Si le changement de nom du Front National en Rassemblement National a pour vocation de relancer le parti, l’opération lancée par Marine Le Pen s’assimile plus à un cache misère qu’au sauvetage d’un parti exsangue. Mais gare cependant aux franges les plus extrêmes à même se passer de tout parti.
Voilà ! C’est donc fait ! Le Front National, parti d’extrême droite fondée par Jean-Marie Le Pen a vécu pour désormais s’appeler Rassemblement National, ainsi l’a voulu la présidente du Parti, Marine Le Pen. Elle qui traîne comme un boulet sa prestation télévisée lors du débat de l’entre-deux tours de l’élection présidentielle en mai 2017, a proposé à ses militants, près de 50.000 officiellement encartés à ce jour, un changement de nom jugé par Marine Le Pen comme essentiel. Plusieurs raisons semblent justifier ce changement à commencer par la volonté de la présidente du parti de rompre avec l’histoire politique initiée par Jean-Marie Le Pen. « Tuer le père » était devenu pour Marine Le Pen, plus qu’une nécessité œdipienne, un impératif de survie qui lui permettait de ne plus être perçue comme la fille de Jean-Marie Le Pen (qu’elle reste par ailleurs) mais avec qui elle a rompu une prétendue filiation politique. (Lire l’article sur lemonde.fr : Marine Le Pen réélue présidente du FN, son père déchu de la présidence d’honneur)
Strapontin et alliances
Car dans ce changement de nom intervient aussi la volonté d’accoucher d’un nouveau parti, dont l’appellation laisse supposer de futures alliances avec qui serait susceptible de s’entendre avec la présidente actuelle. Marine Le Pen a parfaitement compris que l’ancien Front National ne disposait plus aujourd’hui que d’un strapontin sur l’échiquier politique actuel. Certes le parti d’extrême droite n’est pas le seul mais les autres formations politiques ont pour elles (pour l’heure concernant Les Républicains) de ne pas ériger la haine de l’autre et de l’étranger comme base de réflexion idéologique. Consciente de la difficulté pour le Front National d’exister dans un tel environnement, amputé de figures clefs telles de Floriant Philippot et son courant souverainiste, Marine Le Pen tente aujourd’hui de déshabiller Jacques pour habiller Paul. Concrètement, ce changement de nom, qui s’assimile plus à un cache misère qu’autre chose ne pourra cependant pas masquer la nature profonde du parti en question. Désormais persuadée que son parti ne parviendra jamais au pouvoir seul, Marine Le Pen s’aventure sur le terrain de rapprochements possibles avec l’espoir de séduire ou convaincre Les Républicains que le Rassemblement National vaut mieux que le Front National. Se pose alors la question de la porosité idéologique entre les deux formations ; celle de Laurent Wauquiez, qui n’a eu de cesse ces dernières semaines de battre en brèche les cadres de son parti et celle du Rassemblement National désormais contraint d’accepter le principe de la compromission toujours banni jusqu’alors.
Déliquescence et terreau
Mais derrière ce changement de nom, qui relèvera de l’anecdote historique dans les années à venir, se cache aussi la déliquescence d’un parti, (tout légitimé qu’il pense être par le soutien de Steve Bannon, l’ancien conseiller stratégique de Donald Trump, ou lancé dans une chasse aux propos racistes proférés par l’un de ses cadres – lire l’article sur lemonde.fr : Le numéro 2 du Front national de la jeunesse, Davy Rodriguez, suspendu pour propos racistes) cerné par des affaires judiciaires lourdes, des conflits de personnes larvées nourris de haines cuites et recuites, des luttes de pouvoir, à bout de souffle dans les sondages et l’opinion…Bref ! Choses communes à nombre de partis politiques mais qui ont su s’en relever via une gestion pragmatique des difficultés survenues grâce à ses composantes souvent éclairées et cultivées. Situation inverse au Rassemblement National où se bousculent pelle-mêle divers profils souvent vierges de toute expérience politique et aux capacités limitées en matière de règlement d’affaires quelconques. Est-ce à dire que Marine Le Pen a cherché, par ce changement de nom, à faire du neuf sur du vieux ou a posé un cautère sur une jambe de bois ? Peu importe à vrai dire et tout démocrate devrait se satisfaire des difficultés rencontrées par Le Rassemblement National. Mais gare cependant ! Car si l’expression politique institutionnelle et organisée qu’est le Rassemblement National est aussi l’ultime émanation d’un parti épuisé, en l’occurrence Le Front National, il reste encore dans le pays un terreau extrémiste, xénophobe et nationaliste qui n’a finalement guère besoin de parti pour s’exprimer. Et c’est bien là que le sens du mot démocratie doit prendre tout son sens.