Si l’Euro 2016 promet une succession de rencontres sportives de très haut niveau, il est aussi pour les pouvoirs publics et les acteurs économiques, porteur de grandes espérances chiffrées à 1,2 milliards d’euros. Mais est-il raisonnable d’attendre autant d’une compétition avant tout sportive ?
Cette fois, ça y est ! L’Euro 2016 tant attendu par les passionnés de ballon rond est lancé ! Pendant un mois, tous autant que nous sommes, iront de temps à temps jeter un coup d’oeil aux résultats de telle ou telle équipe. Voilà pour le côté bon enfant de la chose. Car à y regarder de plus près, que peut-on réellement attendre de la compétition tant sur la plan sportif qu’extra-sportif ? Pour ce qui est du premier, la glorieuse incertitude qui prévaut en la matière fera office de réponse à la question et de conclusion. Pour ce qui est du second point, en revanche, la question reste entière et pleine de sens. A l’annonce de l’organisation de la compétition en France, nombreux ont été ceux à sortir leur calculatrice et à afficher les potentielles retombées économiques et financières. Il est serait difficile de les blâmer : d’autres en ont fait autant avant eux et l’Euro n’a lieu que tous les quatre ans. Résultat des estimations :Un milliard deux cent millions d’euros de chiffres d’affaires générés durant la compétition. Diantre ! Voilà une manne inespérée par les temps qui courent. Certes ! Mais il ne s’agit que d’une estimation. Et lors de la dernière grande manifestation sportive d’audience internationale organisée en France, à savoir la Coupe du Monde en 1998, les retombées effectives avaient finalement été moindres que celles attendues et ce pour divers paramètres qui se sont alors conjugués…Déception dans les rangs des organisateurs qui avait été balayée par la victoire de l’Equipe de France mais déception quand même.
Sport et émotion
Il serait donc exagéré et présomptueux, voire risqué d’attendre trop économiquement parlant d’un événement qui prend place, qui plus est, dans un pays placé sous la menace terroriste, partiellement handicapé par des grèves diverses et variées, meurtri par des inondations dont on panse encore les plaies et par des violences extra-sportives parallèles à la compétition du fait de supporteurs avinés et abrutis. Aussi, un constat s’impose-t-il de lui même. Il ne faudra attendre de l’Euro 2016 que ce qu’il peut donner, à savoir une succession de rencontres internationales, certaines d’un très haut niveau sportif et technique associées à des communions populaires que l’on souhaite évidemment maîtrisées. Pour résumer : du sport et de l’émotion simple et pure. Pour ce qui est des effets économiques et financiers, il est encore trop tôt pour tirer la moindre conclusion. Mais il est sûr que si violences et débordements se multipliaient de manière irrationnelle, la passion populaire autour de la compétition s’essoufflerait vite pour céder la place à une prudence de raison et de circonstance qui aurait tôt fait de doucher les attentes économiques des uns et des autres. Car pour l’heure, le chapitre des violences s’est malheureusement déjà ouvert sur un roman plutôt noir. Il reste encore suffisamment de jours pour naturellement inverser la tendance et oublier ces premières heures sombres qui ternissent conjointement le pays organisateur, la compétition, le football et les pouvoirs publics. Car là encore, il n’est pas interdit de se demander si de tels évènements ne sont pas in fine le révélateur des carences propres au pays hôte, en l’état, police débordée par des supporteurs mobiles, informés et conscients des faiblesses des forces de l’ordre qui leur font face. Les brutes avinées (pour ne citer qu’elles) qui ont semé le désordre dans les rues de Marseille en préambule au match opposant l’Angleterre à la Russie renvoie le pays, pourtant soumis à l’état d’urgence, à des réalités socio-sportives peut-être mal appréhendées en amont et aux conséquences lourdes.
Décréter la bonne humeur
Certes les stades se sont jusqu’alors remplis et c’est tant mieux. Mais un tel événement ne se mesure pas seulement à l’aune d’une billetterie florissante. Elle est censée, du moins dans l’esprit des organisateurs, générer un engouement général porteur et ce à tous points de vue. Et répétons-le, l’erreur est peut-être là : attendre plus que la compétition ne peut donner et engendrer. L’Euro 2016 n’a pas la capacité de décréter de lui-même la bonne humeur et la fièvre acheteuse qui pourrait l’accompagner. C’est bien dommage mais si le football, en tant que sport, est capable de mobiliser et générer des capitaux abyssaux, les manifestations internationales dans lesquelles il est censé être roi ne sont en réalité que des enveloppes et des structures handicapées par leur propres limites. Concrètement, l’Euro 2016 propose du football mais il n’est pas le football. Pensons-y….