A l’approche du référendum devant décider de la sortie ou du maintien de la Grande-Bretagne dans l’Union européenne, se pose aussi la question de savoir quelles raisons ont poussé le Royaume-Uni à vouloir intégrer la CEE en 1973.
A vrai dire, s’il est une question à se poser aujourd’hui concernant la possible sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne, ce n’est pas tant de savoir pourquoi une majorité de Britanniques souhaite (ou pas) en sortir mais plutôt pourquoi la Grande-Bretagne est entrée dans la Communauté économique européenne (CEE) en 1973. Là encore un bref mais pédagogique retour en arrière s’impose. Après avoir essuyé deux refus consécutifs en 1963 et 1967, refus grandement liés à la position de la France qui s’opposait à l’entrée de la Grande-Bretagne dans la CEE, le Royaume-Uni faisait enfin son entrée dans l’espace européen, non sans un certain scepticisme de part et d’autre. Parmi les raisons qui poussèrent la Grande-Bretagne à vouloir intégrer le marché commun, figuraient en tête de liste la possibilité de profiter des retombées des échanges commerciaux qui animaient le continent. Partiellement tenue à l’écart du dynamisme économique qui assurait alors la prospérité des pays fondateurs, tous engagés dans des phases de reconstruction d’après-guerre, la Grande-Bretagne avait pris l’habitude de commercer d’une part avec ses anciennes colonies rassemblées sous la bannière du Commonwealth et d’autre part avec les Etats-Unis, partenaire naturel avec lequel le Royaume-Uni entretenait, et entretient encore, des liens extrêmement privilégiés.
Economie et erreur
Mais à l’orée de la première crise économique, la Grande-Bretagne, dont l’histoire s’était grandement jouée sur les mers, se tourna vers la terre ferme du continent pour renforcer une économie certes solide, s’appuyant sur un libéralisme encore bon teint, mais qui ne pouvait plus se contenter de ses échanges avec un Commonwealth trop faible et des Etats-Unis naturellement présents mais trop éloignés pour assurer pleinement le prospérité du Royaume-Uni. C’est donc avant tout l’argument économique qui prévalu en Grande-Bretagne pour solliciter l’adhésion à la CEE. En France, la disparition du Général de Gaulle, facilita l’intégration de la nation britannique qui vit en la CEE une forme de bouée de sauvetage. Mais l’erreur alors commise a été de croire que la Grande-Bretagne se plierait de bonne grâce aux règles qui prévalaient au sein de la CEE puis de l’Union européenne. Il suffit pour cela de se remémorer les options politiques de Margaret Thatcher dans les années quatre vingt, options clairement inspirées et copiées du libéralisme décomplexé de Ronald Reagan, qui manquèrent de conduire CEE et Grande-Bretagne à la rupture. Autre erreur, la notion de mutualisation et d’entraide internationale qui présidait, et encore aujourd’hui, à la création de la CEE lors de la ratification du Traité de Rome en 1957. Ainsi, la Grande-Bretagne a-t-elle toujours donné le sentiment d’une adhésion « à la carte » aux principes européens, en l’état en faveur de ses intérêts économiques propres qui ne sont pas incompatibles avec ceux de l’actuelle Union européenne mais complémentaires. Et c’est d’ailleurs en partie sur ce point que repose la problématique sous-jacente du référendum du 23 juin prochain (l’autre partie étant une question de politique intérieure). Troisième erreur, conséquence de la seconde, et imputable aux instances et gouvernements européens alors en exercice à la fin des années soixante, celle de croire que l’adhésion du Royaume-Uni, motivée par des questions économiques, serait naturellement et automatiquement suivie par une adhésion aux principes fondateurs de la CEE.
Candeur et malentendu
Il ne s’agit pas de maudire les Britanniques, loin s’en faut, mais ils ne sont pas les seuls responsables dans la crise ouverte que traduit le référendum à venir. La naïveté des instances et gouvernements européens des années soixante-dix s’est conjuguée avec le flegme cynique des gouvernants britanniques de l’époque, les premiers imaginant candidement que la Grande-Bretagne changerait d’attitude, les seconds que la CEE et l’Union finiraient par se résoudre à leur présence sans poser plus que questions que cela ou exiger quoi que ce soit. A l’arrivée : un malentendu qui dure depuis quarante-trois ans. « Mauvais mariage ! » crieraient certains. « Soit ! Divorçons ! » répondraient d’autres. Pas si simple car, comme le rappelle le cabinet Cassini Conseil, « d’un point de vue économique, l’Union européenne est un partenaire indispensable pour le Royaume-Uni. Les échanges commerciaux avec l’Europe dépassent largement ceux avec les Etats-Unis et, de très loin, ceux réalisés avec les pays du commonwealth. Dans le domaine financier, un secteur important pour le Royaume-Uni, les pays de l’Union européenne sont là aussi une source de revenus très significative, en particulier des Etats comme les Pays-Bas, la France ou l’Allemagne »*. Et alors qu’à cette heure, le maintien apparaît à certains comme impérieux, vitale à d’autres, il semble en parallèle que la seule perdante soit l’Union européenne incapable de faire régner l’ordre dans ses rangs et alimentant encore un peu plus la crise qui la ronge. Alors si le divorce est une solution, il faut juste s’entendre pour savoir qui paiera la pension alimentaire…
Sources : http://www.cassini-conseil.com/le-royaume-uni-et-leurope*