Savoir éviter le pire

Rassemblement_place_de_la_République_attentats_13_novembre_2015_3.jpgLa création d’une agence nationale de renseignement confirme la nécessité de coordonner les actions de prévention et de lutte contre le terrorisme. Mais une telle structure sera-t-elle capable d’anticiper les modes opératoires et les théâtres d’opération de terroristes cruellement imaginatifs et mobiles ?

Cruel hasard du calendrier, alors que la Commission d’enquête parlementaire se réunissait le 5 juillet pour essayer d’identifier les failles des services de renseignement ayant conduit aux attentats du 13 novembre 2015, Bagdad et Médine étaient à leur tour meurtries par deux violents attentats perpétrés par Daesh. La violence succédant à la violence, il semble ainsi que le Monde soit désormais, et pour longtemps, aux prises avec cette organisation terroriste d’envergure internationale capable de frapper, même blessée et amputée, là où bon lui semble. C’est d’ailleurs, malheureusement, une des principales forces de Daesh : Sa capacité à se déplacer, à semer la terreur sans que les protections dressées contre elle par les Etats ciblés ne parviennent à endiguer son action meurtrière. En France, devant les interrogations posées au lendemain du 13 novembre 2015, mais l’on peut aussi remonter à l’attentat de Charlie Hebdo en janvier de la même année voire à l’affaire Mohammed Merah, la commission d’enquête tout en pointant les défaillances du renseignement, s’est prononcée pour la création d’une agence nationale du renseignement qui coordonnerait l’ensemble des services antiterroristes, dont la DGSE (Direction générale de la surveillance extérieure)

Un phénomène polymorphe

L’idée est louable et s’avère pertinente car la désorganisation des services, le manque de coordination de la multiplicité des cellules ont conduit aux manquements que l’on connait et aux conséquences qui s’en sont suivies. Nul ne saurait donc blâmer cette initiative qui devra prendre corps rapidement à des fins d’efficacité. Pour autant, la création de cette agence, les moyens qui lui seront alloués, sa capacité à coordonner et intervenir en amont pour repérer au plus tôt le ou les individus susceptibles de représenter un danger pour la paix et le bien public, ne résout pas le problème du terrorisme en tant que tel. Comment le pourrait-elle d’ailleurs ? Ce n’est ni sa fonction ni sa vocation. Mais la question se pose, nous l’évoquions précédemment, devant la capacité du fléau terroriste et de ceux qui s’y engagent, à se muer et s’adapter aux obstacles qui sont dressés devant eux. Cette agence, louable répétons-le, sera certainement efficace mais pendant une durée donnée car le terrorisme n’est pas un phénomène abouti, cerné et circonscrit dans ses modes opératoires. Il s’agit au contraire d’un phénomène polymorphe, à multiples facettes, qui sait évoluer dans le temps dans une dimension presque darwinienne, se nourrissant de multiples terreaux sociaux où prédominent l’ennui, l’ignorance, la faiblesse, l’exclusion et le chômage de masse. Et le risque encouru est de voir non pas terrorisme et terroristes débordés et contraints par l’agence et pris de court dans leur volonté de nuire mais l’inverse : une agence obligée de s’adapter en permanence aux nouveaux modes d’action du terrorisme, des services à la traîne devant la maligne ingéniosité de terroristes cruellement imaginatifs. Voilà le pire des scenarii envisageables : Que le renseignement soit inféodé aux terroristes. D’ailleurs la création de cette agence n’en est-elle pas une forme d’expression ? Sans les attentats du 13 novembre, le statu quo prévaudrait. Certes, les techniques de renseignement se nourrissent aussi de l’évolution du terrorisme. Mais convient-il en la matière d’avoir un coup d’avance ou de retard ?

De Paris à Bagdad, de Médine à Fallouja

La guerre contre le terrorisme ne peut pas être imaginée ou conçue dans une logique de réaction mais uniquement d’action de prévention globale. Tout cela demande naturellement des moyens humains et financiers et renoncer partiellement ou retarder pour une durée indéfinie certaines actions susceptibles d’entraver l’évolution de la mouvance terroriste trahirait l’intérêt général de tous ceux qui en souffrent de Paris à Bagdad, de Médine à Fallouja, de Bruxelles à Dacca. Aussi, classer des individus S et les laisser errer sans surveillance particulière pour ensuite, les attentats accomplis, placer le pays en état d’urgence quasi permanent aurait un sens si tout ce qui aurait dû être fait pour prévenir les attentats en question l’avait été. L’état d’urgence ne peut être une réponse de secours et de circonstance à une situation qui dépasse les pouvoirs publics. Aussi, ce travail de recherche, à savoir comprendre les ressorts des terroristes, leurs motivations, leurs modes d’action, leurs réseaux et leur identification passe par le développement de politique de renseignement pertinente basée sur le terrain et une surveillance des réseaux sociaux, facteurs de mutation et de propagation du discours à finalité terroriste. Certes, la Démocratie, souvent menacée dans le Monde (sans pour autant être la seule) reste tiraillée, et c’est d’ailleurs son essence et sa grandeur, par la volonté de ne pas enfreindre les libertés individuelles. Il est cependant peu probable que la nouvelle agence en vienne à ce type d’extrémité mais prévenir le terrorisme et identifier les individus susceptibles de se rendre coupable d’actes criminels passera peut-être par certaines concessions. La dite agence n’en étant que la moindre.

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