Sanctionnée par le Parlement européen, la Hongrie fait figure de mauvais élève au sein d’un ensemble bousculé par la question des migrants. Mais si Viktor Orban, premier ministre hongrois, use des flux migratoires à des fins politiques, sa position, condamnée à raison, trouve en partie ses racines dans l’histoire de l’Europe de l’Est.
Dire que la question migratoire nourrit les populismes européens est un euphémisme. Pour autant le même euphémisme se trouve être mis à bas par l’étude menée par l’Institut national de l’étude démographique (INED) qui démonte le fantasme d’une immigration massive des populations africaines d’ici 2050 (lire article sur lemonde.fr : Immigration : faut-il s’attendre à une « ruée vers l’Europe » ? La réponse des démographes). Cependant, il est clair que les populismes européens aiment à se gargariser des peurs suscitées par ce fantasme pour mobiliser des citoyens effrayés par les images de radeaux remplis d’hommes et de femmes en quête d’un avenir meilleur. Contrecoup de cette peur instrumentalisée par certains pays européens, notamment la Hongrie, l’Union européenne a décidé d’actionner l’article 7 des Traités européens qui visent à sanctionner le pays en question pour sa politique hostile aux migrants. (Lire l’article sur lemonde.fr : Le Parlement européen dénonce la menace « systémique » des valeurs de l’UE dans la Hongrie de Orban) Voilà pour les faits. Mais ces derniers n’empêchent pas de s’interroger sur les raisons qui poussent la Hongrie et d’autres pays est-européens, comme la Pologne, à ainsi réagir face à la question migratoire.
Chute et progrès
La réponse se trouve pour l’essentiel dans l’histoire qui suivit la Seconde Guerre mondiale, à savoir la Guerre Froide. Ainsi, de 1945 à 1989, à savoir de la fin du conflit jusqu’à la chute du Mur de Berlin, aussi symbolique soit-elle, nombre de pays de l’Est ont vécu coupé du monde, placé sous la férule soviétique qui entravait toute ouverture ou tout contact avec les évolutions contemporaines. Les déséquilibres nord-sud, issus en grande majorité d’un processus de décolonisation sinon trop rapide du moins lourds de carences patentes subies par les anciens pays colonisés, déséquilibres en partie aujourd’hui responsables de l’exil de certaines populations, sont restés inconnus ou mal appréhendés de pays d’Europe de l’Est loin de saisir la complexité des mutations engendrées dans la seconde moitié du XXème siècle. Leur entrée dans l’Union européenne en 2004, porteuse de progrès économiques, sociaux et démocratiques, s’est aussi accompagnée de la découverte de modes de fonctionnement communautaires ignorés jusqu’alors et qui a mis ces mêmes pays face à des responsabilités d’essence collective auxquelles ils n’étaient en rien préparés. Et parmi ces responsabilités figure aussi la question des flux migratoires jusqu’alors inconnus dans une zone du monde où a prévalu pendant près de cinquante ans la seule autorité de Moscou, soucieuse de fermer ses frontières et celles de ces affidés. La question qui peut alors se poser est : devait-on intégrer les pays de l’ancien bloc soviétique dans l’Union européenne ?
Progrès et réflexes
Au regard des évènements actuels, notamment les agissements de la Hongrie ou de la Pologne, d’aucuns diront non. D’autres, naturellement diront oui car hormis ces deux pays, certes puissants et influents en Europe orientale, les autres pays sont conscients des progrès accomplis grâce à l’entrée dans l’Union européenne. (Lire l’article sur eurosorbonne.eu : L’Europe de l’Est, entre progrès économiques et régressions démocratiques ) Que faire alors des réticences de la Hongrie et de la Pologne ? Les combattre apparaît comme la moindre des mesures à prendre. Ensuite tenter de convaincre que la question migratoire n’est ni un danger ni une crise et que l’utiliser comme argutie politique est vain. Mais ce discours doit aussi s’accompagner d’une capacité à comprendre, sans employer cette même capacité comme moyen de minimiser la position de la Hongrie et de la Pologne, que les anciens pays de l’Est sont encore de jeunes entrants dans l’Union et doivent se défaire de réflexes imprimés par le régime soviétique. Or, il semble que ces réflexes soient plus longs à s’effacer chez certains que chez d’autres. Hélas…!