
La polémique née au lendemain de l’attentat de Nice sur les possibles dysfonctionnements au sein des forces de l’ordre le 14 juillet révèle la fébrilité croissante des pouvoirs publics en matière de sécurité collective mais aussi la difficulté, avouée ou non, d’assumer des erreurs potentielles aux conséquences politiques lourdes.
La cabale qui se noue depuis plusieurs jours autour de la prétendue intervention d’un fonctionnaire du Ministère de l’Intérieur au lendemain des attentats de Nice et ce afin d’influencer le rapport faisant état des événements survenus le 14 juillet dernier sur la promenade des Anglais, témoigne, à son échelle d’une fébrilité croissante au sein des Pouvoirs publics en charge de la sécurité collective. Car, de deux choses l’une : soit la Police nationale était absente; soit elle ne l’était pas. Certes à ce jour, présente ou pas, des Niçois et d’autres pleurent des disparus et les polémiques actuelles ne font que salir leur douleur et la mémoire des disparus. Pour autant, se pose déjà la question, fatale et incontournable, de la responsabilité. Car devant la succession d’attentats, le nombre de morts qui s’allonge et le risque désormais permanent de se retrouver pris au piège de la mort, l’opinion publique attend légitimement des réponses qui doivent provenir, et uniquement, de l’Etat ou de ses représentations élues ou désignées. En la matière, police (nationale et municipale), gendarmerie et forces armées mobilisées concentrent tous les regards et pour cause : ils incarnent, par leur présence et leur action, la réponse attendue. Cependant, le constat est là : les efforts engagés ne suffisent pas, peur et inquiétude gagnent. Rien de plus normal en pareille situation. Mais cette peur et cette inquiétude ne pourraient-elles pas être, sinon éteintes, du moins véritablement jugulées, si les pouvoirs publics (Etat, Région, municipalité,…) assumaient pleinement leurs responsabilités plutôt que de perdre en viles et indécentes polémiques, en tous cas jugées comme telles au regard de la situation ? Assumer ne relèverait pas d’un fantastique exploit mais seulement d’agir au nom de ce pour quoi ont été élus ou désignés les pouvoirs en charge de la sécurité collective.
Se défausser sur un tiers
Que signifie ici assumer ? Reconnaître humblement et publiquement, s’il y en a eu, de possibles erreurs. Naturellement, et il s’agit là d’un sentiment humain, la faute expose et affaiblit celui qui la commet et le pécheur, cherchera toujours, consciemment ou inconsciemment, à se défausser sur une tierce personne ou à atténuer son implication. Parfum de lâcheté inhérent à la nature humaine. Mais lorsque quatre-vingt-quatre personnes sont fauchées par un terroriste, d’autres blessées, peut-il être encore question de lâcheté inavouée ? A quoi assiste-t-on aujourd’hui : Une fonctionnaire municipale, Sandra Bertin, qui accuse le Ministère de l’Intérieur d’avoir diligenté à ses côtés un pressant émissaire afin de modifier le rapport dressé après l’attentat et ce pour dédouaner les potentiels dysfonctionnements de la Police nationale ; un président de Conseil régional, adjoint au maire de Nice, Christian Estrosi (absent lors des réunions préparatoires au 14 juillet) et qui attise la polémique articulée autour du laxisme prétendue des forces de l’ordre, et un Ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve, qui nie en bloc toute intervention de son ministère. (Voir aussi : Après l’attentat à Nice, la polémique sur la sécurité se politise davantage En savoir plus sur : http://www.lemonde.fr) Il n’y a là rien de glorieux qui puisse redorer le blason d’une classe politique à l’image sérieusement écornée et à l’aura limitée. Au contraire, se renforce dans l’idée de certains, peu enclins à la réflexion et aux raisonnements courts, que finalement toute cette polémique grossière, n’est que le fruit d’un jeu politique rôdé et éprouvé qui satisfait ces participants afin d’étouffer la question de la responsabilité.
Un fardeau lourd à porter
Mais au-delà de ces digressions de comptoirs, et devant cette avalanche d’impudeur et d’irrespect pour les disparus, se pose une question simple et basique : Qui, individuellement ou collectivement, pour assumer ? Le fardeau est très lourd à porter, si lourd que chacun tend à le repasser à son voisin, conscient que toute preuve de dysfonctionnement discréditerait à jamais un avenir ou un présent politique. Techniquement, l’Inspection générale de la Police nationale (IGPN) dira si oui ou non des erreurs ont été commises au sein des forces de l’ordre. Politiquement, le dit rapport sera source de réhabilitation pour le Ministère de l’Intérieur en cas de comportement adéquat des forces de l’ordre. Et la polémique s’éteindra. Dans le cas contraire, la cabale rebondira encore pour repartir de plus belle en cas de nouvel attentat. Mais la question de la responsabilité, de la capacité à assumer la dite responsabilité inhérente à tout pouvoir restera entière. Il va de soi qu’assumer les fautes passées, celles à venir, n’empêchera pas de nouveaux attentats mais au moins le sentiment de flottement et déréliction, parmi les pires ennemis dans un Etat de droit, s’atténuera-t-il, vaincu par l’idée que les pouvoirs publics maîtrisent au plus haut point possible la situation et que tout ce qui devait être fait a été fait.