
L’élection de Donald Trump a surpris autant qu’elle a bouleversé la perception que le Monde avait des Etats-Unis et de son peuple. Mais derrière cet homme au langage outrancier et tapageur suit un électorat en quête d’un passé fantasmé et révolu.
Voilà quelques semaines, sur ce même blog, était titré un article intitulé Les Américains adorent se faire peur ! Cet écrit, que l’actualité a démenti, et ô combien, tentait d’expliquer que finalement, malgré toutes les outrances auxquelles le candidat à la Maison Blanche s’était livré, Donald Trump ne pourrait jamais accéder au bureau ovale. C’était alors occulter le fait que l’homme avait progressivement séduit une majorité d’électeurs américains. Et l’article en question concluait sur le fait que le milliardaire new-yorkais ne parviendrait pas à s’imposer face à Hillary Clinton. Force est de constater que l’article et son auteur, se sont trompés, d’aucuns diraient « trumpés » dans un jeu de mots facile. Passée la surprise de l’élection, vient désormais le temps de la compréhension. Pourquoi cet homme, milliardaire tapageur, vedette de la télé-réalité, marié si souvent que la vie d’un homme classique n’y suffirait pas, a fini par s’imposer ? Beaucoup, et à raison, ont évoqué les profondes divisions de l’Amérique, celle d’une classe sociale fracturée avec d’un côté des élites cultivées et éduquées de tendance démocrates, de l’autre des hommes et des femmes bousculés par la crise économique, au faible bagage scolaire ou universitaire et qui ne trouvent pas dans l’Amérique d’aujourd’hui les réponses attendues, comprenez celles que le rêve américain est censé leur apporter et de tendance républicaine. Qu’est ce qui a donc pu pousser les Américains à élire, et de manière nette, cet homme ? L’explication politique ne suffit pas car y compris des démocrates ayant porté Barack Obama au pouvoir ont voté pour Trump. L’Histoire (encore elle) nous éclaire. Ainsi, l’élection de 2016 ressemble un peu à celle de 1980, celle où Jimmy Carter, homme probe (il était pasteur et démocrate) et cultivé avait cédé sous les coups de boutoir républicain de Ronald Reagan. La culture contre l’apparence, la douceur du welfare state contre la violence du self-made-man, cure libérale à la clef.
Cow-boy moderne
Certes la présidence de Ronald Reagan ne se résume pas une série télévisée pailletée des années quatre-vingt, constellée de millionnaires indifférents au sort du Monde, loin s’en faut. Mais en 2016, l’impression que les Américains ont voulu élire un cow-boy moderne reste prégnante, un J.R Ewing du XXIème siècle sans Stetson et sans Sue Ellen ! Mais au-delà des artifices et de l’ironie domine surtout le sentiment que l’électorat de Donald Trump court après la réalité fantasmée d’une grandeur économique et d’un bien-être social passés et révolus. Et l’homme le sait tant et si bien qu’il appelle les anti-trump à ne pas avoir peur, à se rallier à lui pour former une unité sociale, réelle ou de façade, qui lui permettrait à terme d’édulcorer son discours au nom d’une gouvernance pour tous et ainsi éviter de décevoir un électorat remonté comme une pendule contre le Monde entier. (Voir article sur lemonde.fr : Ce qu’il faut retenir de la première interview du président Trump) Contrairement à ce que pensent une grande majorité des Américains ou certains européens tentés par le populisme, la prospérité économique est derrière eux et nous. Elle appartient à l’Histoire. Promettre son retour est un pari risqué qui occulte les bouleversements du Monde depuis près d’une trentaine d’années.
Solutions dépassées
L’électorat de Trump refuserait-il la réalité ? D’aucuns l’affirmeront, d’autres avanceront que non mais que pour s’affranchir des affres et des avatars que cette réalité abrite, ce même électorat fait appel à des solutions dépassées qui ont conduit le Monde dans l’état dans lequel il est aujourd’hui. Ce manque de perspective historique qui traduit clairement une ignorance et une indifférence pour les événements extérieurs voire internes aux Etats-Unis, explique en partie l’élection de Donald Trump. En partie seulement car l’Histoire n’est pas le fruit d’une seule et unique explication, fut-elle séduisante (donc facile). Mais Trump en a eu cure. Il a usé et abusé de ce vide abyssal qu’est l’ignorance elle-même fruit de divers facteurs sociaux qui de France et d’Europe nous échappent mais qui peuvent, par certains aspects, être communs aux deux continents. Désormais, Donald Trump est président des Etats-Unis, président d’une nation qui se réveille sous les regards inquiets. Seul l’avenir dira si l’élection de Donald Trump est un accident de l’Histoire ou, au contraire la première marche vers une autre civilisation car cette question ne pourra pas éternellement être renvoyée aux calendes grecques.