La fin des célébrations du centenaire de la Première Guerre mondiale ne laisse pas sans interroger sur les rapports des Français à l’Histoire. Et si ces derniers avaient tout simplement changé ?
Alors que se sont achevés, avec la commémoration de l’Armistice de 1918, les quatre ans de célébration de la Première Guerre mondiale, il convient peut-être de s’interroger sur la trace historique et sociale que laissera cet épisode commémoratif. Certes les livres d’Histoire continueront à évoquer le Premier Conflit mondial, et note sera faite des célébrations du centenaire, mais globalement que restera-t-il de l’épisode 2014-2018 avec comme point d’orgue le 11 novembre 2018 ? D’aucuns l’affirment : Les Français aiment l’Histoire et leur Histoire en particulier. L’affirmation qui peut valoir de réponse est peut-être péremptoire car rien aujourd’hui ne vient totalement la confirmer. Et s’appuyer sur le succès remporté par les documentaires télévisés ou les émissions dédiées à la matière ne suffit pas à en faire une règle absolue. Autant le dire sans fard, les jeunes générations, celles qui écriront les livres d’Histoire demain semblent n’avoir cure des obsessions mémorielles ou de la nécessité d’entretenir une trace historique qui leur paraît des plus lointaines.
Trace et poids
Certains crieraient au scandale voire au blasphème pédagogique mais c’est un fait : les quatre ans de commémorations passés ont certainement plus été marqués par les événements nationaux et internationaux (Attentats terroristes, tensions diplomatiques…) que par le poids et la trace de la succession des célébrations sensées redonner vie à un conflit centenaire. Erreur de programmation ou surestimation du poids de l’Histoire dans notre société ? Certainement les deux et ce dans un monde contemporain où la valeur de la culture et du savoir a pris la forme de l’appartenance à une élite sociale qu’Internet cherche, parfois à raison et avec succès, à combattre. Quant à la trace laissée par ces quatre années, elle sera certainement moins profonde que le conflit en lui-même, se fut-il achevé il y a cent ans. Triste constat que celui de voir un pays ancien, revendiquant une histoire passionnante, parfois noire et indigne, se désintéresser de ce qui pourrait le rattacher à son passé. Est-ce à dire que la parole est à l’avenir ? Certes ! Mais elle l’a toujours été ! Y compris et a fortiori au lendemain de 1918 ! Alors qu’est-ce qui a pu changer ? Peut-être est-ce finalement le rapport que nous entretenons au passé qui a modifié notre appréhension des actes célébratifs. Naturellement, il convient de définir la nation de rapport au passé. Est-il perçu comme oppressant, lointain, inutile,…Chacun nourrira ce rapport à l’aune de ses besoins en la matière. Mais, comme affirmé plus haut, le rapport que les jeunes générations entretiennent à l’Histoire est aujourd’hui totalement, irrémédiablement différent, de celui qui prévalait jusqu’alors. L’Histoire, grave et solennelle est devenue accessoire et ludique, les manuels d’Histoire se vident pour ne prendre l’apparence que de glossaires remplis de notions et d’événements perçus comme poussiéreux et rébarbatifs. Dès lors comment s’étonner que après quatre ans de célébrations et d’hommages divers, le centenaire de la Grande Guerre soit à bout de souffle ? Lui qui appartient déjà à l’Histoire tout comme l’événement qu’il était sensé commémorer n’a pas su insuffler le renouveau républicain et communautaire espéré, de ceux qui unissent et soudent un peuple. C’est certes dommage. Peut-être. Mais c’est ainsi, l’Histoire de l’Histoire passe, elle aussi.