Etrange paradoxe que celui qui pourrait être celui de François Hollande si ce dernier le faisait sien. Une explication s’impose. A quelques mois de l’élection présidentielle, il devient chaque jour évident que le Chef de l’Etat briguera un second mandat. Gouvernement remanié autour d’une poignée de fidèles convaincus, noyautage des écologistes, réformes accélérées pour remplir un calendrier dont la date butoir, à savoir le premier tour de l’élection, se rapproche. Il faut faire vite pour satisfaire un électorat aux attentes diffuses mais hanté par le chômage. Pourtant une autre réalité s’impose. Jamais Chef de l’Etat n’a été aussi impopulaire sous la Cinquième République. Le Président de la République déçoit, mais pire encore, il a déçu et dans ses rangs mêmes ! On ne pouvait pas faire pire et le scénario actuel ne semble pas présenter d’alternatives autres que celles engagées. Irrémédiablement donc, François Hollande se prépare à l’élection présidentielle avec, au regard de la situation globale du pays, une certitude : celle de ne pas être présent au second tour. Car le sans-dent se révèle rancunier (ce qui prouve qu’il en a encore…). Lâché par ses partisans et ses sympathisants, par un électorat centriste qui finalement se serait accommodé de la rondeur et de l’art de la synthèse hollandienne, le Chef de l’Etat est aussi tiraillé par son propre parti qui veut organiser une primaire à laquelle le locataire de l’Elysée se refuse arguant du fait qu’il est le candidat naturel de la gauche. Le raisonnement pourrait encore être crédible si François Hollande avait, durant cinq ans, mené une politique de gauche (n’allons pas demander une vraie politique de gauche), une politique orientée vers l’intérêt général, le bien-être et l’avenir de la collectivité. Non que nous en soyons à des lieux mais nous en sommes malgré tout assez éloignés et pour tout dire, tout cela ressemble à une politique centriste que Valéry Giscard d’Estaing, voire Georges Pompidou n’auraient pas renié.
L’espoir si….
François Hollande n’est plus le président qui a été élu, même s’il se revendique encore de gauche, nécessité électorale oblige. Revenons donc à cette primaire, dont il est aussi issu et dont François Hollande louait les mérites quand il était encore élu de Corrèze, quand il était dans l’opposition, quand finalement la conduite des affaires de l’Etat ne relevait pas de sa responsabilité. Et si in fine, cette primaire redoutée lui permettait de conquérir à nouveau l’Elysée. Mettons nous à sa place. Impopulaire, le chef de l’Etat craint d’être éliminé du scrutin interne au PS et de la gauche dans son ensemble (pour ce qu’il en reste). Actuellement, il a raison. Le risque de se présenter avec l’espoir d’être choisi pour représenter la gauche à l’élection présidentielle est faible, très faible. A quoi s’ajoutent aussi des convictions mêlant orgueil et certitudes. Mais l’espoir en question n’est pas nul si François Hollande se plie à l’exercice en expliquant en préambule que sa démarche est dictée par la volonté sincère de d’abord susciter l’adhésion chez les siens avant de la susciter chez les autres français. Marque d’humilité et d’honnêteté qui pourrait lui permettre alors d’espérer. Car se présenter devant ses troupes dans les oripeaux d’un impétrant plutôt que dans ceux d’un baron prétentieux aurait certainement un effet plus que positif sur les sympathisants et autres partisans, y compris dans l’opinion publique en général, qui ne pourraient les uns et les autres, toutes convictions confondues, que saluer le courage de la démarche même si celle-ci reste empreinte de calcul politique.
Adversaires déstabilisés
Dès lors annoncer sa candidature à la primaire reviendrait à penser, devant le risque encouru, que l’homme ne se présenterait pas pour un second mandat présidentiel. Ces adversaires, y compris au sein du parti en seraient déstabilisés, interdits devant une telle attitude, ces derniers ne pouvant arguer, eux d’un quelconque bilan même si celui de François Hollande est discutable et discuté. Le gain politique, serait considérable, a fortiori en cas de victoire, en terme d’image, de crédibilité et de capacité à se remettre en question, il renverrait l’homme à sa condition d’homo politicus simple et nu, au point de retourner l’opinion. Non dans sa totalité, mais au moins ceux qui animent son camp naturel et qui l’ont élu en 2012. Naturellement pareille annonce déchaînerait les passions et les commentaires à l’emporte-pièce, violents et incisifs mais sans réelles portées car nourris par la frustration d’un coup politique d’une grande finesse. Toutes glisseraient sur l’homme qui étoufferait ainsi toute polémique en s’en remettant au jugement des siens. L’effet de surprise associé à celui du courage politique entamerait durement le capital confiance d’une opposition qui peine elle à se plier à l’exercice, la droite nourrissant, naturellement, plus facilement le culte du chef que celui du collège électif. Laisser planer le doute d’une potentielle candidature via le périlleux exercice de la primaire au lieu d’imposer le dogme d’une certitude intangible permettrait à François Hollande de se relancer politiquement, même en cas de défaite, l’homme pouvant endosser après coup le rôle d’une autorité morale à la parole respectée. Dans le cas contraire, partir en découdre avec un électorat naturel au mieux fatigué et déçu, au pire amer et perdu, pourrait s’avérer des plus risqués, tout comme la primaire certes, mais avec en prime l’assurance de sombrer définitivement. Et la deuxième question de se poser : Vaut-il mieux perdre la primaire avec grandeur que perdre l’élection présidentielle dans la froideur de l’humiliation ?
Une réflexion sur “Risquer d’être battu pour être mieux élu ?”