La contestation qui fait rage depuis des mois en Biélorussie met en évidence la faillite d’un système politique obsolète mais aussi toute la puissance et l’influence diplomatiques du Président russe Vladimir Poutine, dernier soutien d’Alexandre Loukachenko, le dirigeant biélorusse.
Dernier survivant de l’ère soviétique, attaché au passé d’un système politique et idéologique mort et enterré depuis plus de trente ans, Alexandre Loukachenko, Président sans interruption de la Biélorussie depuis 1994 ne se résout pas à abandonner le pouvoir que les Biélorusses lui contestent. (lemonde.fr : https://www.lemonde.fr/international) A coup d’arrestations massives et de violences politiques, le pouvoir d’un président de plus en plus isolé, tente de sauver un régime qui subit au quotidien la réprobation de l’ensemble de la communauté internationale, notamment de l’Union européenne. Pourtant, Alexandre Loukachenko, peut encore compter sur le soutien de Vladimir Poutine, président de la Russie qui a longtemps vu dans la Biélorussie un allié puissant capable de stabiliser une région encore agitée par les soubresauts ukrainiens.
Géostratégie et double-jeu
Seulement, ce soutien, jusqu’alors indéfectible, pourrait se transformer en compréhension polie pour s’achever en désolidarisation totale tant Vladimir Poutine sait avoir besoin de l’Union européenne et de la communauté internationale pour assurer l’avenir de son pays. Le président russe, fin stratège et au fait des alliances internationales, a depuis longtemps compris que le régime biélorusse, certes utile d’un point de vue géostratégique régional, n’avait guère plus de raison d’être tant les aspirations libertaires qui ont traversé le monde ces dix dernières années étaient suffisamment profondes pour renverser les caciques de l’ordre ancien. Alexandre Loukachenko, qui s’attache à réprimer la contestation au sein de son pays, est certainement conscient du dilemme qui anime son partenaire historique russe mais n’a, à ce jour, guère d’atouts dans sa manche pour s’assurer du soutien éternel de Moscou. Or, fâcher la communauté internationale n’est certainement pas dans les intentions de Vladimir Poutine au regard du double-jeu mené par Moscou à l’endroit de la crise syrienne où le Kremlin s’est toujours montré globalement conciliant avec Bachar El-Assad, au grand dam des Européens. Les condamnations qui frappent le régime biélorusse, certes utiles car promptes à tourner les yeux du monde vers ce pays de 9,5 millions d’habitants, pro-européen et avide d’ouverture à l’international, ne sont cependant pas suffisantes pour infléchir la position d’ Alexandre Loukachenko.
Pression et Etat-Tampon
Celui-ci, en dinosaure de l’ère communiste, attend le signal de Moscou pour céder un pouvoir qui lui échappe pourtant tous les jours un peu plus car seule une position tranchée de Vladimir Poutine le décidera à abandonner ses prérogatives de dictateur. Pour autant, bien que ne disposant pas d’atouts majeurs pour résister à la pression populaire, Alexandre Loukachenko peut encore compter sur la position géographique de la Biélorussie pour pousser Vladimir Poutine à ne pas lâcher un allié fidèle. Frontalière de la Lituanie et de la Pologne, toutes deux membres de l’Union européenne, de l’Ukraine encore rongée par une guerre civile larvée entre groupes pro-russe et pro-Union européenne, la Biélorussie occupe une place d’État tampon entre les pays cités et la Russie qui ne souhaite en aucun cas se retrouver frontalière avec l’Union européenne et par conséquence avec l’Europe occidentale. Alors quel avenir se dessine-t-il pour la Biélorussie ? Soit Vladimir Poutine joue le jeu diplomatique de l’ouverture en abandonnant Alexandre Loukachenko, soit celui-ci reste fidèle à l’histoire de feu l’Union soviétique et du Pacte de Varsovie en tenant ses distances avec le monde occidental. Dans les deux cas, il semble bien que ce soit Moscou qui soit en position d’arbitre, Alexandre Loukachenko occupant celui de pion, et le peuple biélorusse, de victime.