A quelques mois du premier tour de l’élection présidentielle, la gauche française s’enlise dans l’inertie de luttes intestines et dans l’idée d’une primaire de gauche mort-née dont le seul objectif était d’ériger la candidate du Parti socialiste comme seule prétendante à la charge suprême. Echec cuisant avant la curée ?
Les signataires du Congrès d’Epinay, celui qui avait fondé en 1972 le Parti socialiste sous la houlette de François Mitterrand, fusionnant ainsi toutes les sensibilités de gauche d’alors, doivent se retourner dans leur tombe tant le spectacle donné par la gauche française vire au règlement de compte à ciel ouvert. Siphonnée par la candidature d’Emmanuel Macron à l’élection présidentielle en 2017, la gauche française n’est pas parvenue en cinq ans passée dans l’opposition, plus souvent molle qu’active, à se reconstruire une image de parti politique apte à gouverner. Non que l’histoire du Parti socialiste ait joué, même si cette composante n’est pas à totalement éluder, mais la désunion affichée par les forces progressistes pendant la période, désunion qui se poursuit à ce jour, n’est pas étrangère à cette descente aux enfers. Pour autant, consciente de la faiblesse des forces de gauche à quelques semaines du premier tour du scrutin présidentiel, Anne Hidalgo, candidate investie par le Parti socialiste, avait lancé voilà peu l’idée d’une primaire de gauche.
Adage et refus
L’idée, officielle, était de présenter devant les électeurs le candidat capable de rassembler un maximum de suffrages afin d’accéder au second tour de scrutin, se reposant sur l’adage qui veut qu’au premier tour on élimine, au second tour on choisit. Mais officieusement, l’idée sous-jacente de la proposition d’Anne Hidalgo était surtout de s’affranchir de concurrents tels que Yannick Jadot ou Jean-Luc Mélenchon en les écartant par le biais d’une primaire, qui, s’appuyant sur la position dominante du Parti socialiste à gauche, l’aurait catapultée unique candidate à gauche, forçant tous les sympathisants à se ranger derrière elle. En mal de reconnaissance dans les sondages, celle-ci s’offrait ainsi une cure de jouvence électorale, certes artificielle, mais qui la plaçait à gauche comme seule rivale d’Emmanuel Macron. Le pari n’était pas spécialement risqué mais le refus essuyé (lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2022/article) confirme la thèse évoquée ci-dessus, à savoir que la gauche française en pleine décomposition après le quinquennat de François Hollande s’est retrouvée atomisée en plusieurs galaxies concurrentes renvoyant à la situation qui prévalait avant 1971 : Un courant idéologique encore fort au sein du pays mais sans porte-parole unique.
Social-démocratie et points communs
Pourtant, l’élection d’Emmanuel Macron en 2017 aurait pu être une chance pour la gauche française. Délaissant le champ des inégalités et de l’injustice sociales à ses rivaux d’extrême droite qui s’en sont emparés alors que ces thèmes leur étaient globalement étrangers au point d’en faire des piliers de leurs discours et des vecteurs de réhabilitation dans l’opinion, trop obsédée par son virage social-démocrate mal négocié par ailleurs et incarné dans une vision par trop libérale par Emmanuel Macron, le Parti socialiste et la gauche française se sont égarés en luttes intestines et rancoeurs recuites sans véritablement proposer d’alternatives crédibles et notables à la politique menée par le locataire l’Elysée. (lesechos.fr : https://www.lesechos.fr/elections/sondages/) Dès lors, dans ces conditions, difficile d’imaginer une union de la gauche en vue de l’élection du printemps 2022 sauf si un des candidats parvenaient se hisser au second tour. L’hypothèse est loin d’être saugrenue. Mais s’il existe des points communs entre les différents acteurs qui animent la gauche française, ces mêmes points communs sont trop rares et sont affaiblis par des méthodes d’application souvent très différentes. Donc si l’hypothèse n’est en rien électoralement saugrenue, elle est à ce jour des plus improbables.