N’avoir d’yeux que pour Pékin

Le conflit ukrainien, tout en redessinant les lignes de fractures et les équilibres diplomatiques européens, tend aussi à réévaluer la place de la Chine dans le processus de mondialisation ainsi que dans les espaces géopolitiques globaux. Explications.

Alors que durant les premiers jours de la guerre en Ukraine, les regards se sont tournés vers Moscou, espérant un signe d’apaisement, c’est désormais vers Pékin que se tourne l’attention de toutes les parties prenantes du conflit. Et dire que la résolution de la crise, déclenchée par Vladimir Poutine, de plus en plus isolé, se jouera dans la capitale chinoise est un euphémisme tant le poids politique et surtout économique de la Chine pèse lourd sur les relations internationales et plus précisément leur nature. L’enjeu pour Pékin est on ne peut plus clair. Si la Russie de Vladimir Poutine pouvait, à la rigueur et pendant un temps endosser les sanctions économiques décidées par l’Union Européenne et l’ensemble des nations occidentales, la Chine est bien trop impliquée dans le processus de mondialisation pour se permette une quelconque brouille avec l’Europe ou l’Amérique du Nord. Soucieuse de développer ses relations commerciales avec l’Europe via les nouvelles routes de la soie qui traverseront l’Europe orientale dont l’Ukraine (geoconfluences.ens-lyon.fr : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/routes-de-la-soie), la Chine ne peut s’autoriser un soutien à la Russie qui ne manquerait pas de heurter, voire plus, ses partenaires européens. Situation identique avec les Etats-Unis, partenaire commercial de premier rang pour un pays désireux de satisfaire une classe moyenne en pleine éclosion et avide de progrès social tout en faisant oublier aux Occidentaux la question Ouïghours par des relations commerciales fructueuses.

Chaos contre continuité

L’heure des choix a sonné pour l’Empire du Milieu car la Chine, et sa culture millénaire, abhorre le chaos et la rupture préférant la négociation et la continuité de relations paisibles dans lesquelles toutes les parties sont satisfaites. Il est cependant vrai que la Chine se retrouve dans une situation des plus inconfortables : soutenir la Russie lui assure la paix avec un voisin longtemps turbulent mais qui est aujourd’hui un de ses fournisseurs de gaz et de pétrole attitré au risque de rompre de manière indirecte ou directe les relations commerciales avec les Européens et les Nord-Américains ; s’abstenir de tout soutien, ce qui en terme diplomatique revient à soutenir les Occidentaux, c’est garantir son avenir économique pour de longues décennies au risque de relancer les rancoeurs apaisées avec la Russie. Le conflit ukrainien, qui a bouleversé la géopolitique européenne en remodelant les lignes de fractures Est-Ouest et en déplaçant les centres de gravité propres à équilibrer les espaces de tensions diplomatiques, est aussi en train de perturber les choix et les orientations de la Chine, à l’aise dans l’ambiguïté de positions toujours à même de servir ses intérêts.

Indo-Pacifique et équilibrisme

Sauf que la situation actuelle, dictée par la brutalité d’une décision unilatérale, ici celle de la Russie, impose une prise de position sinon radicale du moins franche dans ses fondements. Peu coutumière du fait, répétons-le, peu encline à la rupture, la Chine sait que tout soutien officiel à la Russie hypothéquerait ses ambitions de domination de la zone Indo-Pacifique en poussant les Etats-Unis à plus d’activisme dans la région concernée. Parallèlement, la question Ouïghours, que les Occidentaux ignorent à dessein afin de ne pas froisser le géant chinois, pourrait soudainement faire éruption dans les relations diplomatiques tout comme le cas Taïwan, pour l’heure passé sous silence. Enfin, une prise de position directe, aurait pour conséquence d’entraver sérieusement, comme décrit précédemment, les relations économiques et commerciales entre Asie et Occident, (lemondepolitique.fr : https://www.lemondepolitique.fr/cours/) conséquence que Pékin ne souhaite en aucun cas affronter. Ainsi, ce numéro d’équilibrisme risqué, qui ne pourra avoir qu’un temps, est peut-être le dernier avatar d’une politique chinoise placée sous le sceau de l’ambivalence, Pékin ne pouvant plus s’offrir le luxe de jouer les géants capricieux dans un monde en recomposition.

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