Les Championnats du Monde d’athlétisme de Doha révèlent l’impossibilité climatique d’organiser des compétitions sportives dans le Golfe persique mais aussi la faiblesse morale des pays participants pourtant au fait des atteintes multiples commises par le pays hôte le Qatar.
Et s’il n’en reste qu’un seul debout…Ce sera peut-être seulement le stade Khalifa ! Passée la boutade, teintée d’un brin de cynisme, il apparaît clairement en marge des Championnats du Monde d’athlétisme de Doha que les conditions climatiques qui prévalent pour cette compétition défient toutes les lois de la rationalité. Non que le Qatar ne soit pas capable d’accueillir sur le plan technique une telle manifestation mais il est désormais évident, pour ceux qui en doutaient, que tout être humain, fut-il sportif de haut niveau, ne peut résister aux températures qui écrasent les compétiteurs qui plus est en étant soumis à un effort physique intense.
Désert urbanisé
Secret de Polichinelle crieront certains à raison mais passée cette évidence reste à s’interroger sur le choix du Qatar pour organiser les mondiaux d’athlétisme, anti-chambre officieuse de la prochaine Coupe du Monde de Football qui doit elle aussi se tenir au Qatar, certes en novembre 2022. La réponse ne réside pas dans l’architecture ou l’esthétique du stade, fort audacieuses l’une et l’autre, mais dans la volonté d’un pays du Golfe persique de prouver aux yeux du monde que le pétrole ne constitue pas le seul atout de ce bout de désert urbanisé. Et que stades, villes, routes, centres commerciaux et autres agréments de tout grand pays développé ont droit de cité dans ce qui resta longtemps une vaste étendue de sable battue par les vents. Ainsi, grâce à ses mondiaux d’athlétisme le Qatar se pose en véritable acteur international, le pays ayant compris avec justesse et finesse combien le sport de haut niveau était un outil politique et diplomatique puissant, surtout quand celui-ci s’accompagne de moyens financiers quasi-illimités. Car désormais il faudra compter avec le Qatar. Si jusqu’alors le doute prévalait, doute à peine ébranlé par le rachat en 2011 du Paris Saint Germain, celui-ci n’a plus guère de raison d’être tant la pétromonarchie s’est astreinte à développer l’image d’un pays actif, empreint de modernité contemporaine et prêt à se positionner parmi les grands de ce monde.
Considérations et transparence
Banaliser la destination Qatar, ici Doha, comme le sont devenues New-York, Londres ou Paris telle est l’ambition des Qataris, fut-ce au prix d’une atteinte à l’environnement comme le prouve le système de climatisation du stade Khalifa qui bafoue toutes les règles en matière d’émission à gaz à effet de serre. Et visiblement, le Qatar, à tort ou à raison, semble bien se moquer de ce type de considérations tout comme des conditions de travail des ouvriers employés à la construction des stades de la prochaine Coupe du Monde de Football. Mais ces derniers, si loin, si transparents voient leur sort échapper à la pitié de sociétés bien pensantes plus préoccupées par le prix du dernier téléphone mobile, du prix du litre d’essence que par leurs existences respectives. Et dès lors d’émerger une vraie question d’essence morale où se mêlent respect de la dignité humaine, des droits de l’homme et de l’environnement au regard de la compétition actuelle qui touchera à sa fin dans quelques heures. Mais une fois acquise la conviction que nombre de principes fondamentaux sont bafoués, qui osera se lever pour simplement refuser de se prêter à une parodie de rendez-vous sportif dicté par l’appât du gain ? Nul ne le sait. Mais peut-être que lorsqu’un athlète ne se relèvera plus, terrassé par la chaleur ou que le nombre d’employés disparus sur les chantiers aura atteint des sommets intolérables, peut-être qu’alors, en effet, quelqu’un osera siffler la fin de la partie.