En acceptant les conditions de l’Union européenne sur le règlement de la question nord-irlandaise, le Premier ministre anglais Boris Johnson ouvre la voie à un assouplissement des négociations post-brexit. Mais dictée par la nécessité politique et économique, cette flexibilité renvoie aussi à un échec relatif du discours ayant appelé à la sortie de l’Union.
Serait-on en train d’assister au dernier épisode du feuilleton politique qu’est le Brexit ? Au regard de la décision de Boris Johnson, Premier ministre du Royaume-Uni, d’assouplir sa position au sujet de la question nord-irlandaise (lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/international) tout pousse à croire que le british soap s’achemine vers une fin heureuse même si quelques questions encore épineuses portant sur la pêche, la manière de garantir des conditions de concurrence équitables et le règlement des éventuels futurs différends restent encore en suspend. Pour autant, l’inflexibilité dont avait fait preuve le Premier ministre anglais au cours des négociations passées, laissant apparaître le spectre d’un No Deal, a été quelque peu entamée par nombre de raisons d’ordre politique et économique. Et la première d’entre elle, politique mais aux conséquences aussi économiques, est certainement le résultat de l’élection présidentielle américaine en novembre dernier qui a vu Donald Trump, fervent partisan du Brexit et soutien de Boris Johnson, s’incliner face à Joe Biden, lui-même d’origine irlandaise. Or, le nouveau président des Etats-Unis, qui sera investi en janvier 2021, a toujours déclaré son opposition à la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, voyant dans cette dernière un partenaire économique crédible mais aussi diplomatique, capable de jouer un rôle clef sur la scène internationale.
Volonté et marginalisation
Ainsi, la crainte de voir le Royaume-Uni exclu des flux commerciaux liant les Etats-Unis et l’Union européenne a-t-elle poussé Boris Johnson à plus de flexibilité et de finesse dans les négociations avec ses ex-partenaires européens. La volonté doublée de la nécessité de ne pas froisser le cousin d’outre-Atlantique l’a aussi emportée sur la position initiale de Londres sur les conditions du retrait et sur les négociations post-brexit, les unes et les autres teintées d’une implacable fermeté. Et d’aucuns d’apprécier au passage, si besoin était de le rappeler, le poids et l’influence des Etats-Unis dans la politique européenne y compris à un niveau interne comme celui que peut représenter le Brexit. La seconde raison est en revanche clairement économique au regard des relations nouées par le Royaume-Uni avec les pays membres de l’Union européenne. Si les Etats-Unis restent le premier partenaire commercial du Royaume-Uni (Perspective monde : https://perspective.usherbrooke.ca), l’Union européenne, à commencer par l’Allemagne, la France, puis l’Espagne, l’Italie, les Pays-Bas et la Belgique se présentent comme des partenaires économiques et commerciaux dont le Royaume-Uni ne peut en aucun cas s’affranchir, a fortiori dans un contexte de mondialisation où, Londres, seule et isolée, apparaîtrait comme marginale, voire hors-jeu. Dès lors, s’impose un simple constat : désireuse de sortir de l’Union européenne dont elle vilipendait les règles trop strictes, règles accusées de nuire au libre-échange dont se réclamait le Royaume-Uni, voici que Londres est aujourd’hui amené à assouplir sa position en vertu de nécessités économiques qu’incarne l’Union européenne. Alors pourquoi ce revirement ? Pour éviter les conséquences d’un chaos commercial qui brouillerait pour longtemps son avenir.
Entêtement et impuissance
L’autre constat, beaucoup plus politique que le premier, renvoie à l’entêtement et à l’aspect irréfléchi de la sortie de l’Union européenne. Soutenu par un discours populiste, jusque boutiste et limité idéologiquement, encouragé par l’élection en 2016 de Donald Trump et l’arrivée au pouvoir au sein de pays membres (Pologne et Hongrie) de l’Union européenne de dirigeants contestant les règles édictées par Bruxelles, le Royaume-Uni s’est progressivement enfermé dans une logique absolue qui a plus travaillé à son isolement diplomatique qu’à son émergence sur la scène internationale en qualité d’acteur politique ou économique. In fine, Boris Johnson, convaincu ou non de la pertinence de son combat, a dû, et devra certainement encore céder à l’Union européenne afin de permettre au Royaume-Uni de faire valoir sa position politique, diplomatique et économique. Et de là à considérer cet assouplissement comme un échec ou un aveu d’impuissance du discours qui a présidé à la sortie de l’Union, il n’y a qu’un pas. Mais une certitude s’impose, l’attitude inflexible qui a longtemps prévalu au Royaume-Uni se résume en une phrase : L’Albion a dû céder face à la nécessité et la raison. Une leçon à retenir… ?