Explication de texte

Accusés de transformer l’information ou de contribuer à alimenter de sombres complots, les médias doivent affronter la méfiance de leurs concitoyens et d’une certaine frange du monde politique. Et si cette crainte était liée à l’incapacité de nos sociétés à accepter leurs propres reflets. Explications.

Il est fréquent en démocratie de s’en prendre ouvertement aux journalistes et aux médias. La proie est facile et si elle peut mordre, la morsure sera toujours interprétée comme la réaction à une vérité que la victime aura eu le malheur et le courage de dire. Ainsi, depuis quelques semaines, de nombreux acteurs du monde politique, Laurent Wauqiez, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et outre atlantique, Donald Trump lancent à l’envi attaques et critiques contre les médias de leurs pays respectifs. Répétons-le il est classique dans une démocratie de s’en prendre aux vecteurs d’information accusés de pervertir, transformer, dénaturer ou interpréter selon ses envies ou ses orientations cette dernière. D’ailleurs la critique des médias n’est pas le seul apanage des acteurs de la vie politique ; le commun des mortels au café du commerce, sur internet ou sur les réseaux sociaux ne s’en prive pas, rendant les journalistes responsables de tous les maux. La question à cette heure n’est donc pas de savoir si les journalistes sont responsables de la faim dans le monde (rappelons aussi que certains d’entre eux exercent leur activité professionnelle dans la plus grande précarité) ou de la défaite à l’élection présidentielle de François Fillon mais plutôt de savoir pourquoi ils sont la cible de nombre de nos concitoyens.

Grandeur et décadence
Jouissent-ils de privilèges indus ? Non. Sont-ils au cœur de complots visant à déstabiliser l’ordre mondial ? Non. Et à ce propos un homme comme Donald Trump est certainement plus à même de bouleverser les équilibres internationaux plus que les journalistes qu’il honnit ouvertement. La réalité est peut-être finalement bien plus simple qu’il n’y paraît et renvoie à l’essence même de l’activité journalistique. Qu’es-ce qu’un journaliste ? Un transmetteur d’information, un individu qui s’abreuve de faits, qui absorbe les composantes complexes et multiples d’une tendance pour la restituer à ses lecteurs, ses auditeurs ou ses téléspectateurs. Voilà tout. Et le halo de crainte qui entoure cette profession est tout compte fait lié à l’incapacité pour ses détracteurs d’accepter la vérité simple et froide, aride et dépassionnée que les journalistes et médias s’évertuent avec conscience et éthique à diffuser. Certes cette acte de transmission est parfois maladroit, malheureux, malvenu…Bref ! Tous les qualificatifs n’y suffiraient pas mais il n’en reste pas moins que le métier de journaliste n’est pas celui de communicant et sa fonction première reste de montrer le monde dans sa beauté comme dans sa laideur, dans sa grandeur comme dans sa décadence. Critiquer à l’excès les journalistes et les médias au point de les insulter et de dévaloriser leur métier revient à renier et à refuser d’assumer notre monde. Evoquer les bidonvilles de Lagos ou de Buenos Aires n’est pas se vautrer dans le sensationnalisme ou le voyeurisme, c’est montrer aussi et avant tout que notre monde, voulu aseptisé, est aussi facteur de déséquilibre sociaux lourds et dont il faut accepter l’existence. Accuser les médias, comme nombre d’acteurs politiques, aux accents volontiers populistes et animés pas de basses fins électoralistes, de n’accorder la parole qu’à un panel choisi d’individu relève de la manipulation d’opinion quand ce n’est pas de la simple bêtise. « Mais les journalistes transforment tout ! » entend-t-on régulièrement ici ou là Mais que transforment-ils ? Le plomb en or ? Ne serait-ce pas la vérité qu’ils diffusent qui dérange ceux qui les accablent ? Pour conclure un débat qui n’aura certainement jamais de fin, rappelons, incidemment, qu’une presse libre et indépendante est un pilier de la démocratie. Lieu commun certes mais qu’il est bon de rappeler à l’heure où la superficialité et la médiocrité des rapports humains tendent à écarter toute réflexion au profit de raccourcis intellectuels fermés et hermétiques aux évolutions nécessaires auxquelles presse et journalistes contribuent aussi.

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