir acquis. Il serait trop facile alors d’évoquer, entre autre, le sempiternel choc des cultures, excuse facile qui expliquerait sans appel la radicalité de certains. Mais il n’y a pas plus de choc de cultures aujourd’hui qu’il y en a eu lors des Croisades (XIème – XIIIème siècle). Si l’époque change, l’objet reste le même : le pouvoir et la conquête qu’il induit. Car que recherche l’Etat islamique ? Le pouvoir semble être la réponse adéquate. Et pour le servir, Daesh sait séduire des hommes et des femmes perdus, égarés, sans réel repères culturels ou éducatifs qui en font des cibles faciles et consentantes. Il va sans dire que l’éducation joue un rôle fondamental pour lutter contre le fléau de la radicalité. Mais elle n’est pas la seule à devoir faire acte de contrition : ce sont des sociétés entières qui doivent s’interroger sur ce qu’elles sont devenues et comment elles ont pu laisser prospérer en elles les germes de la haine. Sans cette réflexion, Daesh mort, un autre le remplacera. Inévitablement.

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