S’attarder sur les raisons intrinsèques du mouvement de grève qui s’annonce renvoie à des motifs historiques propres à un pays baigné de contestation mais aussi à celles de syndicats aujourd’hui battus en brèche, notamment un en particulier.
« Une de plus ! » diraient les plus cyniques à l’heure où le pays s’apprête à subir l’un des plus larges mouvements de grève que le siècle (encore jeune!) ait connu. Certes. Pourtant, au-delà des revendications avancées, que chacun jugera légitime ou non, il n’est pas inintéressant de s’interroger sur cette propension française à la grève. Pourquoi donc les Français se réfugient-ils dans la contestation à chaque fois que leurs acquis, quels qu’ils soient, sont ou semblent menacés ? En 2009, le très influent magazine nord-américain Time (Lire l’article sur courrierinternational.com: Travail. Pourquoi les Français font-ils toujours grève ?) se penchait sur la même question en précisant qu’il fallait chercher les racines de cette habitude dans l’Histoire de France et notamment dans la Révolution Française, la Résistance et Mai 68. Et le magazine de rappeler que «s’il y a des promesses que les Français n’ont aucune difficulté à prendre au sérieux, ce sont les menaces de rébellion brandies par les travailleurs dans tout le pays alors que leurs emplois sont menacés par la crise. En effet, les dernières actions qui ont marqué l’actualité sociale ne sont au fond qu’une sorte de version moderne du penchant historique des Français pour l’insurrection en réponse à l’adversité. Une tradition qui, à la faveur de la crise économique globale que nous vivons en ce moment, fait un retour remarqué. Ce penchant serait ancré dans une tradition insurrectionnelle gauchiste qui prendrait sa source dans la Révolution, passerait par la Commune, la Résistance et Mai 1968 » L’explication, naturellement subjective et venue d’un pays où la valeur travail pèse autant que celle de la famille est certainement à pondérer mais relève malgré tout d’une certaine pertinence. Oui ! L’Histoire joue un rôle dans les consciences collectives et la tradition que celle-ci véhicule tout comme celle-ci transmet, au fil des générations, une âme qui anime encore les mouvements de grève qui animent aujourd’hui le pays.
Discours et échec
D’autres argueront aussi une profonde et vivace histoire syndicale qui structure des organisations battues en brèche et qui pour certaines, à commencer par la CGT, voient dans les conflits sociaux le moyen de donner corps à un discours délaissé, voire contesté, ainsi qu’à une crédibilité susceptible d’être remise en cause par les prochaines élections professionnelles devant se tenir à l’automne. Guy Groux, chercheur au Centre de Recherche politique de Sciences Po (Cevipof), s’interroge ainsi sur les raisons capables de sous-tendre le conflit à venir en particulier au sein de la SNCF. (Lire l’article sur telos-eu.com : SNCF: au-delà du statut, les raisons d’un conflit) «Ne faut-il pas rechercher du côté des syndicats, mais aussi des pouvoirs publics, les raisons d’un conflit qui peut s’avérer long et difficile ? (…) Comme dans d’autres bastions, l’influence de la CGT à la SNCF est en net recul. En 1996, elle disposait lors des élections d’entreprise d’une majorité quasi-absolue, près de 48% des suffrages ; en 2006, son score était de près de 40% ; désormais, elle représente à peine un peu plus du tiers des suffrages (34,33%). Au niveau national, la situation est également très critique. » questionne le chercheur en rappelant combien «un nouvel échec des luttes des cheminots pour la défense de leur statut entraînerait la CGT dans une spirale de plus en plus infernale». Pour l’heure et au-delà des raisons qui motivent le mouvement à venir, restent les désagréments prochains qui vont certainement générer grogne pour certains, adhésion ou indifférence pour d’autres au sein d’usagers pour qui la grève revêt une valeur et un intérêt différent.