
Si la fonction première du nouveau gouvernement est d’amener une majorité large et soumise à Emmanuel Macron, la diversité de cette majorité ouvre aussi la porte à une instabilité qu’il faudra assumer sans se renier.
Qu’est-il possible d’attendre du nouveau gouvernement ? Les optimistes, les pro-macron, les marcheurs diront que tout est possible. Les autres, mélange hétéroclite de résignés, de déçus ou simples citoyens trop heureux d’avoir écarté Marine Le Pen, alterneront entre attentisme, voire indifférence. En réalité, il n’y a pas grand chose à attendre du présent gouvernement essentiellement bâti dans la perspective des élections législatives du mois de juin. Et pour Emmanuel Macron, la chose est claire : il n’y aura aucune décision prise avant que ne se soit dessinée une majorité claire à l’Assemblée Nationale. Car même si le nouveau président veut gouverner par ordonnance, il a besoin de l’aval du Parlement pour y procéder et donc, par conséquent, d’une majorité qui lui soit favorable. Ainsi, le Gouvernement actuel, qui expédiera les affaires courantes jusqu’au prochain remaniement à venir après le second tour des élections législatives, n’a pour autre fonction que de séduire le plus large panel d’électeurs venus de gauche, de droite et du centre. La mission est claire et ne souffre aucune contestation. Et tant pis sir certains ministres nommés le sont pour la façade. Affirmer que les ministres choisis par Edouard Philippe resteront en place après l’élection du nouveau Parlement est somme toute assez risqué.
Cohabitation et majorité
D’abord, parce qu’un risque de cohabitation n’est pas exclu, bien que celui-si soit faible en raison de l’état avancé de délabrement des partis traditionnels, ensuite parce que le corps électoral n’est pas enclin à revivre l’expérience vécue en 1986 et 1997. Mais si les ministres actuels sont assis sur des sièges éjectables (tout ministre l’est cependant quelque soit la configuration politique), c’est tout simplement car leur mission ne relève que du contrat à durée déterminée avec pour mission, répétons-le, d’amener à l’assemblée une majorité nette et docile à l’assemblée. Nette et docile sont pourtant des adjectifs qui, en l’occurrence, restent objets de moult discussions et commentaires. Pourquoi ? Car en déstructurant le paysage politique, en faisant exploser les clivages ancestraux qui bornaient la vie politique française, Emmanuel Macron prend aussi le risque de les dissoudre au sein de l’assemblée et de la majorité qui le servira. Allier un député de gauche avec un député de droite n’est pas incohérent tant que l’un et l’autre sont d’accord, ce qui n’est pas interdit et qui est tout à fait imaginable. Mais si d’aventure un désaccord apparaît, le risque de défection apparaît aussi pour peut-être s’imposer comme un véritable danger d’instabilité parlementaire. Car le risque auquel s’expose Emmanuel Macron est là : celui de mettre sur pied une majorité nette certes mais fragile et versatile. Bref une majorité que la Quatrième République n’aurait pas renié au sein même de la Cinquième.
Dualité et Union nationale
Deux solutions alors : la première est d’accepter cette potentielle instabilité comme mode de fonctionnement ; la seconde est de revenir à une dualité classique gauche – droite, certes paralysante (car c’est contre celle-ci qu’Emmanuel Macron s’est dressé et fait élire) mais plus confortable pour l’exécutif, encore que les frondeurs ont mené la vie dure à François Hollande pendant son quinquennat. Emmanuel Macron joue ainsi un jeu dangereux qui consiste à promouvoir une forme de gouvernement d’Union nationale qui ne dit pas son nom mais qui expose le pays à une vraie forme d’instabilité. Et n’est pas Clemenceau qui veut… ! « Oui ! Mais il y a le 49.3 ! » s’écrieront certains. Certes ! Sauf que le Président a proposé de le supprimer. A moins que la Raison d’Etat ne l’emporte et que devant le risque d’une motion de censure ou d’un désaccord majeur à même de bloquer le pays, Emmanuel Macron préfère le conserver plutôt que d’organiser des élections législatives anticipées. A choisir l’option, louable, d’un monde politique déstructuré, défait de tout clivage apparent et trans-partisan, Emmanuel Macron a aussi ouvert la voie aux risques qu’il comporte. A lui de les assumer désormais et de ne pas trop jouer avec le feu. Le sien, celui qui l’a mené à l’Elysée, fût-il sacré.